Mémoire en réplique présenté par les députés signataires du recours dirigé contre la loi relative aux organismes génétiquement modifiés

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0148 du 26 juin 2008
Record NumberJORFTEXT000019066321
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication26 juin 2008

Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, les observations du Gouvernement sur la saisine critiquant la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), adoptée le 22 mai 2008, appellent, sans revenir sur l'ensemble des arguments du recours, la brève réplique suivante.
I.-Sur la procédure législative :
Comme le reconnaît lui-même le Gouvernement, la discussion en CMP aurait dû porter sur l'ensemble du texte : puisque l'adoption de la question préalable a conduit au rejet de l'ensemble du texte, c'est donc l'ensemble du texte qui restait en discussion. Or, non seulement le président de la CMP a refusé de rouvrir une discussion sur les articles adoptés préalablement par l'Assemblée nationale et le Sénat (rapport de la CMP n° 891 Assemblée nationale, n° 335 Sénat) mais encore il a empêché les membres de la CMP de présenter des amendements, notamment sur l'article 1er, qui avait été adopté par le Sénat dans une rédaction différente de celle adoptée par l'Assemblée nationale. Cette rédaction issue du Sénat, qui, objectivement, restait en discussion », n'a donc pu ni être discutée ni, le cas échéant, être amendée.
En conséquence, les parlementaires ont été privés de leur droit d'amendement en violation flagrante et manifeste de l'article 44 de la Constitution.
La décision n° 95-370 DC du 30 décembre 1995 ne saurait, en effet, constituer une référence pertinente, même par analogie. Le Conseil avait considéré que le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d'amendement conféré aux parlementaires par l'article 44 de la Constitution, et que, parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ». Le Conseil avait ajouté que cette double exigence implique qu'il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits ». Comme le reconnaît d'ailleurs le Gouvernement, le Conseil constitutionnel n'avait pas jugé contraire à l'article 44 le rejet par un seul vote de plusieurs amendements déposés au motif qu'il avait été fait un usage manifestement excessif » du droit d'amendement. Seuls les excès manifestes de l'utilisation du droit d'amendement sont donc sanctionnés par le Conseil constitutionnel, puisque sa décision ne valait que dans les conditions où » le rejet est intervenu.
Il convient de rappeler à cet égard les circonstances précises du déroulement de la CMP chargée de proposer un texte sur le projet de loi autorisant le Gouvernement à réformer la protection sociale, au regard desquelles le Conseil avait apprécié la régularité de la procédure législative. En effet, devant la CMP réunie le 18 décembre 1995, 280 amendements avaient été déposés. La CMP a rejeté par un vote global 83 amendements avant l'article 1er, puis, ensuite, sur chaque article, elle a rejeté plusieurs amendements par plusieurs votes : trois votes pour rejeter 9 amendements à l'article 1er, un vote rejetant 31 amendements à l'article 1er, 1°, un vote pour rejeter 21 amendements à l'article 1er, 2°, il a été procédé de même article par article (rapport de la CMP n° 2451 Assemblée nationale, n° 145 Sénat).
Le déroulement de la CMP portant sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés ne saurait être comparable. Aucun amendement n'a pu être exposé et présenté, aucun vote n'est intervenu sur la recevabilité de ces amendements, ni en les regroupant par article, ni globalement. De plus, contrairement aux circonstances de la décision du 30 décembre 1995, les amendements proposés n'avaient, ni par leur nombre ni par leur ampleur, pour objet de retarder l'adoption de la loi. Les requérants souhaitaient présenter devant la CMP une nouvelle rédaction de l'article 1er, soit une vingtaine d'amendements. Régulièrement proposés, puisque l'usage de la discussion en CMP veut que les amendements soient appelés à chaque article ou alinéa, la nouvelle rédaction de l'article 1er et les amendements, qui figurent en annexe à la présente réplique, avaient pour seul objet de permettre une discussion notamment sur l'article 1er dont la rédaction était différente entre le Sénat et l'Assemblée nationale, discussion qui n'a jamais eu lieu. Alors que MM. Peiro et Martin notamment ont explicitement, à plusieurs reprises, souhaité présenter ces amendements, le président de la CMP est directement passé au vote sur les articles 1er A, 2, 3A, 3B, 3, 4, 5, 6, 6 bis, 7, 8A, 8, 9, 10, 11, 11 bis A, 11 bis, 11 ter, 12, 13, 14 et 15, puis sur l'article 1er précédemment réservé. Refusée dans le cadre de la CMP, la discussion n'était effectivement plus possible après, puisque, selon l'article 45 de la Constitution, lorsque le texte de la CMP est ensuite soumis à l'Assemblée nationale, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement ».
Il résulte de ces irrégularités successives que le droit d'amendement des parlementaires n'a pas été respecté portant ainsi une atteinte grave à l'article 44 de la Constitution et, selon les termes mêmes du Conseil dans sa décision du 30 décembre 1995, au bon déroulement du débat démocratique et, partant, au bon fonctionnement des pouvoirs publics ».
Il convient de souligner en outre que si l'adoption de la question préalable devait entraîner le renvoi du texte devant une CMP où de facto les parlementaires n'auraient plus le droit d'amendement, cette motion de procédure pourrait être détournée de son sens et ainsi systématiquement utilisée pour empêcher l'examen des articles par l'Assemblée nationale et l'exercice du droit d'amendement.
Par ailleurs, le Gouvernement ne fournit pas de réponse sur la violation invoquée de l'article 88-4 de la Constitution et de l'article 151-4 du règlement de l'Assemblée nationale. Sans reprendre les arguments développés dans la saisine, il suffit de rappeler que l'article 151-4 du règlement de l'Assemblée nationale constitue, de manière évidente, le prolongement nécessaire d'une disposition de la Constitution, à savoir l'article 88-4 de la Constitution. En outre, l'article 88-4 dans son alinéa 2 fait explicitement référence aux modalités fixées par le règlement de chaque assemblée ». Par conséquent, conformément aux principes établis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la violation de cette disposition du règlement de l'Assemblée nationale constitue en l'espèce une inconstitutionnalité de la procédure législative suivie.
II.-Sur l'article 2 :
Selon le Gouvernement, la loi aurait adopté une définition suffisamment précise du sans OGM » dans la mesure où la référence à la définition communautaire a pour conséquence que ne pourront être qualifiés de " sans OGM ” que des produits dans lesquels la proportion d'OGM sera inférieure à 0, 9 %, qui est le seuil à partir duquel les produits OGM sont soumis à une obligation d'étiquetage ». Or, à supposer que le seuil d'étiquetage soit la référence pertinente pour définir un produit sans OGM, il ressort clairement des débats parlementaires que ce seuil de 0, 9 % n'était pas celui auquel se référait le Gouvernement : le texte, déclare Jean-Louis Borloo, ne prend pas position et ne rend évidemment pas automatique la présence de 0, 9 % et le seuil de détection à l'analyse ; les choses sont parfaitement claires ». Et, aujourd'hui, dans ses...

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