Observations du Gouvernement sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0305 du 31 décembre 2017
Record NumberJORFTEXT000036339565
Date de publication31 décembre 2017


Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux recours, émanant chacun de plus de soixante députés, contre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - Les deux recours sont dirigés en premier lieu contre les dispositions de l'article 8, dont il est soutenu qu'elles n'ont pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale, qu'elles sont inintelligibles, que les conditions de leur adoption caractérisent une méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire et qu'elles méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.
Cet article prévoit, d'une part, des mesures d'allègement ou de prise en charge des cotisations sociales et contributions d'assurance chômage pesant sur les revenus d'activité et, d'autre part, une hausse de 1,7 point du taux de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus d'activité et de remplacement, les produits de placement et les revenus du patrimoine, à l'exception des allocations chômage et des indemnités journalières.
1°/ Sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale est contestée, au regard du domaine défini à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, en tant que par ses VI et VII, il prévoit et organise la prise en charge par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) des contributions salariales finançant, en application de l'article L. 5422-9 du code du travail, les allocations d'assurance chômage.
Les règles de financement de l'assurance chômage ne relèvent certes pas, par elles-mêmes, du domaine des lois de financement de la sécurité sociale.
En l'espèce toutefois, la prise en charge, par l'ACOSS et pour l'année 2018, d'une partie des contributions des salariés ne pourra manquer d'avoir un effet sur les dépenses des régimes obligatoires de base. Ainsi qu'en dispose le IV de l'article 26 du projet de loi de finances pour 2018 en cours d'adoption par le Parlement, la mesure s'accompagne de l'affectation à l'ACOSS, à ce titre, d'une fraction égale à 5,64 % du produit de la taxe sur la valeur ajoutée ; comme le prévoit le premier alinéa du VII de l'article 8 de la loi déférée, ce sont les quatre branches du régime général de la sécurité sociale qui assureront l'équilibre financier de l'ACOSS au titre de cette mission et qui supporteront ainsi la charge de l'écart entre le montant de cette fraction, qui n'est que prévisionnel et dont la loi ne prévoit pas qu'il fera l'objet d'un ajustement, et le coût effectif de la prise en charge des contributions salariales d'assurance chômage, qui sont au surplus entendues, pour l'application de ces dispositions, comme les contributions dues et non celles, d'un montant inférieur compte tenu des défauts de recouvrement, qui auraient été effectivement encaissées en l'absence de la réforme. Au regard des montants considérés, des possibilités de variation du rendement de la TVA entre septembre 2017 et décembre 2018 et des incertitudes qui demeurent s'agissant des prévisions de coût de l'exonération de cotisations à prendre en charge, l'existence d'un décalage et d'un effet sur les comptes des branches est donc non seulement certain, mais sera également significatif puisque ainsi une variation de 0,1 % du produit de la TVA crée un écart de près de 150 M€ sur les comptes.
La mesure relevant ainsi du 1° du C du V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, le grief sera écarté.
2°/ Les auteurs de la seconde saisine soutiennent qu'eu égard à son extrême complexité, l'article 8 méconnaît tant l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 (décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. 9), que les exigences découlant de la garantie des droits proclamée par son article 16 (décision n° 2005-530 DC, cons. 77).
Cette appréciation est dépourvue de fondement. La disposition en cause met en œuvre des règles simples dans leur principe, la longueur du texte s'expliquant par les coordinations nécessaires dans différents codes et par les exigences inhérentes à l'entier respect des règles et principes constitutionnels, par exemple, au C du V, en ce qui concerne les modalités d'application dans le temps de la réforme consistant à soumettre certains produits de placement aux contributions sociales au taux en vigueur à la date du fait générateur et non plus selon la règle dite des taux historiques (décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, cons. 13 à 20).
3°/ N'ont pas davantage été méconnues, contrairement à ce qui est allégué dans la première saisine, les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire découlant de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et de l'article 3 de la Constitution (décisions n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. 4 et n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, cons. 5).
Il est en particulier soutenu à cet égard qu'un tel manquement résulterait de ce que les dispositions de l'article 8, dans la mesure où elles concernent l'assurance chômage, auraient dû être soumises à la concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives prévue à l'article L. 1 du code du travail, issu à l'origine de l'article 1er de la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. Outre qu'il est douteux qu'une disposition qui n'affecte ni les droits ni les obligations des salariés au regard du régime de l'assurance chômage, et prévoit seulement la prise en charge de leurs contributions par l'ACOSS, entre dans les prévisions de cet article, il ne saurait en tout état de cause s'en déduire aucune atteinte aux exigences propres à la tenue des débats parlementaires.
4°/ En ce qui concerne, enfin, le principe d'égalité, les deux requêtes fondent leur argumentation sur les transferts de pouvoir d'achat résultant de l'application combinée des deux séries de mesures que comporte l'article 8, sur la CSG, d'une part, sur les cotisations sociales, d'autre part. Seraient traités défavorablement, à cette aune, les inactifs et les fonctionnaires et agents publics, les uns et les autres ne bénéficiant, faute de verser des cotisations d'assurance maladie et d'assurance chômage, d'aucune des mesures de compensation prévues par la loi déférée en contrepartie de la hausse de la CSG, alors que les actifs salariés ou indépendants en retireront un gain net de pouvoir d'achat.
Selon le Gouvernement, ce raisonnement ne saurait être accueilli.
Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, la CSG entre dans la catégorie des impositions de toute nature visées à l'article 34 de la Constitution (CC, 28 décembre 1990, n° 90-285 DC, cons. 9), l'obligation faite par la loi de l'acquitter étant dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servis par un régime de sécurité sociale.
C'est au regard de cette imposition prise isolément que s'apprécie, pour l'application du principe d'égalité devant la loi, la situation des personnes redevables.
Or, d'une part, la hausse du taux de la CSG prévue par l'article 8 de la loi déférée s'applique uniformément, réservant seulement le cas des titulaires de pensions de vieillesse qui, en raison de leurs ressources modestes, bénéficient d'une exonération ou d'un taux réduit de CSG, soit environ 40 % des retraités. La mesure ne méconnaît donc pas le principe d'égalité devant la loi fiscale.
En ce qui concerne, d'autre part, des mesures concernant les cotisations de sécurité sociale, elles ne s'exposent pas davantage à la critique sur le terrain de l'égalité devant la loi.
Les...

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