CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 23 décembre 1994 par soixante députés et du 26 décembre 1994 par soixante sénateurs

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°18 du 21 janvier 1995
Record NumberJORFTEXT000000369383
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication21 janvier 1995

LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION

RELATIVE A LA SECURITE


I. - Sur l'article 10 de la loi déférée

L'argumentation exposée par les auteurs des deux recours est d'abord paradoxale et par là même inopérante. Méconnaissant que les activités de vidéosurveillance sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public n'étaient jusqu'ici nullement encadrées par la loi, les recours critiquent en vérité des dispositions protectrices de la liberté personnelle et de la vie privée, dispositions dont l'invalidation serait dommageable du point de vue des exigences mêmes dont les requérants se présentent comme les défenseurs.
Au surplus leur argumentation est inexacte sur plusieurs points essentiels. 1. L'argumentation des requérants est paradoxale et, par là même,
inopérante.
La simple lecture des dispositions critiquées montre dans quel esprit s'est prononcé le législateur: concilier deux ordres d'exigence d'égale valeur constitutionnelle.
La première de ces exigences est la sauvegarde de la vie privée et de la liberté personnelle, que le développement << sauvage >> de la vidéosurveillance est, dans certaines hypothèses, susceptible de léser.
La seconde est la sauvegarde de la sécurité et de l'ordre publics, sans lesquels les droits de l'homme les plus élémentaires - la sécurité personnelle, la liberté d'aller et de venir - seraient quotidiennement bafoués, comme le démontre malheureusement une actualité abondante.
A cet effet, les dispositions critiquées fixent des règles de fond et de procédure dont l'objectif est d'encadrer les activités de vidéosurveillance, de façon à prévenir les risques d'atteinte à la liberté personnelle et à la vie privée.
a) Des règles de fond:
La transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie publique,
par le moyen de la vidéosurveillance, ne peuvent être mis en oeuvre par les autorités publiques qu'aux fins d'assurer la sauvegarde d'impératifs d'ordre public incontestables, limitativement énumérés par la loi (cf. II de l'article 10) et dans la limite des compétences de ces autorités. Qui plus est, le II de l'article 10 ajoute à ces conditions que la vidéosurveillance ne peut être mise en oeuvre par les autorités publiques compétentes, aux fins de prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens, que << dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression et de vol >>.
S'agissant de la vidéosurveillance privée, celle-ci est confinée par la loi déférée aux lieux et établissements ouverts au public particulièrement exposés aux risques d'agression et de vol et aux seules fins d'y assurer la sécurité des personnes et des biens.
La vidéosurveillance sur la voie publique ne doit pas permettre de visualiser les images de l'intérieur des immeubles d'habitation ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
Le public doit être informé, de façon claire et permanente, de l'existence du système de vidéosurveillance et de l'autorité ou de la personne responsable.
Sauf enquête de flagrant délit, enquête préliminaire ou information judiciaire, les enregistrements sont détruits dans un délai maximum fixé par l'autorisation et qui ne peut excéder un mois (cf. IV de l'article 10).
L'accès aux enregistrements des personnes dont l'image est enregistrée est aménagé par l'article 10 (cf. V) selon des modalités très proches de celles fixées par la loi du 6 janvier 1978 pour l'accès aux traitements de données nominatives.
Divers recours, administratifs ou juridictionnels, sont ouverts aux personnes concernées: saisine de la commission départementale, saisine du juge des référés, saisine de la juridiction compétente au fond, plainte pénale.
La méconnaissance des obligations imposées par l'article 10 aux personnes qui procèdent à des opérations de vidéosurveillance est en effet pénalement sanctionnée (cf. VI de l'article 10).
Enfin, lorsque l'enregistrement des images sert à constituer un fichier nominatif, et que celui-ci soit ou non automatisé, les dispositions protectrices de la loi du 6 janvier 1978 sont applicables, concurremment avec celles de la loi déférée (cf. I de l'article 10).
b) Des règles de procédure:
L'installation d'un système de vidéosurveillance est désormais subordonnée à une autorisation préfectorale. Sauf en matière de défense nationale, cette autorisation est délivrée après avis d'une commission départementale présidée par un magistrat (cf. III de l'article 10). On notera que la procédure ainsi prévue, sur deux points au moins, est plus protectrice que celle organisée par la loi du 6 janvier 1978 pour les traitements automatisés d'informations nominatives: d'une part, en effet, la disposition critiquée ne fait naître d'autorisation tacite qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, alors que, selon l'article 15 de la loi de 1978, applicable aux traitements publics,
l'avis de la C.N.I.L. est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois seulement; d'autre part, les systèmes de vidéosurveillance privés comme publics sont soumis à autorisation par la loi déférée, alors que la loi << informatique et libertés >> soumet à une simple déclaration les traitements automatisés d'informations nominatives mis en oeuvre par le secteur privé (art. 16 de la loi de 1978).
L'autorisation doit prescrire toutes les précautions utiles, en particulier quant à la qualité des personnes chargées de l'exploitation du système et du visionnage des images et quant aux mesures à prendre pour assurer le respect des dispositions de la loi (information du public, modalités d'accès, durée de conservation...).
Ce simple rappel des dispositions critiquées dévoile le caractère paradoxal de la position des requérants: s'ils obtenaient l'invalidation de ce dispositif, les exigences constitutionnelles qu'ils entendent défendre seraient beaucoup moins bien satisfaites. On retrouverait alors en effet l'état de droit antérieur, lequel ignorait tout des nouvelles règles de procédure et de fond posées par l'article 10.
S'il aboutissait, le recours entraînerait donc une << régression >> de la protection des libertés et droits fondamentaux assez analogue à celles auxquelles font référence les décisions du Conseil constitutionnel citées dans la saisine (no 84-181 DC, no 84-185 DC, no 93-325 DC).
La contradiction interne de leur démarche n'ayant pu échapper aux auteurs de la saisine, il faut bien conclure que celle-ci est exclusivement motivée par des raisons de pure symbolique politique.
2. Au surplus, l'argumentation des requérants est inexacte sur plusieurs points essentiels.
Sans qu'il soit besoin de répondre en détail à une argumentation dont on a déjà dit le caractère globalement inopérant, force est cependant de relever les inexactitudes qui, viciant des éléments essentiels de la thèse des saisissants, démontrent une deuxième fois son absence de portée:
a) Les requérants feignent d'abord d'ignorer que...

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