Avis sur la proposition de loi relative à la sécurité globale

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0289 du 29 novembre 2020
Record NumberJORFTEXT000042577584
CourtCOMMISSION NATIONALE DU DEBAT PUBLIC
Date de publication29 novembre 2020


Assemblée plénière du 26 novembre 2020 (adoption à l'unanimité)


La proposition de loi relative à la sécurité globale a été adoptée le 24 novembre à l'Assemblée nationale et sera prochainement discutée au Sénat. La CNCDH s'inquiète du transfert de compétences de police judiciaire aux agents de police municipale, surtout sur des sujets aussi sensibles que l'usage de stupéfiants. La Commission formule également de vives critiques à l'égard de l'interdiction de diffuser des images permettant d'identifier les agents des forces de l'ordre, en raison notamment des risques engendrés sur le terrain d'atteintes à la liberté d'informer. Enfin, la CNCDH est opposée à l'utilisation généralisée des caméras aéroportées (drones) qui ouvre des perspectives de surveillance sans précédent, particulièrement menaçantes pour l'exercice des droits et libertés fondamentaux.
1. Les députés de la majorité ont déposé une proposition de loi relative à la « sécurité globale ». Ce texte se présente comme une réponse à l'insécurité qui « prend aujourd'hui des formes de plus en plus variées dans le quotidien des Français : depuis les incivilités dans les transports jusqu'aux violences graves sur les personnes en passant par les trafics - notamment de stupéfiants - en bas des immeubles, les violences urbaines ou les rixes entre bandes » (1). Partant de ce diagnostic, la proposition de loi reprend à son compte la conclusion du rapport d'une mission parlementaire de 2018 - « d'un continuum de sécurité vers une sécurité globale » - qui appelait à une synergie des différents acteurs mobilisés dans des missions de sécurité, publique et privée. Initialement cantonnée dans ce registre, lorsqu'elle a été déposée à l'AN en janvier 2020, elle s'est retrouvée augmentée, dans une nouvelle version introduite le 20 octobre, de diverses dispositions destinées en particulier à doter les forces de l'ordre de nouveaux outils technologiques, et à renforcer la protection des agents en intervention.
2. A titre liminaire, la CNCDH déplore le procédé qui consiste pour le Gouvernement à passer par une proposition de loi pour instaurer des mesures aussi sensibles (2). En n'assumant pas directement le choix de ces nouvelles orientations sécuritaires, qu'il aurait dû détailler dans un nouveau projet de loi, le Gouvernement prive le Parlement et la société d'une étude d'impact ainsi que d'une expertise juridique du Conseil d'Etat (3), préalables requis à l'examen parlementaire de tout projet de loi, mais non prévus pour une proposition de loi. La CNCDH regrette également de ne pas avoir été consultée en amont, ni d'ailleurs les autres instances chargées du respect des droits fondamentaux dans leur domaine respectif - le Défenseur des droits et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), alors même que les réformes envisagées par ce texte emportent des changements considérables dans la manière d'assurer la sécurité de nos concitoyens.
3. Cette proposition de loi opère en effet un transfert de compétences régaliennes aux policiers municipaux (à titre expérimental dans certaines villes), et conforte les missions des agents de sécurité privée, dans la droite ligne du rapport parlementaire de 2018. En outre, elle introduit de nouvelles dispositions destinées à mettre les nouvelles technologies au service d'une surveillance accrue des citoyens, y compris lors des manifestations. La CNCDH s'associe aux craintes et aux critiques déjà formulées par le Défenseur des droits dans deux avis du 3 et du 17 novembre (4) ainsi qu'aux observations adressées le 12 novembre au gouvernement français par plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies (5). Elle souhaiterait, en outre, apporter un avis complémentaire en revenant sur les nouvelles missions dévolues à titre expérimental à la police municipale, placées en tête de la proposition de loi, ainsi que sur certains aspects du texte particulièrement attentatoires aux droits et libertés fondamentaux, principalement : l'interdiction de diffuser des images permettant d'identifier les agents des forces de l'ordre en intervention, dans le but qu'il soit porté atteinte à leur intégrité physique ou psychique, et l'utilisation des caméras aéroportées.
La police municipale et les agents de sécurité privée : une confusion croissante avec la police nationale
4. La CNCDH relève que l'un des objets principaux de cette proposition de loi conduit à étendre de manière significative les compétences des polices municipales sur le fondement de l'article 72 de la Constitution qui autorise, en son alinéa 4, des expérimentations.
5. Elle constate que cette augmentation des compétences des polices municipales s'inscrit dans un processus continu observé depuis plusieurs années qui conduit à transférer, de fait, l'exercice de pouvoirs régaliens au profit d'institutions chargées normalement du respect d'une réglementation particulière. La proposition de loi autorise notamment les agents de police municipale à constater les infractions suivantes : la vente à la sauvette, l'usage de stupéfiants, la détérioration ou la dégradation d'un bien appartenant à autrui, l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui, etc (6). Elle va leur permettre en conséquence d'accéder à certains fichiers du ministère de l'intérieur.
6. La CNCDH entend rappeler, en premier lieu, que ce transfert de compétences n'est possible que dans le respect des libertés publiques ou de droits constitutionnellement reconnus. A ce titre l'impossibilité pour les citoyens de connaître les compétences de telle ou telle police municipale conduit à une situation d'insécurité juridique qui intervient dans le domaine des libertés publiques et au préjudice de celles-ci.
7. En deuxième lieu, elle s'interroge sur l'utilité d'un accroissement quasi...

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