Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant La convention au regard de la construction de l'enfant

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0279 du 1 décembre 2019
Date de publication01 décembre 2019
CourtCOMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Record NumberJORFTEXT000039434982

L'adoption, le 20 novembre 1989, de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant par l'Assemblée générale des Nations unies a suscité l'enthousiasme. Premier traité à affirmer l'ensemble des droits de l'enfant, elle met en avant la notion cardinale d'" intérêt supérieur de l'enfant ". Trente ans plus tard, même si de nombreux progrès ont été accomplis à travers le monde, grâce notamment aux travaux du Comité des droits de l'enfant, la CNCDH entend mettre l'accent sur la mise en œuvre de ses engagements internationaux par la France. A cet égard, elle s'inquiète du recul ou de l'ineffectivité de certains des droits garantis par la Convention et ses Protocoles. Parmi ceux-ci, la Commission a choisi de porter son attention sur trois d'entre eux, au cœur de la construction de l'enfant.
Le droit à l'identité d'abord, qui subit de graves atteintes lorsque, par exemple, l'enfant vit dans certains territoires ultramarins, est un mineur non accompagné, ou encore un enfant intersexué. Le droit à la santé ensuite, qui, de la naissance à l'adolescence de l'enfant, butte sur maints obstacles : faiblesse des moyens de la protection maternelle et infantile (PMI), danger des écrans, santé mentale inquiétante des adolescents, prise en charge défaillante des jeunes en errance ou bien victimes de traite ou d'exploitation. Enfin, le droit des parents à une " aide appropriée ", ceux-ci, en qualité de premiers garants des droits de l'enfant, devant disposer des moyens de l'élever, et avant tout dans un logement digne. Nombre de séparations familiales seraient évitées si le juge du placement pouvait se concerter avec l'ensemble des acteurs sociaux avant de prendre une décision de cette gravité.

1. L'adoption le 20 novembre 1989 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant par l'Assemblée générale des Nations unies a suscité un enthousiasme rare qui s'est traduit par l'entrée en vigueur de la Convention, dès 1990, moins d'un an après son ouverture à signature et ratification. Elle constitue le premier traité international portant sur l'ensemble des droits de l'enfant, en mettant en avant le principe cardinal de l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette notion a été reprise par d'autres conventions internationales telle la Convention relative aux personnes handicapées, en date du 13 décembre 2006, dont l'article 7, alinéa 2 dispose : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Cet enthousiasme ne s'est pas démenti sur le plan international avec 196 ratifications, faisant de la CIDE le traité universel des droits de l'homme le plus largement ratifié. Elle a été complétée par trois protocoles additionnels, les deux premiers adoptés en 2000 concernant des priorités de fond (1), le troisième, en 2011, mettant en place un système de plaintes individuelles (2). La France a ratifié la Convention et les trois protocoles et a soumis régulièrement ses rapports périodiques au Comité des droits de l'enfant (3). Les observations finales du Comité (4), dont ces rapports font l'objet, sont très importantes pour la bonne application des engagements internationaux de la France, tout comme les visites des rapporteurs spéciaux compétents dans ces domaines (5). Pour autant, d'importantes lacunes demeurent pour une mise en œuvre effective de tous les droits garantis et protégés par la CIDE. Le Comité des droits de l'enfant dresse ainsi régulièrement un bilan critique assorti de nombreuses recommandations. C'est pourquoi dans le contexte du 30e anniversaire de la Convention, un bilan s'impose dans le droit fil du travail mené par la CNCDH pour sa mise en œuvre effective, à commencer par la reconnaissance de son effet direct par le juge interne (6). En outre, de nombreux droits sont en recul, comme dans le cadre de la justice pénale des mineurs, dont l'arsenal législatif connaît des modifications constantes (7), au détriment des principes à valeur constitutionnelle qui devraient la gouverner (8).
2. L'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui érige l'intérêt supérieur de l'enfant en considération primordiale, rappelle, non seulement, que l'enfant doit toujours être appréhendé dans sa globalité, comme un être en constante évolution, de 0 à 18 ans, mais aussi que tous les droits de l'enfant sont interdépendants. Chaque année qui passe est pour lui une année de profonde mutation ; c'est pourquoi il est important de ne pas traiter sa situation d'une manière trop fragmentée selon son âge ou selon ses vulnérabilités. Il est donc nécessaire de garantir l'accès de tous les enfants au droit commun, plutôt que de prendre à leur égard des dispositions d'exception (9). Dans le même esprit, il est important de veiller à ce que le passage à la majorité n'opère pas comme un couperet qui prive brutalement l'enfant de toute protection (10).
3. Les droits de l'enfant sont une préoccupation constante de la CNCDH. La situation de millions d'enfants en France, et pas seulement dans le monde, reste inacceptable. Par définition plus vulnérables que les adultes, les enfants sont les premières victimes des crises, des conflits et plus généralement de toutes les formes de violences. La pauvreté, la précarité et les inégalités affectent durablement la vie et l'avenir des enfants. Autant dans ses avis qu'à travers le dialogue permanent qu'elle entretient avec les instances onusiennes, en particulier le Comité des droits de l'enfant, le Conseil des droits de l'Homme lors de l'Examen périodique universel de la France et les rapporteurs spéciaux des Nations unies, la CNCDH a toujours manifesté sa plus vive préoccupation pour la défense de l'enfant (11). A cet égard, elle a fait de l'éducation aux droits de l'homme une de ses priorités fondamentales et elle s'est attachée à la promotion et à la protection des droits de l'homme des personnes handicapées, dans le droit fil des recommandations du Comité des droits de l'enfant. Particulièrement préoccupée par le sort des migrants elle fait sienne l'observation générale n° 22 du Comité des droits de l'enfant adoptée conjointement avec le Comité des travailleurs migrants sur les principes généraux relatifs aux droits de l'homme des enfants dans le contexte des migrations internationales (12) et l'observation générale n° 23 sur les obligations des Etats en matière de droits de l'homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d'origine, de transit, de destination et de retour (13). Rappelant ses travaux récents sur ces questions, la CNCDH a souhaité, sans vouloir être exhaustive ou définir des priorités se concentrer sur l'ineffectivité de certains droits. La CNCDH portera son attention sur les atteintes qui affectent tout particulièrement la construction de l'enfant : celles portées à son droit à l'identité (I), son droit à la santé (II) ainsi qu'à l'aide appropriée dont doivent bénéficier ses parents ou représentants légaux (III), dès lors que, gardiens privilégiés de l'exercice de ses droits, ils doivent avant tout être guidés par son intérêt supérieur.
I. - Le droit de l'enfant à une identité


Article 7
1. L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.
2. Les Etats parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l'enfant se trouverait apatride.
Article 8
1. Les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale.
2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les Etats parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.

4. Les articles 7 et 8 de la CIDE, en reconnaissant à l'enfant le droit à une identité, lui confèrent notamment le droit à un nom, à une nationalité et celui de connaître ses parents. Le droit à l'identité s'accompagne nécessairement de l'attribution d'un état civil et va de pair avec la reconnaissance de l'enfant en qualité de sujet de droit. Il est primordial car il en découle d'autres droits, comme celui à l'accès aux soins, aux services sociaux de base ainsi qu'à l'éducation. Le défaut d'état civil ou un état civil erroné ont aussi des répercussions sur la protection sociale des enfants. Sans état civil, un enfant est menacé de mariage précoce, de travail forcé, de traite des êtres humains, ou encore court le risque d'être jugé comme un adulte. Pour la CNCDH, trois catégories d'enfants méritent une attention particulière : ceux vivant dans certains territoires d'outre-mer, les mineurs non accompagnés et les enfants intersexués.
5. Les défaillances de l'état civil dans certains territoires d'outre-mer
En France, ce sont généralement les parents qui donnent à l'enfant son identité et donc son existence juridique, par la déclaration d'état civil. Elle doit être faite dans les cinq jours qui suivent la naissance et cette obligation est considérée comme globalement respectée (14). Cependant, la CNCDH a pu relever un accès inégal à l'état civil sur l'ensemble du territoire français, notamment dans des territoires ultramarins. En effet, certains enfants, essentiellement à Mayotte et en Guyane, se voient privés d'état civil et donc d'identité. Dans son avis sur la reconnaissance des droits des peuples autochtones (15), la CNCDH a rappelé l'importance de garantir l'inscription à l'état civil et la domiciliation de tous les habitants d'outre-mer, rejoignant ainsi les...

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