Décision du 22 octobre 2010 du comité de règlement des différends et des sanctions sur le différend qui oppose la société Direct Energie à la société Electricité Réseau Distribution France relatif au contrat GRD-F

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0277 du 30 novembre 2010
Enactment Date22 octobre 2010
Date de publication30 novembre 2010
CourtCOMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE
Record NumberJORFTEXT000023149566


Le président du comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 20 juillet 2010 sous le numéro 05-38-10, présentée par la société Direct Energie, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 448 572 057, dont le siège social est situé 2 bis, rue Louis-Armand, 75015 Paris, représentée par son directeur général M. Xavier Caitucoli et ayant pour avocats Mes Olivier Fréget et Marie Potel-Saville, cabinet Allen & Overy LLP, 26, boulevard des Capucines, 75009 Paris.
La société Direct Energie (ci-après désignée Direct Energie) a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, d'un litige portant sur le contrat (ci-après désigné « contrat GRD-F ») relatif à l'accès au réseau public de distribution, à son utilisation et à l'échange de données pour les points de connexion pour lesquels a été souscrit un contrat unique.
Direct Energie indique avoir décidé le 3 décembre 2009 de suspendre à titre provisoire le paiement de toute somme due à ERDF au titre du contrat GRD-F faute de pouvoir faire face à la charge financière que représentent les impayés de ses clients au titre de la part acheminement. Elle indique que, le 12 mai 2010, ERDF a appelé la garantie bancaire prévue à l'article 8 du contrat GRD-F pour un montant de 2,7 millions d'euros et mis en demeure Direct Energie, le 5 juillet 2010, de reconstituer la garantie bancaire sous dix jours.
Direct Energie soutient qu'en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour trancher le litige qui l'oppose à ERDF relatif au contrat GRD-F, au transfert de la charge des impayés sur les fournisseurs et aux différences instituées à son profit par ERDF entre la situation dans laquelle il se trouve en cas de contrat unique et celle dans laquelle le client final a signé un contrat d'accès au réseau de distribution (ci-après désigné contrat CARD).
Elle estime que le litige est lié à l'accès et à l'utilisation du réseau de ERDF, qu'il s'agit d'un différend relatif à un désaccord sur l'interprétation et l'exécution du contrat GRD-F et que la procédure ainsi engagée devant le comité de règlement des différends et des sanctions est complémentaire de celles qu'elle a engagées ou va engager sur le même sujet devant la juridiction commerciale et l'Autorité de la concurrence.
Direct Energie soutient que le principe de non-discrimination énoncé par la directive 2003/54/CE et transposé en droit interne notamment par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 modifiée interdit au gestionnaire de réseau d'instituer ou de mettre en œuvre une discrimination entre les catégories d'utilisateurs tels que clients finals dans le cas d'un contrat CARD et les fournisseurs dans le cas d'un contrat GRD-F.
Elle estime que les conditions dans lesquelles ERDF donne accès au réseau public de distribution participent, ainsi que le prévoit le contrat de service public entre l'Etat et EDF, de sa mission de service public et que cette mission ne peut être transférée à un tiers ou même atténuée en dehors des cas expressément prévus par la loi ou les cahiers des charges de concession ainsi que l'a rappelé le comité de règlement des différends et des sanctions dans sa décision du 7 avril 2008. Ainsi, le contrat GRD-F ne peut en aucun cas placer le gestionnaire de réseau dans une situation différente de celle du contrat CARD.
Direct Energie soutient qu'« au titre de la mise en œuvre du droit d'accès au réseau » ERDF s'octroie des avantages dans le cadre du régime du contrat unique qui constituent autant de charges pour les fournisseurs, sans que la loi ou les cahiers des charges ne prévoient de telles différences.
Elle considère qu'à la différence de ce qui est prévu dans le contrat CARD, dans le cas du contrat GRD-F, le fournisseur supporte intégralement le risque d'impayés alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au fournisseur de recouvrer la prestation effectuée par le gestionnaire de réseau, ni d'en supporter les risques en cas d'impayés mais encore que le décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 implique que le fournisseur doit d'abord obtenir le paiement du client pour ensuite le reverser au gestionnaire de réseau.
Direct Energie soutient que la procédure de suspension pour impayés que ERDF s'applique à travers le contrat CARD est plus rapide et efficace que celle prévue au contrat GRD-F alors que ni la loi, ni les cahiers des charges ne prévoient de telles différences. Sur ce point, elle observe également que si ERDF admet une délégation de paiement à un tiers des sommes dues par le client final à ERDF, le client demeure tenu vis-à-vis de ERDF dans tous les cas.
Direct Energie conteste également l'imposition d'une garantie bancaire à première demande telle que prévue à l'article 8 du contrat GRD-F dès lors que ni la loi, ni le cahier des charges ne le prévoient. Elle estime que le « risque financier » identifié par la Commission de régulation de l'énergie dans sa communication du 24 décembre 2003 ne peut être que « purement résiduel » et ainsi correspondre aux montants effectivement perçus par les fournisseurs.
Direct Energie soutient que, si le contrat unique a été institué par l'article 42 de la loi du 7 décembre 2006 « en tant que facilité consentie au client final », une telle mesure de simplification ne peut permettre à ERDF de faire varier les obligations qui pèsent sur lui « au titre de sa mission de service public de mise en œuvre du droit d'accès au réseau », en dehors des cas expressément prévus par la loi ou le cahier des charges de concession. Elle souligne que c'est ce que le comité de règlement des différends et des sanctions a rappelé dans sa décision du 7 avril 2008.
Direct Energie estime enfin qu'il n'existe pas de différence objective de situations susceptible de justifier une différence de traitement échappant à la qualification de discrimination et contraire aux dispositions de la directive 2003/54/CE ainsi qu'à celles de la loi du 9 août 2004.
Elle demande au comité de règlement des différends et des sanctions que le contrat GRD-F soit modifié afin que :
― « D'une manière générale, le contrat GRD-F prévoie une situation strictement identique à celle du contrat CARD dans tous les cas où la loi où les cahiers des charges de concession n'en dispose pas autrement » ;
― « En particulier, l'article 7.1 du contrat GRD-F doit être modifié afin qu'il prévoie qu'en cas d'impayés par le client final, le fournisseur est délivré de l'obligation de verser à ERDF la part acheminement correspondante et ERDF fait son affaire du recouvrement du prix de sa propre prestation comme il le fait en cas de contrat CARD » ;
― « l'article 5.5 du contrat GRD-F doit être modifié afin qu'il prévoie que la procédure de suspension en cas d'impayés soit strictement la même en cas de contrat CARD ou de contrat GRD-F, l'opposition du client à la suspension ne devant plus être un "cas de force majeure” libérant ERDF de ses obligations » ;
― « l'article 7.7.5 du contrat GRD-F doit être modifié afin qu'il prévoie que le paiement des sommes dues par le fournisseur est effectué par le mode de paiement choisi par le fournisseur » ;
― « l'article 8 du contrat GRD-F doit être supprimé afin que ne soit plus imposée au fournisseur la constitution d'une quelconque garantie de paiement, que la loi n'exige pas ».


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Vu les observations en défense, enregistrées le 12 août 2010, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, tour Winterthur, 92085 Paris La Défense Cedex, prise en la personne de son représentant légal dûment habilité, et ayant pour avocats Me Emmanuel Guillaume et Me Ludovic Coudray, cabinet Baker & McKenzie SCP, 1, rue Paul-Baudry, 75008 Paris.
ERDF estime que Direct Energie est « particulièrement mal venue à présenter le contrat GRD-F comme lui ayant été "imposé” alors qu'elle l'a signé de son plein gré et en toute connaissance de cause ».
ERDF soutient, à titre principal, que les demandes de Direct Energie sont irrecevables en ce qu'elles conduiraient le comité de règlement des différends et des sanctions à modifier les stipulations d'un contrat conclu et en cours d'exécution entre les parties qui ne soulèvent pas de difficultés d'interprétation.
A titre subsidiaire, elle soutient qu'il n'y a pas de discrimination et d'« équivalence de situation » entre le contrat CARD et le contrat GRD-F. Elle estime que si le comité de règlement des différends et des sanctions a rappelé dans sa décision du 7 avril 2008 que le client final qui décide de souscrire un contrat unique ne doit pas être placé dans une situation moins favorable que celui qui choisit de conclure deux contrats distincts, l'un portant sur la fourniture, l'autre sur la distribution d'électricité, en revanche, le comité n'a pas consacré de principe « d'équivalence des situations juridiques » au bénéfice des fournisseurs d'électricité. Elle soutient également que dans la mesure où les clients finals et les fournisseurs ne sont pas dans la même situation, ERDF...

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