Avis n° 2014-18 relatif au projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d'œuvres audiovisuelles des services de télévision

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0100 du 29 avril 2015
Record NumberJORFTEXT000030534330
CourtCONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL
Date de publication29 avril 2015


Saisi pour avis par le Gouvernement, en application des articles 9, 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, d'un projet de décret modifiant le régime de contribution à la production d'œuvres audiovisuelles des services de télévision, le conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré en séance plénière le 2 décembre 2014, émet l'avis suivant :
Le projet adressé au conseil modifie les décrets n° 2010-747 du 2 juillet 2010 et n° 2010-416 du 27 avril 2010 ; il a pour objet principal de porter application de l'article 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, qui a ouvert la possibilité de prendre en considération, au titre de la production indépendante, des dépenses des éditeurs en parts de producteur. Le projet de décret comporte une autre série de dispositions, prises sur le fondement des articles 27, 28, 33 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 non modifiés par la loi de 2013 précitée. A propos de ces secondes dispositions, la ministre pose certaines questions au conseil dans sa lettre de saisine.
Le présent avis examine en conséquence, après quelques observations générales, successivement :


- les modalités d'application de l'article 71-1 de la loi du 15 novembre 2013 ;
- les questions posées par la ministre de la culture et de la communication ;
- les autres dispositions du projet de décret.


Il formule ensuite quelques propositions complétant le projet de décret ainsi que quelques précisions rédactionnelles.


I. - Observations générales


Les principaux objectifs qui sous-tendent aujourd'hui les politiques publiques de soutien à la production audiovisuelle et le cadre réglementaire des relations entre éditeurs de services de télévision et producteurs de programmes audiovisuels ont été exprimés au cours des années 2013 et 2014 à l'occasion des travaux du Parlement, du Gouvernement et de la Cour des comptes. Le conseil, qui a également apporté ses contributions, les résume ainsi :


- favoriser, dans l'intérêt du public, la qualité des œuvres audiovisuelles qui lui sont exposées, qui résulte notamment d'un investissement élevé des éditeurs dans la production et d'une bonne circulation des œuvres ;
- favoriser un équilibre dynamique entre le renforcement des groupes audiovisuels, qui doivent faire face à de profondes évolutions des usages et diversifier leurs ressources, et la solidité d'un secteur de la production indépendante, susceptible de participer activement au renouvellement de la création ;
- soutenir le rayonnement international de la création française et européenne et, particulièrement dans une période d'absence de croissance en France des revenus des médias audiovisuels linéaires, permettre aux éditeurs et aux producteurs de construire des partenariats pour trouver ensemble des relais de croissance par la coproduction, la prévente et la vente des programmes.


Le cadre législatif et réglementaire doit favoriser la créativité, sur laquelle repose l'activité audiovisuelle. La création est évidemment présente dans les groupes éditeurs de services de télévision et dans leur production propre. Mais la préservation d'un secteur fort de la production indépendante, vivier de talents créatifs, est en partie gage du renouvellement de la création. C'est à ce titre que ce secteur industriel, qui représente une activité économique importante en termes d'emploi et de création de valeur, doit être soutenu, ainsi que la directive européenne « Services de médias audiovisuels » du 10 mars 2010 l'a prévu.
Le secteur de la production audiovisuelle a prouvé sa capacité à répondre aux besoins croissants des antennes des services de télévision et montre des signes de vitalité par la diversité des productions et de belles réussites d'audience ou de notoriété que la réglementation française doit continuer d'encourager.
Dans son rapport publié en avril 2014, la Cour des comptes a cependant fait le constat de l'échec du dispositif de soutien à la production audiovisuelle à faire émerger un tissu d'entreprises de production audiovisuelle suffisamment structuré. Le conseil partage le constat que de nombreuses sociétés de production pâtissent d'une sous-capitalisation qui freine leur capacité à développer, de manière significative, des travaux de recherche et à soumettre aux diffuseurs de nouveaux projets. La fragmentation du tissu productif doit être relativisée du fait de l'existence de quelques pôles de production en cours de développement, mais ceux-ci demeurent de taille inférieure aux plus grands groupes européens.
Le conseil estime que le système des obligations d'investissement des diffuseurs dans la production audiovisuelle doit encourager cet effort de consolidation de l'industrie de la production. Une telle évolution n'empêcherait ni le maintien d'entreprises très diverses ni l'installation de nouveaux entrants.
Le conseil estime ensuite que le cadre réglementaire doit créer les conditions d'une circulation et d'une exposition optimales des programmes français et européens afin d'en garantir le rayonnement sur le plan tant national qu'international.
L'ensemble des opérateurs traverse actuellement une période de stagnation voire de baisse de leurs ressources (produit des abonnements, recettes publicitaires, subventions budgétaires à l'exception de la contribution à l'audiovisuel public) : après une légère reprise de l'activité en 2011 et 2012, l'assiette des obligations de l'exercice 2013 amorce une baisse de 2,3 % par rapport à l'année précédente, passant de 6,49 milliards d'euros en 2012 à 6,34 milliards d'euros en 2013.
Diffuseurs et producteurs sont par conséquent contraints de trouver des relais de croissance. L'un d'eux réside dans la valorisation des œuvres par les coproductions internationales, les préventes et les ventes à l'étranger.
Dans ce contexte, la réforme des décrets doit conduire à la maximisation des revenus tirés des exploitations secondaires en France et à l'international, afin, d'une part, de permettre aux producteurs de rémunérer leur structure et de soutenir leurs efforts de développement de projets et, d'autre part, d'inciter les diffuseurs à préfinancer des programmes exportables et à valoriser à l'international les œuvres qu'ils financent fortement.
La place de la création française sur les nouveaux réseaux de distribution et dans la sphère numérique mondialisée s'en trouvera en outre renforcée. Le conseil précise à cet égard qu'au sein de la création française, il convient de n'exclure aucun genre de programmes, notamment les émissions de flux qui participent à l'économie du secteur dans son ensemble et sont un facteur de diversité de l'offre de programmes. Elles peuvent faire preuve d'une grande créativité et permettent l'émergence de formats innovants. Le cadre réglementaire doit contribuer à encourager les concepts originaux d'émissions de flux dont certains ont une grande capacité d'exportation.
Plus largement, le conseil estime que le soutien à la création suppose de garantir une exploitation effective des œuvres, vertueuse pour la vitalité de la filière de production et les reversements aux ayants droit, et qui n'est pas nécessairement contradictoire avec les stratégies des groupes audiovisuels quant à la valorisation et la protection de leurs marques.
Le conseil est enfin très attaché à la préservation d'un juste équilibre entre le renforcement de l'ensemble des groupes audiovisuels, soumis à concurrence croissante, et la garantie de développement du secteur de la production indépendante.
C'est pourquoi le conseil a salué l'introduction, par la loi du 15 novembre 2013, de la possibilité pour les éditeurs de services de détenir directement ou indirectement des parts de producteur sur les œuvres dont ils ont financé une part substantielle, tout en valorisant cette dépense au sein de leur contribution à la production indépendante.
Cette réforme législative est l'aboutissement des travaux du sénateur Jean-Pierre Plancade (Rapport d'information sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision, 30 mai 2013) et de M. Laurent Vallet (rapport à la ministre de la culture et de la communication, Adapter les obligations de financement de la production audiovisuelle pour garantir leur avenir, 17 décembre 2013).
Le conseil souscrit à l'intention de mieux intéresser les diffuseurs à la vie des œuvres qu'ils financent de manière substantielle, au-delà du seul intéressement aux recettes. Il partage l'objectif poursuivi par cette mesure qui permet aux éditeurs de détenir non seulement des droits de diffusion sur leurs antennes mais aussi des actifs (une part du « négatif ») que sont les parts de producteur. Le conseil considère qu'en outre l'intéressement du diffuseur à la vie de l'œuvre, dès le premier euro de recette d'exploitation, peut avoir des effets bénéfiques sur le rayonnement international de la création française puisque les diffuseurs pourraient être davantage incités à financer des œuvres commercialisables en France et à l'étranger, donc sources de revenus pour eux et non seulement pour les producteurs.
Cet objectif ne doit pas cependant méconnaître les intérêts des producteurs indépendants qui assument la prise de risque initiale et ont besoin de disposer de ressources leur permettant d'investir dans le développement de nouveaux projets.
Le dynamisme du secteur audiovisuel dans son ensemble exige des relations de qualité entre éditeurs de services, auteurs et producteurs. Le conseil estime très positive la démarche suivie lors de la réforme des décrets de 2010. Il s'agit d'une avancée réelle qui a permis de créer un dialogue constructif entre tous les acteurs de la filière audiovisuelle. Toutefois, le conseil a pu exprimer des regrets sur la méthode de transcription réglementaire de ces accords, qui ont été négociés de manière bilatérale, sans l'appui des pouvoirs publics...

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