Décision du 11 septembre 2003 se prononçant sur un différend qui oppose les sociétés France-Manche et The Channel Tunnel Group au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, Réseau de transport d'électricité (RTE)

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°243 du 19 octobre 2003
Record NumberJORFTEXT000000797091
Date de publication19 octobre 2003
CourtCOMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE
Enactment Date11 septembre 2003


La Commission de régulation de l'énergie,
Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée sous le numéro 03-38-05, le 6 juin 2003, présentée par France-Manche, société anonyme au capital de 88 879 500 EUR, dont le siège social est situé au 19, boulevard Malesherbes, 75008 Paris, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 333 286 714, agissant de concert avec The Channel Tunnel Group, dont le siège est situé à Cheriton Park, Cheriton High Street, Folkestone, Kent CT19 4QS, les deux opérant dans le cadre d'une société en participation sous le nom d'Eurotunnel, représentée par M. Richard Shireffs, président-directeur général de France-Manche et Chief executive officer de The Channel Tunnel Group, dûment habilité à cet effet, ayant pour avocat Me Laurent Vandomme, cabinet Herbert Smith, 20, rue Quentin-Bauchart, 75008 Paris ;
Les sociétés France-Manche et The Channel Tunnel Group, opérant dans le cadre de la société en participation Eurotunnel (ci-après, « Eurotunnel »), demandent à la CRE de faire droit à leur réclamation présentée à RTE concernant, en premier lieu, le domaine de tension qu'il convient de retenir pour déterminer le tarif d'accès au réseau public de transport d'électricité et, en second lieu, la désignation des ouvrages pour lesquels Eurotunnel doit supporter des frais d'exploitation, d'entretien et de renouvellement (EER).


Sur la tension de raccordement :
Eurotunnel soutient que le point de raccordement auquel il est fait référence dans le décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002 se situe dans son cas au poste 400 kV des Mandarins.
Ce point n'étant pas défini dans la réglementation en vigueur, seule devrait être retenue, selon Eurotunnel, la définition employée dans le décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, selon laquelle le point de raccordement est le « point physique projeté pour la connexion de l'installation au réseau public par l'intermédiaire d'ouvrages de raccordement à construire ». Selon Eurotunnel, il se situe donc nécessairement « en amont » de ses ouvrages de raccordement.
Eurotunnel soutient que les installations de son raccordement, décrites dans la « convention de raccordement » du 17 février 1989, sont constituées de câbles, cellules et jeux de barre à 225 kV, de transformateurs 400 kV/225 kV et de cellules et lignes à 400 kV raccordées au poste RTE à 400 kV de Mandarins. Selon Eurotunnel, il résulte de cette description et de la définition du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 que le raccordement de son site a été effectué au poste 400 kV des Mandarins et donc que la tension de raccordement de ses installations est de 400 kV.
Eurotunnel précise que son interprétation, selon laquelle la tension de raccordement est mesurée en amont des ouvrages de raccordement, est corroborée par les dispositions du cahier des charges du réseau d'alimentation générale de 1995 qui stipule que le concessionnaire se fait rembourser par les nouveaux clients « les frais qui sont imputables à l'ensemble de son raccordement à partir du jeu de barres du poste du concessionnaire le plus proche susceptible de desservir ce point de livraison à la tension physique de raccordement appropriée ». Eurotunnel estime, en outre, que le fait que son raccordement contienne des ouvrages à 225 kV n'a pas d'incidence sur sa tension de raccordement dès lors qu'en stipulant que « la puissance de raccordement, la tension physique de raccordement, la classe de tension de fourniture (...) doivent être précisées dans les contrats de fourniture », le cahier des charges distingue la tension de raccordement et la tension de fourniture.
Eurotunnel fait également observer que tous ses soutirages d'électricité sont réalisés directement à partir de ce poste, sans passer par le réseau 225 kV de RTE, et que les ouvrages de son raccordement, qu'il a financés, lui sont réservés. En effet, sur les deux autotransformateurs du raccordement, raccordés directement au réseau 400 kV, l'un est réservé à Eurotunnel en toute hypothèse et l'autre est réservé à Eurotunnel en cas de perte du premier autotransformateur.
En outre, selon Eurotunnel, la transformation 400 kV/225 kV assurée au sein de ses ouvrages de raccordement ne résulte pas d'un souhait de sa part, mais de l'inexpérience d'EDF en matière d'enfouissement des câbles 400 kV et de son souhait de soutenir son réseau 225 kV.
Eurotunnel soutient par ailleurs que la tension de raccordement de 400 kV est celle qui a été contractuellement convenue entre les parties, tant dans la convention de raccordement que dans les contrats de fourniture conclus avec EDF.
Selon Eurotunnel, les deux parties à la convention de raccordement conclue le 17 février 1989 ont considéré que le raccordement était de 400 kV. En effet, cette convention stipule que le calcul de la participation financière d'Eurotunnel au coût de son raccordement est fondé sur un raccordement de référence à 400 kV. Par ailleurs, certaines de ses stipulations techniques ont pour objet de faire face à la perte d'ouvrages de raccordement à 400 kV. Or, dès lors qu'elle est toujours en vigueur et qu'elle a toujours été visée par les contrats préparés par RTE, cette convention s'impose à RTE, sans que celui-ci puisse remettre en cause les engagements souscrits par EDF.
Par ailleurs, Eurotunnel invoque les contrats de fourniture conclus avec EDF en vertu desquels il est expressément considéré comme un client raccordé au niveau 400 kV. Si Eurotunnel reconnaît que ces contrats ne sont plus applicables aujourd'hui, il estime toutefois qu'ils démontrent que la tension de raccordement de ses installations au réseau d'alimentation générale n'a jamais été contestée par les parties.
Eurotunnel soutient que l'application à son égard d'une tension de raccordement de 400 kV est conforme à la logique de la tarification de l'accès au réseau.
En effet, la logique de la tarification de l'accès au réseau implique que les coûts liés à un niveau de tension donné - y compris les coûts liés au raccordement des utilisateurs et une partie des coûts liés aux niveaux de tension supérieurs qui alimentent le réseau sollicité - soient répartis entre l'ensemble des utilisateurs raccordés à ce niveau de tension. Eurotunnel estime que l'application à son égard de la tarification au niveau de tension 225 kV serait contraire à cette logique en ce qu'elle reviendrait à lui faire supporter une partie de l'ensemble des coûts du réseau à 225 kV de RTE, alors qu'il n'en sollicite pas les ouvrages.
Eurotunnel soutient que l'application à son égard d'une tension de raccordement de 400 kV n'est pas discriminatoire.
Eurotunnel soutient que les conditions particulières de raccordement au réseau de transport d'électricité et du financement de celui-ci doivent être prises en compte dans la détermination du tarif qui lui est applicable. Eurotunnel soutient, en effet, contrairement à RTE, que l'application de conditions d'accès au réseau qui ne tiendraient pas compte des particularités de sa situation au regard des autres utilisateurs constituerait, de la part de RTE, une discrimination.
Sur les frais d'EER :
Eurotunnel soutient que la facturation d'EER pour la ligne n° 3 est dépourvue de fondement réglementaire ou conventionnel.
Eurotunnel rappelle qu'en vertu du cahier des charges du réseau d'alimentation générale de 1958, en vigueur lors de la signature de la convention de raccordement, le concessionnaire devait supporter l'ensemble des coûts du réseau, ce qui excluait de mettre à la charge du client des frais d'EER. Eurotunnel précise qu'il a été toutefois convenu avec EDF, dans la convention de raccordement du 17 février 1989, de conditions dépassant ce qui était prévu dans le cahier des charges du réseau d'alimentation générale en vigueur, à savoir la facturation d'EER pour l'autotransformateur « 763 », pour ses cellules 400 kV et 225 kV, pour le câble « secours » et pour sa cellule 225 kV. Le cahier des charges du réseau d'alimentation générale de 1995 prévoit que les charges liées à une autre ligne servant de secours doivent être répercutées sur l'utilisateur.
Or, selon Eurotunnel, une seule ligne de son raccordement correspond à cette définition : il s'agit des ouvrages à 225 kV de la ligne n° 2. Eurotunnel soutient, au surplus, que seuls ces ouvrages relèvent de la notion de « liaison servant de secours » employée dans le décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002 aux termes duquel « une ligne de raccordement est considérée comme une ligne de secours-substitution si elle n'est utilisée qu'en substitution d'une ou plusieurs lignes principales indisponibles du fait de situation de défaillance, de réparation ou de maintenance ».
En tout état de cause, Eurotunnel soutient que, dans le cas d'alimentations de secours, ou encore lorsque les parties se sont engagées au-delà des stipulations du cahier des charges, c'est la convention de raccordement conclue entre le client et le concessionnaire qui fixe les conditions financières du raccordement. Eurotunnel considère donc que RTE ne peut lui réclamer le paiement de frais d'EER que dans les conditions convenues avec EDF dans la convention de raccordement du 17 février 1989 et pour les seuls ouvrages du raccordement que cette convention désigne. Contrairement à ce que demande RTE, c'est donc sur l'autotransformateur « 763 », ses cellules 400 kV et 225 kV, le câble « secours » et sa cellule 225 kV que les EER peuvent être facturés.
Eurotunnel soutient à titre subsidiaire que, contrairement à ce que soutient RTE, la ligne n° 3 n'est pas une alimentation complémentaire au sens du projet de contrat d'accès au réseau de transport (contrat CART).
Eurotunnel soutient que la ligne n° 3, dès lors qu'elle répond à l'ensemble de ses besoins électriques autres que la traction, est nécessaire, par sa capacité, à l'alimentation normale du site. Elle...

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