Avis du 12 décembre 2017 relatif aux modules de respect dans les établissements pénitentiaires

JurisdictionFrance
Date de publication14 mars 2018
Enactment Date12 décembre 2017
Publication au Gazette officielJORF n°0061 du 14 mars 2018
Record NumberJORFTEXT000036705628


Mis en place en 2001 en Espagne dans un établissement pénitentiaire par une psychologue et un éducateur, les « módulos de respeto » ont ensuite été généralisés dans la quasi-totalité des établissements espagnols. Les prisons y offrent trois régimes de détention : fermé, ouvert et semi-libre ; les modules de respect constituent une sous-catégorie du régime ouvert. Selon les autorités espagnoles, l'objectif de ces modules est triple : « la création d'un environnement social normalisé servant de cadre aux programmes de traitement spécifiques, la rupture de la dynamique carcérale à travers la modification des relations de groupe [et] le développement de programmes de traitement en habitudes, valeurs et attitudes » (1).
En France, dans le cadre du plan national de prévention des violences de 2014 et du protocole relatif à l'évolution du métier de surveillant de 2013, des établissements pénitentiaires se sont inspirés du modèle espagnol pour expérimenter des modules de respect. Le rapport d'évaluation rédigé en 2016 par l'inspection des services pénitentiaires relativement aux modules de respect implantés au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan et au centre de détention de Neuvic fait état de sept objectifs : « diminuer les violences, apaiser le climat en détention, définir des nouvelles règles de respect des personnes et de la vie en détention, redonner du sens aux métiers pénitentiaires, intégrer le surveillant dans une équipe de détention, modifier le comportement des personnes détenues (respect des règles de vie en détention, hygiène, bruit, violence) et rendre la personne détenue responsable de sa vie en détention » (2). Des distorsions apparaissent, dès cet énoncé, entre l'esprit du modèle espagnol et celui des modules mis en place en France, dont les ambitions paraissent plus modestes.
Le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan (Landes) a été le premier établissement français à implanter un tel module, en 2015. Aujourd'hui dix-huit prisons - y compris un établissement pour mineurs - en ont ouvert ; cela représente 2 431 places de détention, actuellement occupées par 2 132 personnes détenues. Quartiers « maison d'arrêt » et « centre de détention » sont concernés dans des proportions identiques. Vingt établissements supplémentaires ont le projet d'instaurer un tel module entre 2018 et 2020 (3).
Au regard de la mission qui lui a été confiée par la loi du 30 octobre 2007 modifiée, il a semblé important au Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) d'étudier ce dispositif en cours de déploiement puis de faire connaître son opinion à ce sujet.
Pour ce faire, le CGLPL a visité quatre établissements dotés d'un module de respect : le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan (Landes) en septembre 2016, la maison d'arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) en avril 2017 et les centres pénitentiaires de Beauvais (Oise) et de Riom (Puy-de-Dôme) en juillet 2017. Il constate que si certaines modalités diffèrent d'un établissement à un autre, les principes en sont similaires, en quartier « maison d'arrêt » comme en quartier « centre de détention » : les personnes détenues volontaires intègrent ce dispositif après sélection puis signature d'un contrat d'engagement ; elles disposent d'une liberté de déplacement dans l'ensemble du bâtiment concerné en journée ; elles participent à certaines commissions en vue d'organiser des aspects quotidiens de la vie en détention ; elles s'engagent à justifier d'heures d'activités ; elles sont tenues de respecter des obligations multiples en matière de convivialité, d'entretien de la cellule, d'hygiène corporelle, de ponctualité, de comportement au cours des activités et au sein des espaces communs, etc. ; elles sont observées quotidiennement puis évaluées hebdomadairement par le personnel de surveillance via un dispositif de bons et de mauvais points qui donne lieu à récompense ou recadrage voire exclusion.
Le CGLPL estime que ces expériences constituent en réalité un nouveau régime de détention, avec des effets contrastés au regard de l'exercice des droits fondamentaux (I). Les mises en œuvre, diverses, témoignent de la nécessité d'une réflexion plus poussée (II). L'apparition de ce nouveau régime invite à reconsidérer l'ensemble des régimes de détention (III).


I. - Le module de respect : un nouveau régime de détention, plus favorable en maison d'arrêt qu'en centre de détention
1. Davantage qu'un module, un régime


Un module se définit comme une unité combinable à d'autres alors qu'un régime est la manière dont quelqu'un est soumis à une institution. Dans les établissements visités, les modules de respect apparaissent davantage comme un régime car :


- ils touchent une proportion importante de la population pénale : 41 % des personnes détenues dans le quartier « maisons d'arrêt » du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, 33 % dans celui de Beauvais, 24 % dans celui de Riom et 17 % à la maison d'arrêt de Villepinte ; 46 % dans le quartier « centre de détention » du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan ;
- ils s'adressent à toutes les catégories pénales : personne condamnée ou prévenue, procédure correctionnelle ou criminelle ;
- ils concernent des hommes comme des femmes ;
- ils n'excluent qu'un nombre réduit de personnes nonobstant de multiples critères d'inéligibilité définis dans les établissements (sanction disciplinaire grave récente ; problème psychologique incompatible ; inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ; infraction pour terrorisme ; suspicion de radicalisation ; révocation d'un aménagement de peine) ;
- ils sélectionnent les participants, tous volontaires, par le dispositif d'affectation habituel de la commission pluridisciplinaire unique (CPU « arrivants » ou « régimes différenciés »), à l'arrivée ou en cours de détention ;
- ils ne sont pas accolés à un régime ouvert car ils constituent le seul régime ouvert, sauf dans les centres de détention qui, à l'instar de celui du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, ont conservé un tel régime hors module de respect ;
- ils ne sont pas limités dans le temps et sont susceptibles d'organiser durablement la vie en détention, dont ils régissent le quotidien ;
- ils ne proposent pas d'offre de prise en charge et d'activité supplémentaire ou différente à celle existant en détention habituellement (travail, formation, enseignement, sport, culture, soins, loisirs). En ce sens, ils se distinguent des programmes de prévention de la récidive ou des programmes « courtes peines » (4).


Le présent avis fera dorénavant référence à un régime de respect et non plus à un module. D'ailleurs le mot « régime » tend à supplanter le mot « module » dans le lexique des établissements (5).


2. Un bilan globalement positif, particulièrement en maison d'arrêt, mais soumis à réserve en centre de détention


Dans les quartiers « maison...

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