Observations du Gouvernement sur la loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0265 du 15 novembre 2016
Record NumberJORFTEXT000033385432
Date de publication15 novembre 2016


Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - Sur l'article 1er


A. L'article 1er de la loi déférée crée un droit d'opposition pour l'ensemble des journalistes.
Les députés auteurs du recours soutiennent que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en fondant ce droit d'opposition sur la conviction professionnelle du journaliste et que ce droit d'opposition porte atteinte au principe de responsabilité qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
B. Ces griefs sont infondés.
1. L'article 1er étend à l'ensemble des journalistes le droit d'opposition qui existe dans le secteur audiovisuel public.
Ce droit d'opposition a été reconnu pour les journalistes de l'audiovisuel public par un avenant à la convention collective nationale de travail des journalistes conclu le 9 juillet 1983 pour les entreprises du secteur public de l'audiovisuel.
Cet avenant prévoyait qu'un journaliste avait le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer une émission ou une partie d'émission dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté et qu'il ne pouvait être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle. Il prévoyait, dans le même temps, que les journalistes devaient se conformer à la charte des devoirs du journaliste publiée par le Syndicat national des journalistes qui figurait en annexe de l'avenant.
La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a inscrit le droit d'opposition des journalistes de l'audiovisuel public au VI de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986. Cette loi a été examinée par le Conseil constitutionnel qui n'a pas soulevé de grief à l'encontre de ces dispositions (décision n° 2009-577 DC).
L'article 1er crée un article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui étend ce droit d'opposition à tous les journalistes. Dans le cadre de sa relation avec ses employeurs, un journaliste ne pourra être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de la société dans laquelle il travaille.
En adossant le droit d'opposition aux principes déontologiques applicables dans chaque entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, le législateur a entendu protéger la liberté éditoriale des journalistes tout en veillant à ne pas désorganiser le travail des rédactions.
2. La notion de conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique n'est entachée d'aucune ambiguïté.
L'exercice du droit d'opposition implique une appréciation personnelle de la part des journalistes. Mais cette appréciation devra s'appuyer sur le respect des principes inscrits dans la charte déontologique adoptée au sein de la société du journaliste.
La profession s'est dotée de longue date de chartes sur la déontologie du journalisme. Le Syndicat national des journalistes dispose d'une charte des devoirs professionnels des journalistes français publiée en juillet 1918 et révisée en janvier 1938 et en mars 2011. Cette charte comprend des principes clairs et notamment le fait que les journalistes doivent considérer la calomnie, les accusations sans preuves, la déformation des faits et le mensonge comme « les plus graves fautes professionnelles ».
Une déclaration des droits et devoirs des journalistes, dite « charte de Munich », a été adoptée en 1971 par les représentants des fédérations des journalistes de la Communauté européenne ainsi que par les organisations internationales de journalistes.
Elle énonce dix devoirs et cinq droits fondamentaux des journalistes et de leurs employeurs. Parmi ces devoirs figurent le respect de la vérité et de la vie privée ou l'obligation de rectifier toute information qui se révèle inexacte.
Certains journaux ou autres médias ont déjà adapté ces règles de déontologie en adoptant des chartes ou des documents internes spécifiques. C'est précisément ce dispositif que généralise la loi déférée.
Elle impose, en effet, que toute entreprise de presse ou de communication audiovisuelle se dote d'une charte déontologique rédigée conjointement par la direction et les représentants des journalistes avant le 1er juillet 2017. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera amené à contrôler l'existence de ces chartes pour les entreprises de communication audiovisuelle. Et, en application de l'article 20 de la loi déférée, les entreprises de presse devront également conclure ces chartes sous peine de suspension des aides publiques.
Le contrat de travail signé entre un journaliste et l'entreprise entraînera l'adhésion à cette charte déontologique. Le législateur a également complété le code du travail pour prévoir que cette charte déontologique serait remise à l'ensemble des journalistes de la société au moment de leur embauche ou dans le délai de trois mois après son adoption pour les journalistes déjà employés dans l'entreprise.
Le législateur a ainsi précisément défini un cadre permettant de garantir à la fois l'indépendance du journaliste et le bon fonctionnement des rédactions en s'appuyant sur une charte adaptée à chaque entreprise.
Les...

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