Avis du 13 juin 2013 relatif à la possession de documents personnels par les personnes détenues et à l'accès de celles-ci aux documents communicables

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0159 du 11 juillet 2013
Date de publication11 juillet 2013
Record NumberJORFTEXT000027689542
CourtCONTROLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE
Enactment Date13 juin 2013


1. La manière dont est organisée, dans les établissements pénitentiaires, la possession de documents personnels par les personnes détenues est au confluent de plusieurs droits fondamentaux. En premier lieu celui du respect de la vie privée, c'est-à-dire du « droit de vivre à l'abri des regards étrangers ». Ce droit emporte deux dimensions : celle de la protection des documents dont le caractère personnel est établi (correspondance, mémoires, documents de famille, dossiers de procédure individuelle...) (Cour européenne des droits de l'homme, 25 février 1997, Z. c/ Finlande, n° 22009/93, paragraphe 95 sq.) ; celle, inverse, de possibilité d'accès aux données de caractère personnel, dont disposent les pouvoirs publics, en cas de nécessité primordiale (Cour européenne, grande chambre, 13 février 2003, Odièvre c/ France, n° 42326/98, paragraphe 42). En deuxième lieu, la protection de la propriété : le droit de disposer de ses biens en est l'un des éléments (Cour européenne ― plénière ―, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, n° 6833/74, paragraphe 63 ; 24 octobre 1986, Agosi c/ Royaume-Uni, n° 9118/80, paragraphe 48). En troisième lieu, enfin, éventuellement, le droit de se défendre, qui implique celui de bénéficier des garanties nécessaires à sa défense, par conséquent, celui d'accéder aux pièces nécessaires, y compris les siennes.
Ces droits, pour les personnes détenues, doivent trouver un juste équilibre avec les nécessités de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires : ainsi en matière de correspondance (Cour européenne, 12 juin 2007, Frérot c/ France, n° 70204/01, paragraphe 59) ou de droits de la défense (Cour européenne, Grande chambre, 9 octobre 2003, Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, n° 39665/98 et n° 40086/98, paragraphe 131). Mais les restrictions apportées alors à ces droits ne sauraient excéder les exigences requises par le but poursuivi.
2. On ne peut comprendre l'importance qui s'attache, pour une personne détenue, à la possession de certains écrits personnels si l'on omet de prendre conscience que, dans une détention, chacun est à l'affût de ce qu'est autrui, dont on veut tout savoir, à commencer par les motifs de son incarcération. La protection qui doit s'attacher à des documents n'a pas seulement pour fin la protection générale de la vie privée mais, de manière concrète, la défense de l'intégrité corporelle ou morale, dès lors que la révélation intempestive de données personnelles peut conduire à des insultes, à des menaces ou à des violences, en particulier de codétenus, appliquées à celui dont la personnalité est jugée, pour des motifs divers, dissemblable de ce que la « morale pénitentiaire » impose. La découverte par un tiers, dans un fichier administratif ou dans une notification de jugement, de l'infraction commise par une personne détenue peut conduire celle-ci à être l'objet de fortes difficultés dans son existence quotidienne, comme le constate souvent le contrôle général. Autrement dit, la nécessité de préserver du regard des documents personnels en prison met également en jeu, de manière fréquente, le droit fondamental des personnes détenues à ne subir ni torture, ni traitement inhumain ou dégradant.
3. La protection des documents personnels doit donc être l'objet, dans les établissements pénitentiaires, d'un soin tout à fait particulier en vue d'assurer le respect des droits fondamentaux mentionnés ci-dessus.
Constituent des documents qui doivent pouvoir être protégés du regard d'autrui, sous réserve des seuls contrôles mentionnés aux articles D. 269 et D. 274 du code de procédure pénale et à l'article 32-II du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale (1), les documents personnels :
― relatifs à toute infraction dont la personne se serait rendu l'auteur ou le complice ou à la présence de la personne en détention (article 31 du règlement...

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