Observations du Gouvernement sur la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0024 du 28 janvier 2017
Record NumberJORFTEXT000033935306
Date de publication28 janvier 2017


Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - Sur l'article 39


A. - L'article 39 autorise le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de l'éducation relatives aux établissements privés d'enseignement scolaire afin de remplacer les régimes de déclaration d'ouverture préalable par un régime d'autorisation.
Les députés et les sénateurs auteurs des saisines soutiennent que ces dispositions portent atteinte à la liberté de l'enseignement et à la liberté d'association.
B. - Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
1. Le Conseil constitutionnel juge que le principe de la liberté de l'enseignement, notamment rappelé à l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision n° 77-87 DC, cons. 3).
La liberté de l'enseignement n'est cependant pas entendue comme un principe absolu comme le montre la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les conditions dans lesquelles les établissements privés d'enseignement peuvent conclure des contrats d'association avec l'Etat.
Le Conseil constitutionnel veille au respect du caractère propre des établissements d'enseignement privés qui sont liés à l'Etat par un contrat d'association (décision n° 84-185 DC, cons. 9 à 13). Mais il a jugé que le principe de la liberté d'enseignement ne s'oppose pas à ce que les crédits affectés à la rémunération des personnels d'enseignement privé sous contrat présentent un caractère limitatif (décision n° 84-184 DC, cons. 48 et 49). De même, ce principe ne s'oppose pas à ce que l'aide financière de l'Etat aux établissements d'enseignement privés soit subordonnée à la condition que les maîtres soient nommés par accord entre l'Etat et la direction de l'établissement privé (décision n° 84-185 DC) et à ce que l'aide des collectivités publiques aux établissements d'enseignement privés varie suivant selon la nature et l'importance de leur contribution à l'accomplissement de missions d'enseignement (décision n° 93-329 DC, cons. 27).
2. Les ouvertures des établissements privés d'enseignement ont toujours été soumises à un contrôle préalable de l'administration.
L'article 64 de la loi du 15 mars 1850 a prévu que le recteur, le préfet et le procureur de la République pourraient s'opposer à l'ouverture d'un établissement privé d'enseignement secondaire dans un délai d'un mois à la suite du dépôt de sa déclaration dans l'intérêt des mœurs publiques ou de l'hygiène et que l'ouverture de cet établissement ne pourrait intervenir qu'après ce délai d'un mois. Le même principe de pouvoir d'opposition a été repris par l'article 38 de la loi du 30 octobre 1886 pour les établissements primaires et par l'article 26 de la loi du 25 juillet 1919 pour les établissements techniques même si les délais et les critères qui peuvent justifier l'opposition ne sont pas définis de manière uniforme.
Ainsi, conformément à une tradition juridique constante, l'ouverture d'un établissement privé d'enseignement n'est pas soumise à un régime de déclaration simple mais à un régime prévoyant un pouvoir d'opposition préalable de l'administration. Un tel régime repose, en réalité, sur une décision tacite de non-opposition. Il s'apparente déjà à un régime d'autorisation préalable.
L'existence d'un tel régime se conçoit aisément compte tenu des enjeux qui s'attachent à la protection des enfants qui doivent être pris en charge au sein de ces établissements. Le principe fondamental reconnu par les lois de la République de liberté de l'enseignement est donc assorti d'un contrôle préalable de l'administration avant l'ouverture d'un établissement privé d'enseignement.
A cet égard, le parallèle avec le principe de la liberté d'association est éclairant. Alors que la liberté d'association exclut, en principe, que la constitution d'une association soit soumise pour sa validité à une intervention préalable de l'autorité administrative, l'ouverture d'un établissement privé d'enseignement scolaire a toujours été soumise à une procédure de déclaration assortie d'un délai de latence, réservant la possibilité pour l'administration de s'opposer à cette ouverture pour l'un des motifs limitativement énumérés par la loi et tirés des exigences qui se rattachent à la protection des enfants.
L'on peut noter qu'il en va différemment pour les établissements d'enseignement supérieur, pour lesquels la loi du 12 juillet 1875 relative à la liberté de l'enseignement supérieur a prévu un régime de déclaration sans organiser simultanément une possibilité d'opposition par l'administration. La comparaison des deux régimes fait bien ressortir la différence existant entre un régime de déclaration simple, dans lequel la fermeture de l'établissement revient en principe au juge, et un régime de déclaration assorti d'une période de latence au cours de laquelle plusieurs autorités peuvent s'opposer à l'ouverture.
Compte tenu des caractéristiques du régime institué par les lois de la République pour l'ouverture des établissements privés d'enseignement scolaire, le passage d'un régime de déclaration assortie d'un pouvoir d'opposition à un régime d'autorisation administrative ne constitue qu'un changement des modalités du contrôle préalable de l'administration. Il ne saurait, dans son principe, être regardé comme contraire à la liberté d'enseignement.
Le Gouvernement a, au demeurant, indiqué, lors des débats parlementaires, que l'ordonnance prévoirait qu'une décision implicite d'acceptation naisse au terme d'un délai de quatre mois ce qui permettra à la fois de garantir les droits des personnes souhaitant ouvrir un établissement d'enseignement et de réduire le risque que l'administration se trouve placée devant un fait accompli, lequel peut être particulièrement préjudiciable pour les enfants scolarisés dans ces établissements dès lors que la procédure permettant d'obtenir leur fermeture est longue et complexe.
Il va de soi, en tout état de cause, que ce système de contrôle préalable devra continuer à reposer sur des motifs objectifs et limitativement énumérés reposant sur des considérations d'ordre public et de protection des enfants scolarisés dans ces établissements.
Le législateur a expressément prévu que l'ordonnance ne pourrait que préciser les motifs pour lesquels les autorités compétentes peuvent refuser d'autoriser l'ouverture.
Le Gouvernement devra donc reprendre les critères issus des lois du 15 mars 1850, du 30 octobre 1886 et du 25 juillet 1919 qui figurent actuellement aux articles L. 441-2, L. 441-7 et L. 441-11 du code de l'éducation. L'habilitation lui permettra d'harmoniser ces critères et de reformuler les notions de « bonnes mœurs » ou d'hygiène en utilisant les notions plus modernes de considérations d'ordre public et de protection de l'enfance. Elle ne permettra pas d'ajouter de nouveaux motifs qui ne se rattacheraient pas à de telles considérations.
Le Gouvernement ne pourra donc, sous le contrôle du Conseil d'Etat, ajouter de nouveaux motifs qui porteraient atteinte à la liberté de l'enseignement, exigence qui figure d'ailleurs à l'article L. 151-1 du code de l'éducation.
Le législateur a donc précisément défini, en application de l'article 38 de la Constitution, la finalité des mesures qui pourront être prises par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention.
Et, eu égard aux motifs de sauvegarde de l'ordre public et de protection de l'enfance qui pourront fonder un refus d'autorisation d'ouverture d'un établissement d'enseignement privé, comme aujourd'hui une décision d'opposition de l'administration, on ne saurait prétendre que l'article 39 porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'association ou à la liberté d'entreprendre.
L'article 39 est donc conforme à la Constitution.


II. - Sur l'article 70


A. - L'article 70 comporte des dispositions destinées à favoriser un meilleur équilibre dans l'occupation du parc social. Il prévoit notamment de consacrer au moins 25 % des attributions annuelles de logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la ville aux demandeurs appartenant au quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles.
Les députés requérants considèrent que ces dernières dispositions portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
B. - Ce grief ne pourra qu'être écarté.
En instaurant cette règle, le législateur a entendu poursuivre un objectif de mixité sociale.
Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont définis en fonction d'un critère de revenus et correspondent à des quartiers comportant une forte proportion d'habitants à très faibles ressources. Le législateur a donc souhaité que les demandeurs de logements sociaux appartenant au quartile ayant les plus faibles revenus puissent bénéficier de logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la ville. Dans le même temps, il a prévu, au 1° de l'article L. 441-5 du code de la construction et de l'habitation, que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, un objectif d'attribution des logements sociaux à des demandeurs appartenant aux autres quartiles soit fixé, la loi fixant un taux par défaut de 50 %.
Il convient de relever que le taux de 25 % s'appliquera aux attributions réalisées hors quartier prioritaire de la ville. Ainsi, si la part du territoire intercommunal situé en dehors des quartiers prioritaires de la ville est faible ou si le nombre de logements sociaux situés sur cette partie est peu élevé, le nombre de demandeurs appartenant au quartile des demandeurs aux revenus les moins élevés sera faible.
Le législateur a prévu que les taux de 25 % et 50 % puissent être adaptés en fonction de la situation locale. Le taux de 25 % pourra ainsi être modifié par les orientations adoptées par la conférence intercommunale et approuvées par le président...

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