Observations du Gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel en date des 3 et 4 décembre 1997 par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°297 du 23 décembre 1997
Record NumberJORFTEXT000000752317
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication23 décembre 1997

LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE POUR 1998

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adoptée le 2 décembre 1997, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés ainsi que par plus de soixante sénateurs. Pour contester ce texte, les auteurs des saisines invoquent huit séries de griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - Sur la procédure d'adoption de la loi

A. - A l'appui de leurs conclusions tendant à faire déclarer l'ensemble de la loi contraire à la Constitution, les députés, auteurs de la première saisine, soutiennent qu'elle a été votée selon une procédure non conforme aux exigences constitutionnelles. Ils font valoir que les documents annexés au projet de loi n'auraient pas été mis à la disposition des députés dans les délais prescrits.

Ils en déduisent qu'ont été méconnues les prescriptions de la loi organique du 22 juillet 1996, et plus précisément celles qui ont été insérées à l'article LO 111-6 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles les annexes prévues à l'article LO 111-4 doivent être déposées sur le bureau de l'assemblée « au plus tard le 15 octobre ».

B. - Contrairement à ce qu'ils soutiennent, la procédure d'adoption de la loi ne peut être considérée comme irrégulière. Non seulement le Gouvernement a respecté la date limite de dépôt du projet de loi, du rapport et des annexes prévues par l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, mais il a fait en sorte que les députés disposent du projet de loi et du rapport annexé avant même que les délais constitutionnels d'examen de ce texte ne commencent à courir.

Il importe en effet de souligner que l'article LO 111-6 du code de la sécurité sociale dispose que le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, y compris le rapport et les annexes, est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale au plus tard le 15 octobre ou, si cette date est un jour férié, le premier jour ouvrable qui suit. Ainsi, et à la différence de l'article 38 de l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 prescrivant que les projets de lois de finances doivent être déposés et distribués avant une date fixe, l'article LO 111-6 ne prévoit qu'une obligation de dépôt pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale et ne vise en aucune manière leur distribution.

Conscient néanmoins de la nécessité d'assurer l'information des parlementaires, le Gouvernement a souhaité leur permettre de disposer dans les meilleurs délais du texte du projet de loi et du rapport annexé. Ces documents ont donc été déposés dès le 8 octobre sur le bureau de l'Assemblée nationale, ce qui a permis leur mise en distribution le 13 octobre, comme en atteste le document parlementaire lui-même.

Les annexes prévues au II de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale ont, elles, été déposées le 15 octobre. Les délais fixés par l'article 47-1 de la Constitution ont donc commencé à courir à compter de cette date, alors que le projet de loi et son rapport étaient déjà distribués depuis deux jours.

Par ailleurs, et contrairement à ce qu'affirment les auteurs de la saisine, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale en séance publique n'a pas commencé le 21 octobre mais seulement le 27 octobre. On relèvera en outre que le feuilleton de l'Assemblée nationale du 16 octobre indique, comme le reconnaissent les auteurs de la saisine, la mise en distribution des annexes à la date du 15 octobre. En admettant même qu'un délai de six jours se soit écoulé avant que soit effective la distribution de ces documents à l'ensemble des députés, il n'aurait en aucune manière privé ces derniers de leurs prérogatives en matière d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Or, et ainsi que le juge le Conseil constitutionnel s'agissant de la question, analogue, du dépôt des annexes à la loi de finances, l'essentiel est que le Parlement n'ait pas été privé « de l'information à laquelle il a droit pendant toute la durée du délai dont il dispose pour l'examen de la loi... » (no 82-154 DC du 29 décembre 1982).

Tel a bien été le cas en l'espèce : la référence faite par les rapports des commissions à ces documents, la teneur des débats en séance publique et le nombre d'amendements examinés, qui étaient recevables jusqu'à l'ouverture de la discussion générale en séance publique, soit le 27 octobre dans l'après-midi, témoignent du caractère suffisant de l'information mise à la disposition des députés.

II. - Sur le rattachement de certaines dispositions

au domaine des lois de financement de la sécurité sociale

A. - Selon les députés auteurs de la première saisine, trois articles de la loi adoptée auraient été insérés en méconnaissance des dispositions régissant le domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Tel serait d'abord le cas de l'article 21 relatif au montant de la base mensuelle de calcul des allocations familiales au titre des années 1996 et 1997. Il en irait de même pour l'article 27, qui tend à valider la cotation des actes de scanographie passés depuis 1991. Enfin, les saisissants estiment qu'est également étranger au domaine des lois de financement l'article 31 relatif à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

A l'appui de leurs conclusions dirigées contre ces dispositions, les requérants font essentiellement valoir qu'elles ont été adoptées en méconnaissance des prescriptions de l'article LO 111-3, dont le III prévoit que la loi de financement ne peut contenir, outre celles prévues au I du même article, que des dispositions « affectant directement l'équilibre financier » des régimes ou « améliorant le contrôle du Parlement sur l'application » de ces lois.

B. - Ce grief ne peut être accueilli.

1. S'agissant de l'étendue du domaine des lois de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement entend, à titre liminaire, souligner les limites que rencontre inévitablement l'exercice de transposition des règles dégagées en matière de loi de finances, auquel se livrent les saisissants.

Il est exact que la notion d'affectation directe de l'équilibre fait a priori obstacle à que soient insérées dans la loi des dispositions qui n'auraient pas d'incidence certaine sur l'équilibre présenté. Mais, en admettant même que la définition ainsi donnée par le législateur organique doive s'interpréter, compte tenu des termes de la Constitution, comme devant concerner les « conditions générales de l'équilibre financier » de la sécurité sociale, il importe de tenir compte des différences de nature et de structure entre le budget de l'Etat et les comptes sociaux tels qu'ils sont présentés par la loi de financement de la sécurité sociale.

Alors que le premier constitue un ensemble de comptes homogènes, qui sont agrégés en recettes et en dépenses dans un « tableau d'équilibre » faisant apparaître un solde général ayant un sens comptable précis, il en va différemment pour la loi de financement de la sécurité sociale, qui ne comporte pas, quant à elle, d'état agrégé. Elle retrace les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses selon une présentation qui est logique, mais qui traduit le fait que les termes « la sécurité sociale » recouvrent un ensemble de régimes gérés par des personnes morales indépendantes les unes des autres, dont les dépenses et les recettes ne sont ni substituables ni fongibles : la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas gouvernée, comme l'est le budget de l'Etat, par un principe d'unité.

Aussi la recherche de l'équilibre financier de la sécurité sociale prend-elle le plus souvent la forme de mesures ou d'ensemble de mesures concernant tel ou tel régime, voire telle ou telle branche, et plus rarement celle de mesures générales comme en connaît la politique budgétaire. Cette spécificité fait obstacle à ce que les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale soient appréciées de manière globale : c'est plutôt au regard du solde de chacun des régimes que doit être évalué l'impact des dispositions de la loi.

2. Au regard de ces principes, le Gouvernement considère que les articles critiqués ont bien leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

a) S'agissant en premier lieu de l'article 21 relatif au montant de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) au titre des années 1996 et 1997, on observera d'abord que la question de la recevabilité de l'amendement qui est à l'origine de cette disposition n'a pas été débattue dans les conditions qu'implique le dernier alinéa de l'article LO 111-3, c'est-à-dire selon les formes définies par l'article 121-2 du règlement de l'Assemblée nationale (voir en ce sens la décision no 96-384 DC du 19 décembre 1996).

Les requérants ne peuvent donc soumettre directement cette question au Conseil constitutionnel.

Subsidiairement, il y a lieu de souligner que l'article 21 a pour objet d'éviter que le contentieux relatif à la revalorisation, pour 1995, des bases mensuelles de calcul des allocations familiales mentionnée à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale n'ait, pour les années suivantes, des répercussions préjudiciables à l'équilibre de la branche famille. A défaut, la répercussion sur les années 1996 et 1997 du rattrapage opéré pour 1995 aurait eu un coût de l'ordre de 3,5 milliards de francs.

Il est clair qu'une telle mesure est de nature à affecter directement l'équilibre financier de la branche famille. Comme telle, elle pouvait être insérée dans la loi de financement de la sécurité sociale, en application de l'article LO 111-3.

b) En deuxième lieu, l'article 27, qui tend à valider la cotation des actes de scanographie passés depuis 1991, a pour objet d'éviter que l'annulation par le Conseil d'Etat des décisions réglementaires portant tarification des actes de scanographie n'ait des conséquences préjudiciables sur l'équilibre des régimes d'assurance maladie. L'impact de cette mesure pouvant être...

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