Avis sur l'instruction ministérielle relative à la coopération entre les SIAO et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0237 du 11 octobre 2019
Record NumberJORFTEXT000039202736
CourtCOMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Date de publication11 octobre 2019


Assemblée plénière du 24 septembre 2019 (adoption : 42 voix « pour », 2 abstentions)


La CNCDH demande le retrait de l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 visant au partage d'informations mensuel concernant les personnes ayant déposé une demande d'asile et les bénéficiaires de la protection internationale entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ou 115 et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). La CNCDH considère que ce texte porte atteinte à l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence en procédant à un filtrage des personnes selon leur statut administratif et leur nationalité. La CNCDH s'inquiète du risque d'atteinte à la vie privée et au traitement des données induit par l'imprécision du texte. Elle s'inquiète également de la remise en cause des missions des travailleurs sociaux, dont la relation de confiance avec les personnes hébergées risque d'être affectée. Elle rappelle que les travailleurs sociaux sont au service de la cohésion nationale et non du ministère de l'intérieur. Enfin, la CNCDH regrette que cette instruction contredise certaines obligations internationales de la France, notamment le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières - dit pacte de Marrakech -, alors que la France s'est engagée dans ce cadre à assurer une politique d'accueil respectueuse des droits des personnes migrantes. La CNCDH rappelle pour finir que toute politique migratoire passe nécessairement par une augmentation des moyens qui soit réellement à la hauteur des besoins des personnes en situation de détresse.


1. La CNCDH exprime sa plus vive inquiétude face à l'instruction ministérielle publiée le 4 juillet 2019 visant au partage d'informations mensuel concernant les personnes ayant déposé une demande d'asile et les bénéficiaires de la protection internationale entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ou 115 et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) (1). Malgré les objectifs affichés - notamment une meilleure orientation au sein des dispositifs dédiés et une fluidification de l'hébergement d'urgence -, la CNCDH estime que cette communication mensuelle de fichiers nominatifs va ouvrir une brèche dans le principe de l'inconditionnalité de l'accueil en hébergement d'urgence de toute personne en situation de détresse en introduisant des discriminations dans leur traitement selon leur nationalité et leur statut administratif.
2. Cette instruction s'inscrit d'ailleurs dans la lignée des dernières lois relatives à l'asile et l'immigration, particulièrement restrictives pour les droits des personnes migrantes (2). La CNCDH déplore qu'elle aille même encore plus loin que la circulaire du 12 décembre 2017 (3), dont l'objet était de faire recenser, par des équipes mobiles, les personnes accueillies dans le parc d'hébergement d'urgence afin de les orienter en fonction de leur situation administrative. Les effets de cette circulaire avaient pourtant été « neutralisés » par le Conseil d'Etat (4), au nom du droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile. La CNCDH considère que le dispositif prévu par l'instruction ministérielle, non content de se heurter au principe de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence (1), tend à dénaturer le travail social par ses imprécisions sur le traitement des données (2), et enfin s'avère contraire aux obligations internationales de la France (3).
1/ Une remise en cause de l'inconditionnalité de l'hébergement
3. La CNCDH ne peut que s'interroger sur la finalité réelle de cette nouvelle instruction. En premier lieu, alors que l'objectif affiché est d'améliorer l'orientation des demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale afin qu'ils puissent intégrer le dispositif national d'accueil (DNA) (5), la CNCDH constate que c'est précisément parce que le DNA est totalement saturé et le parc d'hébergement notoirement insuffisant que des personnes en détresse pourtant bénéficiaires de droits ont recours à l'hébergement d'urgence (6). En effet, malgré une augmentation notable des places d'hébergement dans le DNA, force est de constater que la part des demandeurs d'asile logés est actuellement de l'ordre de 50 % (7). La véritable solution à l'engorgement de l'hébergement d'urgence passe donc nécessairement et au premier chef par une augmentation des moyens matériels et humains d'hébergement et d'accompagnement. Pour répondre à la réalité des besoins, des places supplémentaires devraient être créées (8). Or cette création n'est aucunement prévue par l'instruction (9).
4. En deuxième lieu, la CNCDH considère que les dispositifs de contrôle introduits par l'instruction en fonction du statut administratif des personnes hébergées portent atteinte au principe de l'inconditionnalité de...

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