Avis n° HCFP-2014-04 du 26 septembre 2014 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0227 du 1 octobre 2014
Record NumberJORFTEXT000029525349
Date de publication01 octobre 2014
CourtHAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Enactment Date26 septembre 2014


Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 19 septembre 2014, en application de l'article 13 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, des prévisions macroéconomiques, des estimations de PIB potentiel et de la trajectoire des finances publiques sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 26 septembre 2014, le présent avis.


Synthèse
Scénario de PIB potentiel


Le Haut Conseil relève que le Gouvernement a fait, pour le projet de loi de programmation 2014-2019, le choix d'aligner les estimations de PIB potentiel sur celles de la Commission européenne. Il observe que les hypothèses de croissance potentielle sont révisées à la baisse par rapport à celles retenues dans la loi de programmation précédente.
Le Haut Conseil souligne la fragilité des évaluations d'écart de production, notamment en raison des incertitudes concernant l'amplitude des pertes définitives de production occasionnées par la crise. Il considère que si l'estimation d'un écart de production de - 2,7 % en 2013 se situe au centre de la large fourchette des estimations disponibles, l'hypothèse d'un écart plus faible et donc d'une moindre capacité de rebond de l'économie française ne peut pas être exclue.
La prise en compte d'une telle hypothèse se traduirait par un déficit structurel plus dégradé tout au long de la période de programmation et pourrait conduire à des prévisions de croissance plus faibles sur la période 2016-2019. Un tel scénario alternatif gagnerait à être étudié.
S'agissant de la croissance potentielle, le Haut Conseil considère que l'estimation de 1,0 % en 2014-2015 et de l'ordre de 1,2 % en moyenne pour les années 2016-2019 constitue une hypothèse acceptable.


Scénario macroéconomique


Le Haut Conseil note que, avec un calendrier de reprise décalé et des taux de croissance moins élevés, le scénario macroéconomique du Gouvernement pour les années 2016-2017 est plus réaliste que celui présenté en avril dans le programme de stabilité.
Le Haut Conseil considère néanmoins que ce scénario continue de reposer sur des hypothèses trop favorables sur l'environnement international et sur l'investissement.


Scénario de finances publiques


Le Haut Conseil constate que la trajectoire de finances publiques du projet de loi de programmation n'est pas cohérente avec les engagements pris par la France, actuellement sous procédure pour déficit public excessif, dans son programme de stabilité d'avril 2014 :


- l'ajustement structurel pour chacune des années 2014, 2015 et 2016 est nettement inférieur à ces engagements ;
- en conséquence de ce moindre ajustement et d'une conjoncture moins favorable, le déficit effectif reste supérieur à 4 % du PIB en 2015 et le retour en deçà de 3 % du PIB est reporté à 2017 ;
- l'objectif de moyen terme (OMT), qui est revu à la baisse à - 0,4 % du PIB, est de nouveau reporté en fin de période de programmation (2019).


De plus, même si cette nouvelle trajectoire est moins ambitieuse que les précédentes, son respect n'est pas acquis. Il suppose d'infléchir fortement, et sur toute la période de programmation, la croissance de la dépense publique. En l'état des mesures annoncées, le Haut Conseil relève un risque de déviation par rapport à la trajectoire vers l'OMT.


Introduction
1. Sur l'objet du présent avis


Prévues par l'article 34 de la Constitution, les lois de programmation des finances publiques définissent les orientations pluriannuelles de finances publiques. Dans le respect de l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques, elles fixent l'objectif à moyen terme (OMT) et déterminent une trajectoire de solde structurel pour y parvenir.
La trajectoire de solde structurel prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 se substituera, une fois approuvée par le Parlement et publiée, à celle prévue par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, sur laquelle le Haut Conseil, installé le 21 mars 2013, n'a pas été amené à se prononcer.
Cette trajectoire servira dorénavant de référence au Haut Conseil, d'une part, pour apprécier la cohérence des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale au regard des orientations pluriannuelles de finances publiques et, d'autre part, pour examiner les résultats de l'exécution dans le cadre du mécanisme de correction.
Aux termes des dispositions de l'article 13 de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit rendre un avis portant sur :


- l'estimation du produit intérieur brut potentiel sur laquelle repose le projet de loi de programmation ;
- les prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de programmation ;
- la cohérence de la programmation envisagée au regard de l'OMT retenu et des engagements européens de la France.


2. Sur les informations transmises et les délais


Le Haut Conseil a procédé à l'audition des directions du budget, du Trésor, de la sécurité sociale et des collectivités locales. Il a également entendu la présidente déléguée du Conseil d'analyse économique, le président du Conseil indépendant pour la croissance et le plein emploi ainsi que des représentants de la Commission européenne, de la Banque de France, de l'OCDE et d'instituts de conjoncture (OFCE et Coe-Rexecode).
Conformément à l'article 13 de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil a été saisi le 19 septembre du projet de loi de programmation et du rapport annexé à cette loi ainsi que d'éléments lui permettant d'apprécier la cohérence de la programmation au regard de l'OMT retenu et des engagements européens de la France.
Le Haut Conseil n'a pas pu bénéficier, comme il était convenu avec les administrations compétentes, de premiers échanges approfondis dès le mois de juillet. Il n'a été destinataire de premiers éléments d'information sur l'estimation de la croissance potentielle que le 10 septembre 2014 et sur les mesures de gouvernance le 18 septembre (1). La saisine a appelé des précisions complémentaires, en particulier sur la nature des engagements européens de la France. Ces éléments ont été adressés par le Gouvernement les 24 et 25 septembre.
Alors même qu'il est appelé à se prononcer sur trois textes financiers, le Haut Conseil regrette de n'avoir disposé d'aucune possibilité d'échange substantiel avec les administrations concernées en amont de la saisine et d'avoir dû concentrer son analyse et ses travaux dans le délai minimal d'une semaine prévu par la loi organique du 17 décembre 2012.

(1) Le Haut Conseil a également reçu le 4 septembre, en réponse à sa demande, les éléments de doctrine retenus par le Gouvernement pour définir le périmètre des mesures ponctuelles et temporaires déduites du calcul du solde structurel. Si cette réponse apporte d'utiles clarifications, le Haut Conseil relève que le caractère ponctuel et temporaire des mesures de finances publiques devra continuer à s'apprécier au cas par cas. En conséquence, le Haut Conseil continuera à examiner point par point et à chaque exercice la liste des mesures ponctuelles et temporaires retenues par le Gouvernement


I. - Observations préliminaires sur le PIB potentiel et son utilisation pour le pilotage des finances publiques
1. Les concepts


Le PIB potentiel, sa croissance (croissance potentielle), l'écart de production et le solde structurel des finances publiques sont devenus des concepts économiques de premier plan dans le cadre de la gouvernance budgétaire, notamment au niveau européen.
Le PIB potentiel est usuellement défini comme la production « soutenable », c'est-à-dire celle qui peut être réalisée sans entraîner de tensions sur les prix. C'est essentiellement un concept d'offre. Le PIB potentiel dépend du stock de capital en place, de la main-d'œuvre disponible et de l'efficacité avec laquelle ces deux facteurs sont utilisés.
L'écart de production est la différence entre la production effective, mesurée par le produit intérieur brut, et le PIB potentiel. Il est généralement exprimé en pourcentage du PIB potentiel. Il constitue un indicateur de déséquilibre entre l'offre et la demande et s'annule en principe sur la durée d'un cycle économique. Il renseigne donc sur la capacité de rebond du pays quand il est négatif ou sur le risque de ralentissement quand il est positif. Il permet également d'identifier la composante conjoncturelle du déficit effectif, et de mesurer, par différence, le solde structurel.


2. Les fragilités de principe et de mesure


Défini ainsi, l'écart de production mesure essentiellement les déséquilibres entre l'offre et la demande sur les différents marchés à travers les tensions sur les prix. Il ne prend cependant pas en compte les déséquilibres financiers et extérieurs. Or la crise financière a montré qu'une période prolongée d'inflation modérée peut s'accompagner d'une accumulation de ces déséquilibres. L'écart de production doit en principe se résorber rapidement. Par conséquent, la période actuelle de stagnation et de faible inflation et la durée inhabituellement longue du cycle économique invitent à considérer l'écart de production avec une certaine prudence.
L'écart de production et la croissance potentielle ne...

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