Avis sur la réforme de la protection du secret des sources

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0134 du 12 juin 2013
Record NumberJORFTEXT000027534678
CourtCOMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Date de publication12 juin 2013



(ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU 25 AVRIL 2013)


1. Par une lettre en date du 21 novembre 2012, Mme la garde des sceaux a saisi la CNCDH d'une demande d'avis sur la protection du secret des sources des journalistes. Cette demande énumère un certain nombre d'options envisagées pour améliorer le dispositif existant : définir plus précisément le principe de la protection du secret des sources des journalistes, ainsi que les cas dans lesquels il est possible d'y porter atteinte, mettre en place des sanctions en cas de violation du secret des sources, mieux protéger le journaliste en cas de recel de violation du secret de l'instruction, définir les bénéficiaires de la protection des sources, ainsi que les sources qu'il convient de protéger. A l'occasion d'une réunion à la chancellerie le 31 janvier 2013, un avant-projet de loi qui traduit ces orientations a été communiqué officiellement à la CNCDH.
2. A l'instar de la Cour européenne des droits de l'homme, la CNCDH rappelle que la liberté d'expression, garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique (1). La presse a un « rôle indispensable de "chien de garde” en démocratie » (2) ; or sans protection du secret des sources par l'Etat, « son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie » (3). Ainsi, la protection du secret des sources est « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse (...) » (4) car elle garantit le droit à l'information du public sur des questions d'intérêt général.
3. En France, la nécessité de protéger le secret des sources est d'autant plus forte que la vie publique souffre d'un déficit de transparence. La publication des documents administratifs n'est que trop peu systématique, et certains dénoncent l'existence d'une culture du secret dans le fonctionnement de l'administration. Face à cette culture, la protection des sources, corollaire indispensable de ce que certains appellent « journalisme de combat », est une garantie nécessaire pour protéger le droit à l'information, essentiel à toute société démocratique.
Bilan du cadre normatif existant :
4. La matière a été profondément réformée par la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. Un nouvel article a été inséré dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour que le principe soit expressément reconnu par la loi. Cet article définit en même temps les cas dans lesquels il est possible de porter atteinte à ce principe. La CNCDH souligne que cette loi a indéniablement marqué un progrès dans la protection du secret des sources. Cependant des précisions et des compléments méritent d'être apportés.
5. La CNCDH relève qu'il est difficile de faire un bilan de l'impact de cette loi, après seulement trois années d'application. Médiatiquement, la perception de la loi par l'opinion a souffert de l'affaire dite des « fadettes », qui a vu le procureur de la République de Nanterre requérir un opérateur téléphonique de lui communiquer les factures téléphoniques détaillées de trois journalistes pour découvrir quelle était leur source. Cette affaire a été vécue par l'opinion publique, et surtout par les médias, comme la démonstration de l'insuffisance de la loi pour protéger les sources des journalistes. Cependant, la CNCDH souligne que l'application de la loi du 4 janvier 2010 a conduit à l'annulation a posteriori des réquisitions du procureur de la République et de toute la procédure subséquente. En effet, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, qui a eu à se prononcer sur ces faits, a par arrêt du 5 mai 2011 annulé les réquisitions visant à des investigations sur les téléphones des trois journalistes, qui tendaient à découvrir leurs sources. Cet arrêt de la cour d'appel de Bordeaux a été approuvé par la Cour de cassation qui a rendu un arrêt de rejet du pourvoi formé à son encontre le 6 décembre 2011 (5).
6. La CNCDH n'a pas eu connaissance d'autres cas dans lesquels les juridictions n'auraient pas pu protéger efficacement le secret des sources des journalistes depuis l'adoption de la loi du 4 janvier 2010. Si les personnes entendues ont pu souligner que les journalistes pouvaient faire l'objet de certaines pressions, notamment de la part des fonctionnaires de police, pour qu'ils révèlent leurs sources, ces pressions se font en dehors de tout cadre légal ; une meilleure protection et une meilleure prévention de ces atteintes au secret des sources pourraient éventuellement ne pas passer par une modification du cadre législatif. Par ailleurs, les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, en raison d'une atteinte au secret des sources, intervenues depuis l'adoption de la loi sont...

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