Décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°177 du 2 août 2000
Date de publication02 août 2000
Record NumberJORFTEXT000000583643
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Enactment Date27 juillet 2000

60 députés ayant déféré la loi modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision le 27 juillet 2000 : il a suivi l'essentiel de l'économie des observations du Gouvernement, validant la majorité des dispositions de la loi déférée.
- Le Conseil rejette, d'abord, les deux griefs liés à l'irrégularité de la procédure législative. D'une part, la lettre rectificative du Premier Ministre a été, conformément à l'article 39 de la Constitution, déposée sur le bureau de l'Assemblée Nationale, dépôt précédé de la délibération du Conseil des Ministres et de l'avis du Conseil d'Etat. La procédure a donc été, juge le Conseil, parfaitement respectée : le moyen des requérants manque ainsi en fait. D'autre part, les amendements adoptés n'ont pas outrepassé les limites du droit d'amendement résultant des dispositions combinées des articles 39 et 45 : ils ont été adoptés avant la réunion de la Commission mixte paritaire et présentent tous un lien avec le texte. Aussi, les modifications apportées n'excédent pas, par leur objet ou leur portée, les limites inhérents au droit d'amendement.
- Le Conseil précise les normes de constitutionnalité applicables, que le législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, doit veiller à sauvegarder. En premier lieu, conformément à l'article 11 de la DDHC de 1789, il s'agit du pluralisme des courants d'expression socioculturels ; corollairement à cette libre communication des pensées et des opinions, doit être garanti l'exercice par les auditeurs et téléspectateurs, destinataires de la liberté proclamée par l'article 11, de leur libre choix, sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu'on puisse en faire l'objet d'un marché. Ce sont là des objectifs à valeur constitutionnelle.
- Eu égard à ces principes, l'obligation de motivation, au terme de l'article 8 de la loi, par le CSA de ses décisions de nomination du président du conseil d'administration de France Télévision, ainsi que des présidents de société mentionnées à l'article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par l'article 8 de la présente loi, participe à un souci de transparence à même de donner plein effet à ces exigences constitutionnelles. En revanche, l'obligation de publier les auditions et débats du CSA qui se rapportent à ces nominations n'assuraient plus la liberté de parole des membres du Conseil, condition à l'élaboration d'une décision collégiale éclairée, fondée sur la seule prise en compte de l'intérêt général et du bon fonctionnement du service public. Elle constituerait aussi une atteinte au nécessaire respect de la vie privée des personnes concernées. Pour cette raison, cette disposition de l'article 8 est déclarée non conforme à la constitution.
- De même, le Conseil statue sur la non-conformité à la constitution du V de l'article 15 comme ignorant le domaine exclusif de la loi de finances qui ressort de l'article 34 de la constitution : "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique." Aussi n'appartient-il qu'à la loi organique d'imposer une prescription au législateur financier ; la loi ne pouvait fixer une règle relative au contenu obligatoire des lois de finance, d'autant plus que la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision a le caractère d'une taxe parafiscale, dont la perception annuelle ne peut être autorisée que par la loi de finances. En revanche, l'autre moyen dirigé contre l'article 15, accusant le législateur d'avoir, en adoptant cette disposition, empiété sur le domaine réglementaire n'est pas retenu. En effet, le Conseil rappelle qu'il résulte de la combinaison des articles 34, 37 (alinéas 1 et 2) et 41 que n'est pas frappée d'inconstitutionnalité, du seul fait de sa nature réglementaire, une disposition contenue dans une loi, lorsque le Gouvernement ne s'est pas opposé à son insertion, par la voie d'une irrecevabilité, au cours de la procédure parlementaire.
- Les députés avaient vu dans l'article 38 (prévoyant une priorité d'accès des sociétés nationales de programme à certaines ressources radioélectriques de diffusion et de transmission) un "régime discriminatoire en faveur des chaînes publiques pour l'attribution des nouvelles fréquences du numérique terrestre" en méconnaissance des principes d'égalité, de la liberté d'entreprendre et du droit communautaire. Une fois passées en revue les différentes dispositions de la loi liées à la diffusion tant analogique que numérique et au régime d'attribution prioritaire de la ressource radioélectrique, le Conseil conclue que cette priorité d'accès des sociétés nationales de programme s'avère strictement encadrée et que la différence de traitement au profit des sociétés publiques trouve sa justification dans les missions de service public leur incombant et dont les finalités sont strictement définies par la présente loi. Le Conseil émet toutefois une réserve : il faut que cette priorité soit appliquée sous le strict contrôle des autorités administratives et juridictionnelles compétentes dans le respect du droit communautaire de la concurrence. Dans ces conditions, le grief est, là aussi, rejeté.
- Le Conseil ne voit pas non plus dans les dispositions des articles 58 et 60 liées respectivement aux opérateurs par câble et aux distributeurs par satellite une rupture du principe d'égalité. Pour lui, l'article 60, soumettant à un régime de déclaration les distributeurs de services par satellite, tandis que l'article 58 maintient cette même obligation pour les câblo-opérateurs, ne fait que rapprocher les régimes juridiques applicables aux deux modes de distribution, tout en tirant les conséquences d'une différence de situation en rapport direct avec l'objectif de préservation du pluralisme qui incombe au législateur. Le traitement différentié des distributeurs par satellite et des câblo-opérateurs est pleinement justifié. De même, les dispositions de l'article 38 dérogatoires pour la Polynésie française se justifient pleinement compte tenu de l'étendue et des particularités géographiques de ce territoire. Les deux griefs contre les articles 58 et 60 sont rejetés.
- Le Conseil estime aussi qu'en maintenant à 49% du capital ou des droits de vote, pour une société éditant un service de télévision numérique à vocation nationale (art 65 et 66), la part maximale qu'une même personne physique ou morale peut détenir, le législateur n'a pas porté à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif constitutionnel du pluralisme. Il n'appartient pas au Conseil, il lui semble, de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. En l'espèce, faisant un contrôle de proportionnalité, les limitations apportées par le législateur au principe constitutionnel de liberté d'entreprendre ne sont pas excessives au regard de l'objectif constitutionnel du pluralisme. Surtout, dans un contexte technique où la ressource radioélectrique demeure limitée, le Conseil estime qu'il est justifié de prévenir, par des mécanismes appropriées, le contrôle par un actionnaire dominant d'une part trop importante du paysage audiovisuel. Le législateur, en appliquant au secteur de la diffusion numérique un certain nombre des règles relatives à la diffusion analogique, a fait un usage normal de son pouvoir d'appréciation. Le Conseil n'identifie pas non plus dans la disposition selon laquelle seules les filiales créées par la société France Télévision en vue d'éditer des services de télévision diffusés en mode numérique sont soustraites à la règle de la limitation de le part de capital pouvant être détenue par une même personne physique ou morale une méconnaissance du principe d'égalité. Leur mission de service public justifie cette différence de traitement. Le grief est rejeté.
- En revanche, le conseil frappe de non conformité à la constitution le VI de l'article 71 (pour les sociétés privées) et le 1 du II de l'article 72 (pour les sociétés publiques) obligeant le CSA à ordonner l'insertion dans les programmes d'un communiqué en cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore ou de télévision. Si le Conseil rappelle qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une autorité administrative ait un pouvoir de sanction, dès lors que celui-ci est assorti par la loi des droit et libertés constitutionnellement garantis, il estime qu'en l'espèce, le caractère systématique de la sanction méconnaît le principe de nécessité des peines résultant de l'article 8 de la DDHC. En interdisant au CSA d'adapter, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce, la répression à la gravité du manquement reproché, le législateur n'a pas respecté un principe constitutionnel. Pour autant, le VIII de l'article et le III de l'article 72, son corollaire pour les sociétés nationales de programme, qui abrogent l'obligation faite au CSA de recourir à l'intervention d'un membre de la juridiction administrative comme rapporteur en cas de procédure de sanction, ne sont pas contraires à la constitution. En effet, cette abrogation du législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, n'ôte aucune garantie constitutionnelle ; en particulier, le respect des droit de la défense est assuré, la décision du CSA doit être motivée et peut toujours faire l'objet d'un recours de pleine juridiction auprès du Conseil d'Etat. L'article 11 n'a donc pas été méconnu par le législateur.
- Enfin, le Conseil sanctionne le législateur pour avoir pris une disposition pénale trop...

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