Décision n° 01-38-17 du 13 juillet 2018 du comité de règlement des différends et des sanctions sur le différend qui oppose la société Eni Gas & Power à la société Enedis, relatif à la conclusion d'un contrat de prestations de gestion de clientèle en contrat unique

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0180 du 7 août 2018
Record NumberJORFTEXT000037291416
Enactment Date13 juillet 2018
CourtCOMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE
Date de publication07 août 2018


Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 22 février 2017, sous le numéro 01-38-17, présentée par la société Eni Gas & Power (ci-après dénommée Eni) à l'encontre de la société Enedis.
Elle est relative à la conclusion d'un contrat de prestations de gestion de clientèle en contrat unique.


Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
Par une délibération du 26 juillet 2012 portant communication relative à la gestion de clients en contrat unique, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a examiné les stipulations contractuelles envisagées par les sociétés Direct Energie et Enedis relatives à la rémunération du fournisseur pour certaines prestations de gestion de clientèle en contrat unique.
A cette occasion, la CRE a examiné un système de régulation asymétrique au profit des fournisseurs nouveaux entrants, fondé sur trois conditions cumulatives devant être réunies pour permettre la conclusion d'un tel contrat :


« - il doit être constaté un désavantage objectif aux dépens de l'opérateur arrivé le plus récemment ;
- la régulation devant compenser ce désavantage doit être temporaire ;
- la dissymétrie, ainsi organisée, doit être proportionnée à la différence de situation afin de corriger le déséquilibre. »


La CRE précisait qu'un tel contrat de prestations pour la gestion de clientèle en contrat unique pouvait être conclu avec d'autres fournisseurs nouveaux entrants placés dans une situation comparable à celle de la société Direct Energie.
Enfin, la CRE indiquait que la rémunération versée par Enedis aux fournisseurs pour la gestion des clients finals ayant souscrit un contrat unique étant de nature à entrer dans le périmètre des charges couvertes par le TURPE, la CRE examinerait, à l'occasion de ses travaux tarifaires, la couverture des montants facturés à la société Enedis à ce titre.
Le 7 octobre 2014, la société GDF Suez a formé un recours gracieux tendant au retrait de cette délibération.
Par une délibération du 10 décembre 2014, la CRE a rejeté ce recours gracieux, estimant que la délibération attaquée était dépourvue de tout caractère décisoire et donc insusceptible de faire grief à la société GDF Suez.
Le 26 octobre 2015, la société Eni a demandé au Directeur Général de la CRE le bénéfice du contrat de gestion de clientèle en contrat unique mis en œuvre par la société Enedis, en application de la délibération du 26 juillet 2012.
Le 18 décembre 2015, le Président de la CRE a répondu à la société Eni qu'après vérification, cette dernière se trouvait « dans une situation comparable à celle qui avait été prise en compte dans la délibération du 26 juillet 2012 » et l'invitait à prendre contact avec la société Enedis afin de convenir des conditions dans lesquelles un contrat de prestations pour la gestion de clientèle en contrat unique pourrait être conclue.
Le 5 janvier 2016, la société Enedis a fait parvenir à la société Eni un modèle de contrat de prestations de services.
Par une délibération du 3 mai 2016, la CRE a examiné un projet d'avenant au contrat de gestion de clientèle de la société Direct Energie examiné en 2012. Ce projet avait pour effet de prolonger l'application de ce contrat arrivé à expiration le 30 septembre 2015.
Par une décision du 13 juillet 2016, le Conseil d'Etat a annulé la délibération du 10 décembre 2014 par laquelle la CRE avait rejeté la demande présentée par la société GDF Suez tendant à l'abrogation de sa délibération du 26 juillet 2012.
Le Conseil d'Etat a jugé que « les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne doivent pas laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau (…) la délibération attaquée indique qu'un contrat prévoyant une rémunération versée par le gestionnaire de réseau de distribution à un fournisseur au titre des frais de gestion des clients ayant conclu un contrat unique pourrait être conclu, de manière transitoire, par ce gestionnaire avec d'autres « fournisseurs nouveaux entrants » placés dans une situation comparable à la société Poweo Direct Energie au regard de leurs coûts de gestion de clientèle et de leur base de clients « énergie », c'est-à-dire dont le nombre de clients ayant souscrit un contrat unique en électricité ou en gaz est inférieur à 1 750 000. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en prévoyant que ce type d'accord ne pouvait être que « transitoire », et en en réservant le bénéfice à certains fournisseurs, alors qu'il prévoit le versement au fournisseur d'une compensation financière au titre de coûts supportés par lui pour le compte du gestionnaire, la CRE a méconnu les dispositions de l'article L. 121-92 du code de la consommation. »
Le 2 novembre 2016, la société Eni a renvoyé à la société Enedis le contrat de prestations de services complété.
Le 21 novembre 2016, la société Enedis a indiqué à la société Eni avoir transmis sa demande à la CRE pour examen. Par courrier du même jour, la société Eni a réitéré sa demande à la société Enedis de lui retourner le contrat signé, et ce dans un délai de 8 jours. La société Eni indiquait que la CRE avait d'ores et déjà validé la demande de la société Eni, que la décision rendue par le Conseil d'Etat le 13 juillet 2016 consacrait « une énième fois » le principe selon lequel les stipulations des contrats conclus entre les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs ne doivent pas laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau. La société Eni faisait valoir que sa demande de signer le contrat de prestations de services ne pouvait souffrir d'aucune contestation de la part de la société Enedis dans la mesure où d'autres fournisseurs bénéficiaient déjà de ce contrat.
Le 30 novembre 2016, la société Enedis a répondu que la CRE avait, dans sa délibération du 17 novembre 2016 dite « Turpe 5 », indiqué avoir « mandaté un consultant externe pour déterminer les paramètres d'un encadrement par la CRE du montant de la rémunération des fournisseurs par les GRD qui fera l'objet d'une consultation publique à la fin de l'année 2016 ». La société Enedis ajoutait qu'elle avait saisi la CRE de la demande de la société Eni dans ce contexte et proposait une rencontre afin d'échanger sur cette question.
Le 6 janvier 2017, une réunion s'est tenue entre les parties.
Par une délibération du 12 janvier 2017, la CRE a abrogé les délibérations du 26 juillet 2012 et du 3 mai 2016. Cette délibération précisait en outre « qu'en l'absence de recommandation spécifique ou d'encadrement par la CRE de cette rémunération, il appartient aux GRD et aux fournisseurs concernés de déterminer contractuellement le versement au fournisseur d'une compensation financière au titre des coûts qu'il supporte du fait des prestations effectuées pour le compte du GRD ».
Le 19 janvier 2017, la société Enedis a fait savoir à la société Eni qu'elle restait dans l'attente d'une réponse de la CRE. Le même jour, la société Eni a fait part de son étonnement, en soulignant que la position de la CRE apparaissait clairement dans la délibération du 12 janvier 2017.


Vu la saisine, enregistrée le 22 février 2017, sous le numéro 01-38-17, présentée par la société Eni Gas & Power France, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 451 225 692, dont le siège social est situé au 24, rue Jacques Ibert 92300 Levallois Perret, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Maître Florent Prunet, Cabinet Jeantet Associés AARPI, 87, avenue Kleber, 75116 Paris.
Dans ses observations, la société Eni indique que son projet a consisté à passer d'un modèle commercial mono énergie (gaz) à un modèle de fourniture globale d'énergie (gaz et électricité), ce qui nécessitait des évolutions de son système informatique. Elle ajoute que plusieurs retards et difficultés techniques dans le développement de son système informatique ont affecté son calendrier à compter du mois de janvier 2016. A la fin du mois d'octobre 2016, une date de mise en production a été arrêtée avec son prestataire informatique.
Concernant la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, la société Eni considère qu'elle est clairement établie dès lors que le litige porte sur la conclusion, l'interprétation et l'exécution de contrats au sens des articles L.111-91 et L.134-19 du code de l'énergie.
Sur le fond, la société Eni fait valoir que la société Enedis ne saurait prétendre se retrancher derrière le fait que la CRE serait actuellement en train d'examiner les paramètres d'un encadrement de la rémunération des peines et soins pour éviter de proposer à la société Eni un contrat sur ce point.
Selon la société Eni, il n'existe aucune raison valable pour que la société Enedis refuse de signer le contrat et de verser une rémunération à la société Eni pour les services rendus au titre des peines et soins, et ce dès maintenant, quitte à ce que cette rémunération fasse l'objet d'une régularisation par la suite.
Elle ajoute que, dans sa délibération du 12 janvier 2017, la CRE a clairement indiqué qu'il appartenait aux gestionnaires de réseaux de distribution de convenir contractuellement avec les fournisseurs de leur rémunération, sans qu'elle ait à intervenir.
La société Eni soutient également que le refus de la société Enedis de rémunérer dès maintenant la société Eni pour les peines et soins introduit une discrimination claire et immédiate entre la société Eni et les autres fournisseurs bénéficiant déjà, quant à eux, d'une rémunération sur le fondement de la délibération du 26 juillet 2012.
Enfin, la société Eni indique que le refus de la société Enedis introduit une distorsion de concurrence entre la société Eni et ses concurrents qui bénéficieraient d'une telle rémunération, dans des conditions susceptibles de caractériser une pratique abusive au titre de l'article L.420-2 du code du commerce.
La société Eni...

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