Décision n° 2012-011 du 9 mai 2012 portant sur la demande formée par la société Europorte Channel dans le cadre d'un différend l'opposant à RFF relatif aux prestations de « sûreté » sur le faisceau de Calais-Fréthun

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0236 du 10 octobre 2012
Enactment Date09 mai 2012
Record NumberJORFTEXT000026475809
CourtAUTORITE DE REGULATION DES ACTIVITES FERROVIAIRES
Date de publication10 octobre 2012


L'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ci-après « l'Autorité »),
Vu le code des transports ;
Vu le règlement intérieur du collège de l'Autorité ;
Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée le 20 janvier 2012, présentée par la société Europorte Channel, société par actions simplifiée au capital de 2 000 000 euros, dont le siège social est situé tour de Lille, 60, boulevard de Turin, Euralille, 59777 Lille, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Lille sous le numéro 518 454 301, représentée par son président M. Pascal Sainson ;
Dans cette saisine, Europorte Channel demande à l'Autorité :
― d'une part, que la redevance relative aux prestations de sûreté sur le site du terminal de Calais-Fréthun soit déclarée contraire à la réglementation ; et
― d'autre part, qu'il soit enjoint à RFF de rectifier sans délai son document de référence du réseau applicable aux horaires de service 2012 et 2013.
Europorte Channel indique que, filiale de la société Europorte appartenant au groupe Eurotunnel SA, exerçant précédemment ses activités sous le nom d'Europorte 2, elle a le statut d'entreprise ferroviaire et exerce sur le site de Calais-Fréthun une activité de prestataire de services (attelages et dételages des locomotives, manœuvres, contrôles de sécurité, gestion des documents réglementaires et suivi du trafic trans-Manche), de tractionnaire dans le lien fixe trans-Manche jusqu'au terminal frontalier de Dollands Moor au Royaume-Uni. Europorte Channel précise qu'elle développe une activité de transporteur entre les deux installations frontalières citées ci-dessus.
Par deux lettres en date des 1er juillet et 2 septembre 2011, Europorte Channel indique avoir été invitée par RFF en tant que partie intéressée à formuler des commentaires sur le projet de document de référence du réseau applicable à l'horaire de service 2013 comprenant une nouvelle redevance de 1 500 € par train pour la prestation de sûreté sur le site du faisceau Calais-Fréthun.
Europorte Channel indique avoir répondu par une lettre du 6 octobre 2011 en faisant valoir que l'introduction d'une redevance de 1 500 € par train présentait un caractère inacceptable.
Europorte Channel indique que dans la version 5 du document de référence du réseau datée du 30 novembre 2011, publié sur le site internet de RFF dans les jours précédant l'entrée en vigueur du nouvel horaire de service, RFF confirmait l'introduction de cette redevance pour un montant ramené à 590 € par train en 2012 et 615,37 € en 2013.
Europorte Channel précise que la SNCF était jusqu'alors en charge de cette prestation qu'elle sous-traitait à des prestataires externes de gardiennage, via un certain nombre de contrats dont le dernier a été dénoncé en 2011 avant que la mission ne soit transférée à RFF.
Europorte Channel fait valoir :
A titre principal :
― que la redevance en cause visant à compenser, dans le cadre de l'exercice d'une mission régalienne de l'Etat, les coûts des contrôles renforcés d'immigration mis à la charge de la SNCF par l'Etat au début des années 2000, du fait de l'ampleur de l'immigration clandestine, ne peut être reliée à l'utilisation du réseau ferré national, contrairement aux dispositions du code des transports, notamment l'article L. 2122-11 ;
― que, en l'état actuel de la réglementation, notamment de l'article 11 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997, la SNCF demeure chargée des missions de sûreté et que cette dernière a abandonné contractuellement ces missions de sûreté assumées historiquement sans que cet abandon repose sur une évolution conforme du contexte institutionnel et réglementaire.
A titre subsidiaire, dans le cas où cette redevance présenterait un fondement juridique ou réglementaire :
― que cette redevance ne tient pas compte de la situation du marché du transport, comme l'impose en particulier l'article 2 du décret n° 97-446 du 5 mai 1997, dès lors que l'introduction de cette redevance représente une augmentation de l'ensemble des coûts fixes à la charge des opérateurs trans-Manche (accès aux voies de services du faisceau, opérations au sol, traction, sillon trans-Manche) de l'ordre de 15 % incompatible avec la restauration d'un trafic intracommunautaire de marchandises ;
― que cette redevance apparaît peu transparente et ne peut être considérée comme égale au coût du service dès lors que la somme de 590 € s'applique invariablement quels que soient le nombre et le type de trains à contrôler, alors que des trains transitent par le faisceau tunnel de Calais-Fréthun à vide ou en conception « wagons plats » ne nécessitant quasiment aucun contrôle en matière d'immigration ;
― que l'introduction de cette nouvelle redevance représentant une modification substantielle des conditions d'accès et d'utilisation du faisceau de Calais-Fréthun est prématurée pour une entrée en vigueur dès l'horaire de service 2012 dès lors :
― d'une part, que les parties intéressées et l'ARAF n'ont pas été consultées dans les conditions imposées par la réglementation, c'est-à-dire avant la publication du document de référence du réseau 2012 en décembre 2010, de sorte que l'ARAF puisse émettre son avis et que, en tout état de cause, l'avis de l'ARAF sur le document de référence du réseau 2013 ne saurait rétroactivement valider les modifications apportées au document de référence du réseau 2012 ;
― d'autre part, que la rapidité de l'introduction de cette redevance complémentaire ne laisse pas aux entreprises ferroviaires un délai raisonnable pour s'organiser, en particulier dans le cas où elles souhaiteraient assurer par d'autres moyens la sécurisation de leur flux ferroviaires.
Vu la demande de documents et le questionnaire des rapporteurs en date du 2 février 2012 adressés à RFF et à Europorte Channel ;
Vu les courriers en date du 6 février 2012 de consultation par les rapporteurs des sociétés SNCB Logistics SA, Fret SNCF et ECR en tant qu'entreprises ferroviaires utilisant le lien fixe trans-Manche sur une demande faite à l'Autorité tendant à déclarer la redevance prévue au 6.3.2.8 des documents de référence du réseau 2012 modifié et 2013 contraire à la réglementation ;
Vu la demande en date du 6 février 2012 des rapporteurs d'audition de la SNCF en tant qu'entreprise ferroviaire utilisant le lien fixe trans-Manche ;
Vu les documents envoyés par Europorte Channel en réponse à la demande des rapporteurs, enregistrés le 8 février 2012, comprenant :
― une liste des prestations au sol réalisées par Europorte Channel sur le terminal de Calais-Fréthun ;
― le document de référence du responsable suivi temps réel (STR) d'Europorte Channel ;
― les fiches de descriptions de poste du STR et de l'agent formation reconnaisseur chef de la manœuvre (AFRCM) ; et
― une vue du terminal Eurotunnel reprenant la localisation géographique des contrôles.
Vu les documents envoyés par RFF, établissement public national à caractère industriel et commercial, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 412 280 737 00310, dont le siège est 92, avenue de France, 75648 Paris Cedex 13, représenté par Mes Philippe Hansen et Thierry Dal Farra, de la SCP Uettwiller Grelon Gout Canat et Associés (UGGC), en réponse à la demande des rapporteurs, enregistrés le 8 février 2012, comprenant :
― trois plans du terminal de Calais-Fréthun et une vue aérienne du terminal Eurotunnel permettant de visualiser les zones concernées par les opérations de gardiennage et de contrôle des rames ;
― le cahier des charges et le contrat de sous-traitance conclu avec le prestataire de service pour la réalisation des missions de sûreté.
RFF précise que ce contrat a été conclu par la DCF pour le compte de RFF et que RFF en assume le paiement intégral.
Vu le compte-rendu de la visite des rapporteurs des sites d'Eurotunnel et du terminal de Calais-Fréthun en date du 31 janvier 2012, enregistré le 8 février 2012 ;
[...] (1)
Vu le compte-rendu de l'audition de Europorte Channel par les rapporteurs en date du 31 janvier 2012, enregistré le 8 février 2012 ;
[...]
Europorte Channel indique que, sur le site de Calais-Fréthun, les seules manœuvres ferroviaires effectuées correspondent aux changements de locomotives nécessaires (les locomotives classe 92 utilisées pour la traversée du tunnel n'étant pas admises sur le réseau français), essais de freins, inspection visuelle de sécurité et retrait éventuel de wagons inaptes à la circulation.
Les documents suivants ont été remis :
― le document de référence du réseau d'Eurotunnel ;
― la sentence du tribunal arbitral précitée ; et
― la présentation du groupe Eurotunnel.
Vu les réponses d'Europorte Channel au questionnaire des rapporteurs enregistrées le 13 février 2012, indiquant notamment que :
― [...]
― Europorte Channel n'a pas connaissance de textes relatifs aux contrôles effectués sur le site de Calais-Fréthun, qu'y soient de nature réglementaire ou de même portée que ceux qui sont applicables pour le site d'Eurotunnel (traité de Cantorbéry, protocole de Sangatte) ;
― concernant la possible prise en charge de cette mission par Europorte Channel, elle ne dispose d'aucun statut de gestionnaire délégué de cette partie du réseau ferré national ou d'intervenant pour le compte de l'Etat qui pourraient éventuellement lui en permettre l'exercice et elle ne s'est, à ce stade, rapprochée d'aucune entreprise ou personne assurant des missions de cette nature.
Vu les observations de RFF, enregistrées le 13 février 2012 ;
RFF demande à l'Autorité :
A titre principal, de constater qu'en l'absence d'intérêt à agir suffisant, en raison de son non-assujettissement à la redevance contestée la requête présentée par Europorte Channel est irrecevable et, en conséquence, de rejeter les demandes formulées par Europorte Channel ;
A titre subsidiaire, de constater que la redevance contestée a été instaurée au terme d'une procédure régulière, est fondée dans son principe et que le montant de cette redevance n'est pas excessif et, en conséquence, de rejeter les demandes...

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