Décision n° 2003-1038 du 23 septembre 2003 se prononçant sur un différend entre les sociétés Iliad et France Télécom

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°246 du 23 octobre 2003
Enactment Date23 septembre 2003
Date de publication23 octobre 2003
CourtAUTORITE DE REGULATION DES TELECOMMUNICATIONS
Record NumberJORFTEXT000000795282


L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») ;
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 33-4, L. 36-8 et R. 11-1 ;
Vu le décret n° 2003-752 du 1er août 2003 relatif aux annuaires universels et aux services de renseignements et modifiant le code des postes et télécommunications ;
Vu la décision n° 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant règlement intérieur ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999, annulant la décision n° 98-D-60 du Conseil de la concurrence, en date du 29 septembre 1998, et statuant sur les pratiques reprochées ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 4 décembre 2001, rejetant le pourvoi formé par la société France Télécom contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999 ;
Vu la décision n° 02-D-41 du Conseil de la concurrence, en date du 26 juin 2002, se prononçant sur le respect d'une partie des injonctions prononcées par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 et renvoyant le dossier à l'instruction en ce qui concerne le respect d'une autre partie de ces injonctions ;
Vu la décision n° 03-D-43 du 12 septembre 2003, relative au respect des injonctions prononcées à l'encontre de la société France Télécom par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 ;
Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée à l'Autorité le 24 mars 2003, présentée par la société Iliad, RCS Paris B 342 376 332, dont le siège social est situé 24, rue Emile-Ménier, 75116 Paris, représentée par M. Xavier Niel, président du conseil de surveillance ;
La demande de règlement de différend de la société Iliad porte sur les modalités techniques et financières de fourniture des listes d'abonnés de France Télécom à des fins de fourniture d'un service universel de renseignements.
Dans sa saisine, Iliad demande à l'Autorité :
- de constater un échec de négociations entre Iliad et France Télécom ;
- de constater que l'offre de « cession des données annuaires aux éditeurs annuaires et/ou aux services de renseignement téléphonique », telle que précisée par France Télécom en rubrique L 12 de son catalogue des prix, ne respecte pas les prescriptions réglementaires et légales et ne répond pas aux attentes correspondant à la fourniture d'un service de renseignement universel ;
- de se prononcer sur le différend et d'ordonner à France Télécom de proposer à Iliad, sous trente jours à compter de la notification aux parties de la décision, un accord définissant les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom respectant les points suivants :
i) Un accès non discriminatoire aux listes d'abonnés, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, de France Télécom sur une durée de trois ans ;
ii) Une mise à jour des données selon des périodicités laissées à l'appréciation des parties et garantissant au minimum une mise à jour mensuelle ;
iii) Une orientation vers les coûts des tarifs.


I. - Exposé des faits


La société Iliad, qui souhaite fournir un service universel de renseignements, a sollicité la société France Télécom à plusieurs reprises pour que le contrat de concession de la base annuaires de France Télécom conclu en 1999 soit amendé pour tenir compte des nouvelles dispositions législatives issues de la rédaction de l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001.
Elle indique que sa demande a été rejetée par France Télécom car les tarifs de cession doivent tenir compte du nombre d'usages réellement faits de la base annuaires de France Télécom.
En effet, la société Iliad indique que France Télécom estime que la demande ne peut être acceptée au regard du périmètre d'activité tel que décrit dans le catalogue des prix de France Télécom, rubrique L 12, dans le cadre de son offre de « cession des données annuaires aux éditeurs d'annuaires et/ou services de renseignements téléphoniques ».
La société Iliad estime qu'elle est donc conduite à constater un désaccord et soumet ce litige à l'Autorité.


II. - Exposé des moyens
1. Sur le caractère justifié de la demande d'Iliad


La demande de la société Iliad vise, dans le cadre de son service de renseignement, à parvenir à un accord avec France Télécom portant sur les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom. Elle estime que sa demande est justifiée, car légitime et raisonnable.
La société Iliad indique qu'elle a signé avec France Télécom, le 14 octobre 1999, un accord de mise à disposition des données annuaire de France Télécom prenant effet le 1er novembre 1999, valable pour une période de trois ans.
La société Iliad souligne que selon les termes de cet accord, la rémunération de France Télécom au titre de l'accès à la base de données annuaire et de sa réutilisation doit être « raisonnable et orientée vers les coûts ». Cette rémunération a alors été fixée à 3 353 878 EUR annuels (soit 22 millions de francs HT), décomposée en 2 896 531 EUR (soit 19 millions de francs) au titre de la base elle-même et de 457 347 EUR (soit 3 millions de francs) au titre de la mise à jour annuelle.
Elle précise que souhaitant fournir un service universel de renseignements, elle a mis en place des ressources permettant d'accéder à ce service par plusieurs moyens : en ligne par Minitel (36-17, code annu) et internet ; et par téléphone via le numéro court 3217.
La société Iliad indique que la fourniture de ce service implique, afin de garantir la véracité des informations communiquées, un accès régulièrement actualisé aux listes d'abonnés des différents opérateurs, dont France Télécom qui dispose de 26 millions d'abonnés au service téléphonique.
Elle indique également que l'accord initial de novembre 1999 arrivait à échéance en novembre 2002, et qu'elle a dans ces conditions sollicité de France Télécom un nouvel accord afin de proposer un service universel de renseignements. Elle souhaite que cet accord portant sur les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom réponde aux critères suivants :
- un usage unique de renseignements ;
- une orientation vers les coûts des tarifs, en application des dispositions légales et réglementaires, telle que précisée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 4 décembre 2001 et rappelé par un avis du Conseil de la concurrence en date du 26 juin 2002.
La société Iliad estime que sa demande, portant exclusivement sur une activité de renseignement, a été rejetée par France Télécom au motif que les activités de renseignement et d'annuaire sont liées, ce qu'elle conteste. Elle précise d'ailleurs que le Conseil de la concurrence a confirmé cette distinction des services de renseignement et d'annuaires dans une décision n° 2002-D-41 du 26 juin 2002.
Elle souligne que France Télécom a constamment rejeté sa proposition, en invoquant l'inscription à son catalogue des prix, rubrique L 12, d'une nouvelle grille tarifaire qui s'appliquerait à Iliad alors que cette offre ne répond pas à ses attentes.
Elle considère que cette offre ne satisfait pas aux obligations légales et réglementaires de fourniture, dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts des listes d'abonnés à des fins de fourniture d'un service universel de renseignements.
La société Iliad estime qu'en vertu des dispositions de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications, l'activité relative à la publication des listes d'abonnés ou d'utilisateurs des réseaux ou services de télécommunications ne peut être restreinte au profit d'un seul acteur du marché, ce qui implique que chaque demandeur, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, qui justifie d'un intérêt, doit pouvoir accéder à ces listes dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts en vue de proposer un service fiable.
Elle indique qu'elle ne peut plus garantir la véracité des informations dont elle dispose, compte tenu des mouvements mensuels dans la base d'abonnés de France Télécom, ou souscrire à une offre commerciale de France Télécom échappant au contrôle de l'Autorité, sans avoir la garantie que cette offre soit non discriminatoire et que ses tarifs soient orientés vers les coûts.
Elle souligne que sa demande est légitime, raisonnable et justifiée, car l'offre de France Télécom telle que décrite en rubrique L 12 de son catalogue des prix ne satisfait pas ses besoins puisqu'elle ne répond pas aux prescriptions réglementaires.


2. Le refus de France Télécom est discriminatoire


La société Iliad constate que la nouvelle offre commerciale de France Télécom, publiée en novembre 2002 à son catalogue des prix, n'a pas fait l'objet d'une décision tarifaire homologuée selon la procédure prévue à l'article 17 du cahier des charges de France Télécom, tel que fixé par le décret n° 96-1225 du 27 décembre 1996.
Elle considère que cette offre ne répond pas effectivement aux obligations définies par l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications. En outre, elle estime que l'orientation vers les coûts et l'absence de traitement discriminatoire ne sont...

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