Avis n° HCFP-2015-03 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0227 du 1 octobre 2015
Record NumberJORFTEXT000031251980
CourtHAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Date de publication01 octobre 2015


Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 18 septembre 2015, en application de l'article 14 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, des prévisions macroéconomiques et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 25 septembre 2015, le présent avis.


Synthèse


Scénario macroéconomique


Si les facteurs favorables à un redressement de l'activité (notamment la baisse du prix du pétrole, celle de l'euro et un policy-mix (1) plus accommodant en zone euro) sont toujours présents, les inquiétudes se sont accentuées cet été concernant les économies émergentes. Les prévisions de croissance pour la zone euro ont été revues à la baisse, même si les enquêtes de conjoncture restent bien orientées.
Dans ce contexte, au vu d'un acquis de croissance à la fin du premier semestre aujourd'hui estimé à 0,9 %, le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement de 1,0 % en 2015 devrait se réaliser.
Compte tenu de l'accroissement des incertitudes depuis l'été, le Haut Conseil considère que l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de « prudente », comme elle l'avait été en avril dernier. Il estime toutefois que, soutenue par la demande interne et européenne, elle demeure atteignable.
Pour l'année 2015, l'hypothèse d'une hausse des prix de 0,1 % en moyenne annuelle est réaliste. En 2016, le Haut Conseil estime que la hausse des prix pourrait être inférieure à l'hypothèse de 1,0 % retenue par le Gouvernement. Une inflation plus faible aurait une incidence positive sur le pouvoir d'achat des ménages mais rendrait la réduction du déficit public plus difficile.
Le Haut Conseil estime que les prévisions d'emploi pour 2015 et 2016 sont cohérentes avec les hypothèses de croissance. La prévision de masse salariale pour 2015 a été révisée à juste titre. En revanche, le Haut Conseil considère que la progression de la masse salariale pourrait être moindre que ne le prévoit le Gouvernement en 2016, ce qui aurait un impact négatif sur les recettes de cotisations sociales.


Scénario de finances publiques


Pour 2016, le Gouvernement a révisé à la hausse son estimation de la croissance potentielle (1,5 % contre 1,3 % dans la loi de programmation). Cette révision conduit à un niveau de solde structurel de - 1,2 % du PIB en 2016 et à un ajustement structurel de 0,5 point de PIB.
Avec la croissance potentielle de la loi de programmation, le solde structurel serait de - 1,3 % du PIB et l'ajustement structurel de 0,4 point de PIB en 2016.
Même si la loi organique du 17 décembre 2012 ouvre cette possibilité, le Haut Conseil réitère sa réserve de principe, déjà formulée en avril, sur cette révision des hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation. Une révision en dehors de ce cadre ne permet pas de suivre convenablement l'évolution de la composante structurelle du déficit et nuit à la lisibilité de la politique budgétaire. Pour un même niveau de déficit nominal, une hypothèse de croissance potentielle plus élevée conduit à une estimation moindre du déficit structurel.
Le Haut Conseil constate qu'en tout état de cause, la trajectoire de solde structurel est en avance sur les objectifs de la loi de programmation. Avec les hypothèses de calcul de la loi de programmation, le déficit structurel visé dans le projet de loi de finances est inférieur en 2016 de 0,5 point à celui prévu dans cette loi.
Par ailleurs, le Haut Conseil rappelle que les cessions de licences 4G devraient être traitées comme des mesures ponctuelles et temporaires dans le calcul du solde structurel.
Le Haut Conseil considère que l'objectif d'amélioration du solde structurel en 2015 devrait être atteint sous réserve de poursuivre une gestion stricte des dépenses. Il en serait de même pour le solde effectif, dont la réduction resterait toutefois modeste.
En 2016, les finances publiques devraient bénéficier de la reprise modérée de la croissance, mais des risques significatifs pèsent sur la réalisation de l'objectif de ralentissement de la dépense en volume, particulièrement ambitieux au regard de sa trajectoire passée. Si cet objectif de dépense n'était pas tenu, le solde structurel serait dégradé par rapport au niveau prévu.


Introduction


Aux termes des dispositions de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit rendre un avis portant sur :


- les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS), d'une part ;
- la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques, d'autre part.


Pour le présent avis, le Haut Conseil a pris connaissance des prévisions et des analyses issues d'un ensemble d'institutions et organismes : l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la Banque de France, la Banque centrale européenne (BCE), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Fonds monétaire international (FMI), Coe-Rexecode, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il a procédé aux auditions des représentants de la Banque de France, de l'OCDE, du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), de Coe-Rexecode, de l'OFCE et de l'économiste en chef pour l'Europe de Barclays.
Préalablement à la saisine du Gouvernement intervenue le 18 septembre 2015, dans les délais prévus par la loi organique, le Haut Conseil a pu bénéficier dès le mois de juillet de premiers échanges sur le scénario macroéconomique et de finances publiques avec les ministres chargés des finances et du budget. Il a également été destinataire d'éléments de cadrage sur l'économie mondiale le 11 septembre. La saisine était accompagnée des réponses au questionnaire du Haut Conseil. Des informations complémentaires ont été apportées en réponse à ses demandes à la suite de l'audition des responsables des administrations compétentes le 21 septembre.


I. - Observations relatives aux prévisions économiques
1. Un environnement économique plus incertain


a) Les facteurs favorables identifiés au printemps restent présents…
Les éléments positifs mentionnés en avril dernier par le Haut Conseil dans son avis sur le programme de stabilité (2) sont toujours présents six mois plus tard : la chute du prix du pétrole et la baisse de l'euro ont entraîné un rebond de la demande intérieure et de la croissance au 1er semestre. La politique d'achats d'actifs de la BCE a amélioré les conditions de financement dans la zone euro et l'ajustement budgétaire en son sein, qui avait fortement pesé sur l'activité en 2012-2013, s'est ralenti. Les tensions financières liées à la crise grecque se sont réduites. En outre, la croissance des économies américaine et britannique reste soutenue. Au total, certains freins à la croissance des années précédentes se sont atténués. Les effets positifs de la baisse du prix du pétrole et de l'euro devraient se prolonger en 2016, même s'ils s'estompent.
b) … mais certains risques se sont matérialisés…
Certains risques identifiés par le Haut Conseil au printemps se sont matérialisés, notamment une volatilité accrue sur les changes et les marchés financiers. De nouvelles inquiétudes sont apparues au cours des derniers mois avec le ralentissement du commerce mondial qui traduit notamment celui de l'économie chinoise et les difficultés rencontrées par de nombreux pays émergents.
c) … en conséquence les perspectives de croissance européenne ont été revues à la baisse…
La croissance européenne pourrait ainsi être plus lente qu'il n'était envisagé au printemps, en raison notamment d'une moindre contribution de la demande mondiale, mais aussi d'effets de confiance qui retarderaient certaines décisions d'investissement. Les prévisions de croissance de la zone euro pour 2016 ont été révisées à la baisse en septembre, notamment par la BCE (de 1,9 % à 1,7 %) et par l'OCDE (de 2,1 % à 1,9 %).
d) … et des interrogations persistent sur la vigueur de la croissance française :
En France, la croissance a été de 0,7 % au 1er semestre 2015, soit 1,4 % en rythme annuel, mais avec un trou d'air au 2e trimestre. Cette évolution est proche de celle des autres grands pays européens au 1er semestre (0,7 % en Allemagne, 0,7 % en Italie) mais nettement inférieure à celle de l'Espagne (1,9 %). La consommation des ménages s'est accélérée et les exportations ont été plus élevées que prévu. Les résultats des enquêtes de conjoncture ont continué de s'améliorer pendant l'été, l'indicateur du climat des affaires publié par l'INSEE atteignant en août et en septembre son meilleur niveau depuis quatre ans. La baisse de l'emploi salarié marchand, qui avait été forte au cours des trois années précédentes, s'est interrompue au 1er semestre 2015.
Ce constat favorable doit toutefois être tempéré par la persistance d'un décalage entre des enquêtes de conjoncture qui s'améliorent et des données statistiques - notamment la production industrielle en juin et juillet - qui sont moins favorables.
De plus, une interrogation demeure sur les moteurs susceptibles d'alimenter une reprise durable. Des incertitudes persistent sur le rythme de redémarrage de l'investissement ainsi que sur la capacité de l'économie française à répondre pleinement à une reprise de la demande intérieure et étrangère.


2. Le scénario macroéconomique du Gouvernement


Le scénario du Gouvernement, tel que présenté dans la saisine, est celui « d'une accélération progressive de la croissance, favorisée par plusieurs facteurs qui lui permettraient de rattraper son rythme potentiel, puis de le dépasser : mesures de...

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