CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 19 décembre 1996 par plus de soixante députés

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°304 du 31 décembre 1996
Record NumberJORFTEXT000000198016
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication31 décembre 1996

LOI DE FINANCES POUR 1997


Le Conseil constitutionnel a été saisi par soixante-trois députés, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'un recours dirigé contre la loi de finances pour 1997, adoptée par le Parlement le 18 décembre 1996.
Les requérants estiment que certaines dispositions de ce texte méconnaissent diverses règles constitutionnelles. Ils considèrent en outre que plusieurs articles ne relèvent pas du domaine des lois de finances.
Cette saisine appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - Sur les articles 2 et 39


A. - Le 2o de l'article 2 de la loi déférée insère, à l'article 197 du code général des impôts, un alinéa qui ramène de 15 900 F - et non 15 000 F comme indiqué par erreur dans le recours - à 13 000 F le plafond applicable à la réduction d'impôt résultant de la demi-part supplémentaire de quotient familial dont bénéficient certains contribuables célibataires et divorcés visés aux a et b du 1 de l'article 195 du même code. Au cours de la discussion parlementaire, cette mesure a été étendue, par un amendement devenu l'article 39, à ceux qui sont visés au e.
Le législateur n'ayant pas mentionné à cet égard les contribuables veufs,
également visés au I de l'article 195, il en résulte que cette réduction ne leur est pas applicable. Leur cas est donc régi par la disposition générale du premier alinéa du 2 de l'article 197, que l'article 2 de la loi déférée modifie pour ajuster en fonction de l'inflation le plafond antérieurement applicable, ce qui conduit à le porter de 15 900 F à 16 200 F.
Pour demander au Conseil constitutionnel de déclarer ces articles contraires à la Constitution, les députés requérants font valoir que la différence de situation entre, d'une part, les contribuables célibataires ou divorcés et,
d'autre part, ceux qui sont veufs ne peut justifier la solution retenue. Au regard des charges familiales qui pèsent sur ces contribuables, ils font grief à ces dispositions de ne pas accorder aux contribuables célibataires et divorcés, au titre de l'enfant dont ils ont la charge, un avantage en impôt équivalent à celui dont bénéficient les veufs.
B. - L'argumentation ainsi soulevée ne peut être accueillie.
1. En premier lieu, elle repose sur une analyse inexacte des dispositions en cause.
a) Le dispositif contesté est distinct de celui qui, à l'article 194 du code général des impôts, détermine le quotient applicable aux personnes ayant effectivement la charge d'un ou plusieurs enfants. Contrairement à ce que soutient la saisine, le dispositif critiqué ne modifie en rien ce mécanisme, qui a pour objet de proportionner l'impôt aux facultés contributives de chaque redevable, lesquelles dépendent notamment du nombre de personnes qui vivent du revenu du foyer. Ainsi les personnes seules ont normalement droit à une part et les couples mariés à deux parts, chaque enfant à charge donnant droit à une majoration de quotient familial.
Pour les personnes qui ont effectivement des enfants à charge, les règles actuellement applicables, quelle que soit leur situation matrimoniale, ne sont pas modifiées. L'avantage procuré par chaque demi-part supplémentaire,
en termes de réduction de l'impôt à acquitter, reste plafonné à 16 200 F pour l'imposition des revenus de 1996. Pour les contribuables célibataires ou divorcés élevant seuls leurs enfants, l'avantage correspondant à la demi-part supplémentaire accordée au titre du premier enfant à charge est toutefois limité à la différence entre 20 050 F et 16 200 F, soit 3 850 F, tandis que les contribuables veufs ayant un enfant à charge sont traités comme s'ils étaient mariés.
b) Tout autre est l'objet des mesures critiquées. Insérées à l'article 197 et renvoyant à l'article 195, elles ne visent, en effet, que des personnes qui, bien que n'ayant plus de charges de famille, bénéficient d'une demi-part supplémentaire pour l'un des motifs énumérés au 1 de ce dernier article.
L'article 2 de la loi déférée concerne les cas, visés aux a et b, des contribuables qui :
- soit ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l'objet d'une imposition distincte ;
- soit ont un ou plusieurs enfants qui sont morts, à la condition que l'un d'eux au moins ait atteint l'âge de seize ans ou que l'un d'eux au moins soit décédé par suite de faits de guerre.
Quant aux dispositions analogues figurant à l'article 39, elles concernent le cas visé au e du 1 de l'article 195, c'est-à-dire celui des contribuables ayant adopté un enfant, à la condition que, si l'adoption a eu lieu alors que l'enfant était âgé de plus de dix ans, cet enfant ait été à la charge de l'adoptant comme enfant recueilli depuis l'âge de dix ans.
L'argumentation de la saisine, fondée sur le traitement fiscal qu'implique la charge effective d'un enfant, s'avère par conséquent inopérante.
2. En second lieu, et en tout état de cause, on soulignera que le plafonnement adopté n'est pas contraire à l'égalité des citoyens devant l'impôt.
Il s'inscrit dans le cadre de la profonde réforme de l'impôt sur le revenu que le Gouvernement a proposée au Parlement à l'occasion du vote de la loi de finances pour 1997, et que celui-ci a approuvée. Cette réforme poursuit un triple objectif d'allégement (75 milliards de francs en cinq ans), de simplification et d'équité.
A cet égard, et conformément aux recommandations des rapports Ducamin et de la Martinière, il a paru souhaitable de limiter les avantages qui, faute de véritables justifications, ne paraissent pas conformes à l'équité. C'est précisément d'une telle préoccupation que procèdent les mesures adoptées aux articles 2 et 39, en tant qu'elles limitent le montant de la réduction d'impôt dont bénéficiaient des personnes n'ayant plus d'enfant à charge.
Cependant, le Gouvernement n'a pas souhaité réduire cet avantage pour les contribuables veufs, qui ont toujours bénéficié d'un régime fiscal spécifique. C'est ainsi, comme il a été indiqué plus haut, que les personnes veuves bénéficient d'un traitement particulier lorsqu'elles ont à leur charge un ou plusieurs enfants issus du mariage avec le conjoint décédé. Dans ce cas, elles continuent à bénéficier du quotient familial d'un contribuable marié ayant à sa charge le même nombre de personnes.
Ce particularisme, traditionnel en droit fiscal, se justifie par le fait que le décès de l'un des époux entraîne une remise en cause brutale de la situation économique du conjoint survivant. Il existe ainsi, entre les personnes veuves et les autres personnes seules, une différence de situation permettant au législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de fixer des règles différentes sans méconnaître le principe de l'égalité devant l'impôt.
On observera que la distinction faite par le législateur entre, d'une part, les célibataires et divorcés et, d'autre part, les veufs a déjà été admise par le Conseil constitutionnel. Le plafonnement spécifique de la demi-part supplémentaire évoqué plus haut, qui ne concerne que les premiers et non les seconds, a en effet été introduit par le II de l'article 2 de la loi de finances pour 1987. Or cette disposition fait partie de celles dont l'article 2 de la décision no 86-221 DC du 29 décembre 1986 déclare qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution.
Au demeurant, la distinction dont procède la mesure contestée ne consiste pas à supprimer pour les uns un avantage que l'on maintiendrait au profit des autres. Elle revient seulement à moduler le plafonnement de l'avantage dont bénéficient les uns et les autres en fonction de préoccupations d'ordre social, tenant à la spécificité du veuvage, dont le Gouvernement et le Parlement ont estimé devoir tenir compte. Cette modulation ne constitue donc nullement une rupture caractérisée de l'égalité des contribuables devant l'impôt.
Il importe enfin de souligner qu'une censure de la disposition contestée - c'est-à-dire de l'alinéa introduisant un plafonnement spécifique à 13 000 F applicables aux seuls célibataires et divorcés - aboutirait à une résultat pour le moins paradoxal, au regard des exigences d'égalité dont se prévalent les auteurs de la saisine : alors que l'objet de la réforme est de réduire l'écart entre les contribuables bénéficiant, sans véritable justification en l'absence de charge effective, de cette demi-part supplémentaire, et ceux qui n'en bénéficient pas, la disjonction de l'alinéa critiqué se traduirait par le maintien de la situation actuelle.
Autrement dit, les dispositions contestées par la saisine tendent à assurer un meilleur respect du principe d'égalité en rapprochant du droit commun la situation de la plupart de ceux que la loi fiscale favorisait auparavant,
tout en exceptant de ce rapprochement les personnes dont le veuvage justifie un traitement particulier.
Ces dispositions ne sont donc pas contraires à la Constitution.

II. - Sur l'article 4


A. - L'article 4 de la loi déférée concerne l'abattement de 20 p. 100 sur le revenu imposable dont bénéficient certains contribuables en...

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