CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 22 décembre 1994 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 94-351 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°302 du 30 décembre 1994
Record NumberJORFTEXT000000714921
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication30 décembre 1994
LES AUTEURS DE LA SAISINE METTENT EN DOUTE LA SINCERITE BUDGETAIRE DE LA LOI DE FINANCES POUR 1995.LES AUTEURS DE LA SAISINE ESTIMENT QUE LADITE LOI EST INSEREE DANS LA PRESENTATION DES RECETTES ET DE L'EQUILIBRE GENERAL DU BUDGET; QU'ELLE DISSIMULE LES CHARGES PUBLIQUES PAR LA SOUS-EVALUATION ET LA DEBUDGETISATION; QU'ELLE RECOURT SYSTEMATIQUEMENT A LA TECHNIQUE DES EMPLOIS EN SURNOMBRE; QU'ELLE NE PREND PAS EN COMPTE DES CHARGES CERTAINES; ET QU'ENFIN ELLE VIOLE DIRECTEMENT L'ART. 6 DE L'ORDONNANCE 592 DU 02-01-1959

LOI DE FINANCES POUR 1995


Paris, le 22 décembre 1994.

Paris, le 22 décembre 1994

Les députés soussignés à Monsieur le président et Madame et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier, 75001 Paris Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1995 telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.

I. - Face à une dérive particulièrement inquiétante de la présentation des lois de finances, qui atteint cette année un niveau assez exceptionnel pour que l'on puisse juger dépassée une véritable cote d'alerte, les saisissants entendent soulever une question de principe que le juge constitutionnel peut seul trancher: celle de la nécessaire sincérité budgétaire, entendue avant tout comme garantie fondamentale du respect des attributions du Parlement prévues par l'article 47 de la Constitution et par l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances (notamment par l'article 32 de celle-ci) et obligeant dès lors le Gouvernement à fournir aux assemblées une >, voire des > (Conseil constitutionnel no 90-285 DC du 28 décembre 1990, rec. page 95).
L'utilisation systématique et généralisée de procédés dont certains sont par eux-mêmes inconstitutionnels et dont d'autres n'échapperaient à l'inconstitutionnalité que s'il y était recouru dans des proportions marginales et dans les limites de besoins d'ajustements strictement délimités aboutit en effet à priver les assemblées parlementaires de tout pouvoir effectif de contrôle en les mettant hors d'état de connaître la réalité des comptes retraçant les prévisions budgétaires pour l'exercice en cause.

II. - Les saisissants n'ignorent évidemment pas que la prévision budgétaire ne peut être considérée comme une science totalement exacte et que dès lors la présentation des recettes dans la loi de finances initiale est essentiellement évaluative. Toutefois, sauf à réduire à une mascarade la discussion parlementaire du budget, le décalage entre la prévision initiale et l'exécution finalement enregistrée doit rester d'une ampleur raisonnablement limitée, sauf bouleversements imputables à une conjoncture exceptionnelle qui appelleraient alors le vote d'une loi de finances rectificative (Conseil constitutionnel no 91-298 DC du 24 juillet 1991, rec. page 82). C'est dire que, si le Gouvernement n'est pas soumis, en matière de prévision, à une obligation de résultats, il l'est à une obligation de moyens (Conseil constitutionnel no 90-285 DC précitée) qui lui interdit d'organiser la confusion et la désinformation du Parlement par la présentation de données sciemment et considérablement déformées.
De ce point de vue, l'exécution de la loi de finances pour 1994 fournit d'ores et déjà un exemple édifiant. L'annonce gouvernementale, lors de la discussion parlementaire de cette loi, d'une croissance des dépenses limitée à 1,1 p. 100 - obtenue au prix d'un artifice grossier qui consistait à comparer le seul projet de loi de finances pour 1994 avec l'addition de la loi de finances pour 1994... et de la loi de finances rectificative votée au printemps 1994 - a pu un temps abuser sinon l'opinion, du moins la majorité parlementaire, mais le bilan de l'exécution de l'exercice 1994 fait apparaître une croissance réelle d'environ... 5 p. 100. L'ampleur de l'écart, compte tenu de l'ampleur de la masse des crédits dont l'augmentation est ainsi mesurée, suffit à établir que l'information fournie au Parlement à l'automne 1994 était inexacte dans une proportion qui exclut l'hypothèse de l'erreur technique d'appréciation, sans que, par ailleurs, un bouleversement conjoncturel puisse être sérieusement invoqué pour en rendre véritablement compte.
Et même si par impossible on admettait que le Gouvernement ait pu, il y a un an, faire preuve d'une imprévoyance aussi abyssale, l'adage errare humanum qui pourrait inciter à une relative indulgence ne pourrait indéfiniment lui servir d'excuse: la loi déférée n'en témoigne comme on le verra que trop,
perseverare diabolicum...
S'agissant des dépenses, les saisissants ne contestent naturellement pas davantage le principe du pouvoir gouvernemental d'élaboration du projet de loi de finances, notamment en matière de choix de l'affectation des masses budgétaires, mais il va de soi que ce pouvoir ne peut être régulièrement exercé que si deux conditions sont effectivement réunies: le respect de la totalité des normes constitutionnelles et organiques;...

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