Mémoire en réplique présenté par les sénateurs signataires du recours dirigé contre la loi relative à la représentation des Français établis hors de France

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0169 du 23 juillet 2013
Record NumberJORFTEXT000027735947
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication23 juillet 2013



Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les conseillers,
Les sénateurs auteurs de la saisine sur la loi relative à la représentation des Français entendent apporter des observations complémentaires, en réplique au mémoire que le Gouvernement a adressé au Conseil constitutionnel.
Les auteurs du recours maintiennent leurs précédents arguments et jugent opportun de répliquer aux observations du Gouvernement tant sur les dispositions précisées dans le mémoire initial et d'apporter les précisions suivantes sur la question du découpage des circonscriptions.


I. - Refus d'une information complète des électeurs


Sur le refus d'une information complète des électeurs par les moyens traditionnels, en particulier, la transmission de la profession de foi des électeurs, les observations du Gouvernement ne répondent pas clairement sur le cas des nombreux Français de l'étranger qui ne disposent pas d'internet (particulièrement les personnes âgées), ne peuvent y accéder dans certains pays ou rencontrent des difficultés pour s'en servir à l'occasion d'une élection. Il est, par ailleurs, avéré que, lors des élections précédentes de l'AFE ou des députés, de nombreux électeurs, particulièrement ceux qui disposaient d'un système Apple, soit n'ont pu voter par internet, soit n'ont pu le faire qu'au prix de téléchargements d'applets java qui sont loin d'avoir toujours fonctionné. Dès lors qu'un nombre important d'électeurs seraient appelés à voter sans connaître les programmes des candidats, il est porté atteinte gravement au droit des électeurs à l'information, et donc à la sincérité du scrutin qui implique la clarté du choix de l'électeur. Avec cette loi, il ne fait aucun doute que l'information des électeurs ne sera pas garantie par la puissance publique, mais fonction du matériel informatique des électeurs. Le Gouvernement ne peut à la fois soutenir une volonté d'appliquer le droit commun électoral, constamment affirmée lors des débats, et s'en affranchir lorsqu'il s'agit du droit constitutionnel de l'électeur à l'information.
Le coût des élections précédentes ne saurait être invoqué pour priver les électeurs de l'information à laquelle ils ont droit car il ne s'agit pas d'un argument constitutionnel. Les pouvoirs publics sont tenus d'engager les crédits nécessaires dès lors qu'il s'agissait d'une élection se déroulant à l'étranger. On n'imagine pas, en France, une réduction de l'information des électeurs, motivée par le seul coût du matériel et des communications. Si l'argument du coût devait être invoqué, il y aurait un traitement discriminatoire entre électeurs selon qu'ils résident en France ou à l'étranger.


II. - La nouvelle forme de vote


1. Absence de réponse véritable sur le caractère législatif des règles devant présider au transport des enveloppes contenant les bulletins
Les observations du Gouvernement éludent en réalité la question du domaine législatif ou réglementaire des modalités essentielles de la nouvelle forme de vote. Nous maintenons, par conséquent, les arguments de notre mémoire sur ce point particulièrement important.
Il est clair que les enveloppes de scrutin disparaissent du paysage législatif durant tout leur transport du poste diplomatique ou consulaire jusqu'à leur arrivée dans les bureaux de vote, soit à Paris, soit, pour l'élection des conseillers consulaires, au chef-lieu de la circonscription. Aucune garantie législative de contrôle démocratique du sort de ces bulletins n'est prévue par la loi votée durant toute cette période de transport.
Certes, il est allégué que des membres du personnel diplomatique ou consulaire transporteront les bulletins. Mais cette assurance n'est pas une garantie essentielle de ce mode de vote inédit. Or, la loi est totalement muette même sur la qualité de la personne chargée du transport. Il n'est même pas précisé que le transporteur devra être de nationalité française. Ni le grade ni la qualité précise du transporteur (fonctionnaire, agent public ou particulier) ne sont précisés. En 1977, le Sénat avait estimé que, compte tenu de l'importance du domaine électoral, le transport ne pouvait être confié qu'à des magistrats et non à des fonctionnaires malgré la présomption de probité qui s'attache naturellement à la qualité de membre du corps diplomatique ou consulaire.
L'épisode des urnes baladeuses de 1977 montrent que le Parlement a été très préoccupé par une telle absence de contrôle, le président de la commission des lois du Sénat, M. Jozeau-Marigné, estimant, au nom de la commission, que cette question du contrôle du transport ne pouvait être traitée que par la loi et refusant qu'elle le soit par décret. Le rapporteur de l'Assemblée nationale et M. Forni, s'exprimant au nom du groupe socialiste, formulaient les plus expresses réserves sur un tel transport sans contrôle. Ce rapporteur estimant, d'ailleurs, que les résultats du scrutin, si le transport des urnes devait être accepté, seraient jugés problématiques et douteux par l'opinion.


2. Absence de contrôle démocratique
du transport des enveloppes


Les observations du Gouvernement se réfèrent, pour l'élection des conseillers consulaires, à l'article L. 67 du code électoral qui s'appliquerait à toutes les opérations de vote, y compris le transport des enveloppes. Toutefois, l'article L. 67 ne prévoit ce contrôle que « dans tous les locaux où s'effectuent ces opérations ». Il s'agit, aux termes du premier alinéa de cet article, des opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix. Le transport de bulletins de l'étranger en France n'est absolument pas prévu par cet article. Un avion, une voiture, le train ou un bateau ne sont pas des locaux où s'effectuent les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix au sens de l'article L. 67 du code. Au demeurant, l'article L. 67 n'est déclaré applicable par l'article 29 ter que « sous réserve des dispositions du présent titre ».
C'est d'ailleurs pour répondre en partie à cette objection que le dernier alinéa de l'article 33 octies dispose que « Chaque liste peut désigner, auprès du bureau de vote réuni au ministère des affaires étrangères ainsi que dans chaque ambassade ou poste consulaire où le vote a lieu, un délégué chargé de suivre l'ensemble des opérations de vote. » En effet, l'article L. 67 du code ne visait pas expressément les lieux et conditions de conservation des bulletins entre le moment où l'électeur remet son enveloppe de scrutin au poste diplomatique ou consulaire et celui où l'enveloppe est amenée du poste à Paris ou au chef-lieu de circonscription pour le recensement général des votes.
Le dernier alinéa de l'article L. 67 aurait été inutile si cette phase de la consultation n'était pas totalement distincte de ce qui se pratique sur le territoire français. Nous estimons d'ailleurs que les règles de conservation des enveloppes avec les bulletins durant cette phase entre la remise de l'enveloppe par l'électeur jusqu'au départ du pli contenant l'ensemble des enveloppes, relèvent du domaine de la loi, s'agissant d'une modalité substantielle de ce mode de vote et non pas d'un simple détail d'application.
Or, on ne peut que constater que le dernier alinéa de l'article 33 octies relatif au...

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