Décision n° 2015-244 du 10 juin 2015 relative à deux différends opposant les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques à la société Groupe Canal Plus

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0143 du 23 juin 2015
Record NumberJORFTEXT000030767171
Enactment Date10 juin 2015
CourtCONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL
Date de publication23 juin 2015


Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 17-1 ;
Vu le décret n° 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l'application de l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée et relatif à la procédure de règlement des différends par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Vu la délibération du 9 avril 2014 fixant le règlement intérieur du Conseil supérieur de l'audiovisuel, notamment ses articles 17 à 23 ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société AB Thématiques concernant le service de télévision Trek ;
Vu, 1°, la demande, enregistrée le 27 janvier 2015 sous le numéro RD-2015/01, présentée pour les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques, dont les sièges sociaux sont 132, avenue du Président-Wilson à La Plaine Saint-Denis (93 210), représentées par leurs représentants légaux, par Me Théophile et Me Aubron ;
Les sociétés du groupe AB demandent au Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, d'enjoindre à la société Groupe Canal Plus de poursuivre jusqu'au 30 juin 2015, dans les conditions contractuellement prévues pour la chaîne « Escales », la distribution sur le bouquet CanalSat de la chaîne « Escales » une fois celle-ci renommée « Trek » ;
Elles soutiennent que la décision de la société Groupe Canal Plus de cesser la diffusion de la chaîne « Escales » dès son changement de dénomination en « Trek » constitue un manquement au caractère objectif, équitable et non discriminatoire de leurs relations contractuelles, dès lors :
Sur l'absence d'objectivité de la décision de cesser la diffusion :


- que la décision de renommer « Escales » en « Trek » fait suite aux remarques de la société Groupe Canal Plus à l'égard des faibles performances de cette chaîne ; qu'en souhaitant maintenir la diffusion de la chaîne « Escales » dans sa dénomination d'origine, la société Groupe Canal Plus contredit donc les arguments qu'elle avait initialement avancés à l'encontre de cette chaîne ;
- que la cessation pure et simple de la diffusion d'« Escales » renommée « Trek » causerait aux abonnés de la société Groupe Canal Plus, en particulier à ceux qui ont souscrit des offres leur permettant de recevoir cette chaîne, un préjudice plus important que celui qui serait causé par une simple modification du nom de la chaîne ;
- que tous les autres distributeurs avec lesquels la société Groupe AB a conclu un contrat de distribution ont accepté ce changement de dénomination de la chaîne « Escales » ;


Sur l'absence d'équité de la décision de cesser la diffusion :


- que la chaîne « Escales » renommée « Trek » contribuera de façon déterminante au pluralisme et à la qualité et à la diversité des programmes puisque :
- le positionnement de « Trek », chaîne documentaire dédiée à l'évasion au travers du prisme de l'aventure, des défis et exploits outdoors et des sports extrêmes, lui permettra de dépasser le clivage entre les thématiques Découverte et Sport et, par suite, participera de la différenciation et de l'originalité de la chaîne au regard des services concurrents, notamment au regard des chaînes payantes américaines présentes dans la thématique Découverte ;
- les programmes proposés sont de qualité, variés et originaux, et répondent à une attente croissante des consommateurs ;
- cette modification de la chaîne permettra d'accroître les investissements d'AB Thématiques dans la production d'œuvres audiovisuelles ;
- la qualité de « Trek » est attestée par le soutien et la confiance dont elle bénéficie, de la part de personnalités du monde sportif ainsi que de l'ensemble des autres distributeurs à l'exception de la société Groupe Canal Plus ;


Sur le caractère discriminatoire de la décision de cesser la diffusion :


- que la chaîne « Escales » est la seule, parmi les chaînes de la thématique Découverte, à voir sa distribution remise en cause au sein de l'offre CanalSat ;
- que la société Groupe Canal Plus a elle-même contribué à multiplier le nombre de chaînes de la thématique Découverte, sans toutefois souhaiter remettre en cause la distribution sur le bouquet CanalSat des chaînes qu'elle édite, notamment des déclinaisons de la chaîne « Planète + » ;
- que d'autres chaînes présentes sur le bouquet CanalSat ont déjà pu changer de dénomination, et même de positionnement éditorial, sans que cela ne conduise pour autant la société Groupe Canal Plus à cesser de les distribuer ;


Vu les observations en défense, enregistrées le 3 mars 2015, présentées pour la société Groupe Canal Plus, dont le siège social est 1, place du Spectacle à Issy-les-Moulineaux (92130), représentée par ses représentants légaux, par la SELAS Wilhelm & Associés, qui conclut à titre principal au non-lieu à statuer, et à titre subsidiaire au rejet de la demande ;
La société Groupe Canal Plus soutient :


- que, par ordonnance du 30 janvier 2015, le président du tribunal de grande instance de Paris lui a ordonné de maintenir la diffusion de la chaîne « Escales-Trek » jusqu'au 30 juin 2015, sauf obtention dans l'intervalle d'une décision de justice définitive qui lui permettrait d'y mettre fin ; qu'en raison de l'intervention de cette ordonnance, la demande tendant à ce qu'elle soit enjointe de maintenir la diffusion de la chaîne « Trek » jusqu'au 30 juin 2015 est désormais sans objet ;
- qu'en tout état de cause, la décision de cesser la diffusion de la chaîne « Trek », qui résulte de l'exercice de sa liberté commerciale et contractuelle dans le cadre fixé par l'Autorité de la concurrence, est objective, équitable et non-discriminatoire, dès lors :


Sur le caractère objectif et équitable de la décision de cesser la diffusion :


- que cette décision est objectivement justifiée par sa nouvelle stratégie de commercialisation du bouquet CanalSat, puisque :
- d'une part, CanalSat fait face à un contexte économique et concurrentiel difficile, en raison du développement des offres de télévision payante des fournisseurs d'accès à internet (FAI), de l'accroissement du nombre de chaînes de la TNT gratuite, ainsi que du développement des opérateurs « over the top » (OTT) et de la consommation de contenus délinéarisés ; qu'une érosion continue du nombre d'abonnés à CanalSat a ainsi été constatée depuis 2010 ; qu'il a dès lors été décidé de recentrer l'activité de CanalSat sur la distribution de chaînes moins nombreuses, mais renommées et de qualité, proposant des programmes inédits et exclusifs ; qu'ainsi, la distribution sur le bouquet CanalSat d'un certain nombre de chaînes, y compris certaines de celles éditées par la société Groupe Canal Plus, a été arrêtée ou va l'être prochainement ;
- d'autre part, la chaîne « Trek » ne correspond pas à la nouvelle stratégie de CanalSat, s'agissant d'une chaîne nouvelle inconnue des abonnés et des prospects, qui s'inscrit dans une thématique de niche relative aux sports extrêmes déjà représentée par deux autres chaînes indépendantes distribuées par CanalSat, « Extrême Sport » et « MCS Extrême » ; qu'en outre, l'attractivité éventuelle d'une chaîne consacrée spécifiquement à la thématique outdoor et aux sports extrêmes n'est pas établie ; que la distribution de cette chaîne présenterait donc un risque économique qui justifie la décision de refus ;


Sur le caractère non-discriminatoire de la décision de cesser la diffusion :


- que plusieurs autres chaînes sont affectées par la réorientation stratégique du bouquet CanalSat, laquelle concerne l'ensemble des thématiques présentes sur le bouquet ; qu'ainsi, 38 % des offres de reprises adressées depuis l'instauration de l'offre de référence relative aux chaînes indépendantes n'ont pas reçu de réponse favorable ; qu'au demeurant, les négociations en cours s'agissant de la reprise d'autres chaînes éditées par le groupe AB prouvent l'absence de discrimination envers cet éditeur ;
- que les cas dans lesquels une chaîne a pu changer de nom et de ligne éditoriale sans que cela n'affecte sa distribution au sein du bouquet CanalSat ne sont pas comparables à la situation de la chaîne « Trek », cette dernière étant une nouvelle chaîne et ne faisant donc pas l'objet d'un contrat de diffusion en cours d'exécution ; qu'en tout état de cause, les changements de nom et/ou de ligne éditoriale sont toujours intervenus après accord entre le distributeur et l'éditeur, et ne résultaient donc pas d'une décision unilatérale de la part de l'éditeur ;


Vu les observations en réplique, enregistrées le 13 mars 2015, présentées pour les sociétés du groupe AB, qui concluent aux mêmes fins que leur demande par les mêmes moyens ;
Elles soutiennent en outre :


- que l'injonction du juge des référés de maintenir la diffusion de la chaîne « Escales-Trek » démontre que la volonté de la société Groupe Canal Plus de maintenir cette diffusion n'était pas certaine ; que cette société a à son tour assigné les sociétés du groupe AB en référé afin qu'il leur soit enjoint de reprendre la diffusion de la chaîne « Escales » dans son format antérieur au 2 février 2015 ; que dans ces conditions, le différend relatif à la volonté de la société Groupe Canal Plus de cesser la diffusion de la chaîne « Trek » avant le 1er juillet 2015 conserve son objet ;
- que la société Groupe Canal Plus a intérêt à refuser la distribution de chaînes éditées par des groupes concurrents, et notamment de celles éditées par le groupe AB, seul groupe capable de fournir les distributeurs concurrents de la société Groupe Canal Plus en bouquets de chaînes complets et cohérents ; que l'existence même d'injonctions imposées à la société Groupe Canal Plus par l'Autorité de la concurrence témoigne du risque d'abus de position dominante à l'égard des éditeurs de chaînes indépendantes ;
- que la société Groupe Canal Plus demeure un acteur dominant du marché de la distribution de services de télévision payante ; que l'accroissement allégué de la pression concurrentielle sur le bouquet...

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