Observations du Gouvernement sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0189 du 18 août 2015
Record NumberJORFTEXT000031047039
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication18 août 2015


Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - Sur la procédure d'adoption


A. - Les sénateurs requérants soutiennent que la loi a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière en raison de l'absence de vote au sein de la commission mixte paritaire.
B. - La procédure a été régulière et le constat de l'absence de texte commun apparaît bien au compte rendu officiel.
Le Conseil constitutionnel contrôle, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Constitution, si la commission mixe paritaire est parvenue ou non à l'adoption d'un texte commun.
Ainsi, lorsque la commission ne s'accorde ni sur la rédaction, ni sur la suppression d'une des dispositions restant en discussion, elle doit être regardée comme n'étant pas parvenue, au sens du quatrième alinéa de l'article 45, « à l'adoption d'un texte commun ». Et dans un tel cas, le président de la commission mixte ne méconnaît pas les règles constitutionnelles régissant la procédure législative en concluant à l'échec de la commission mixte paritaire (décision n° 2001-454 DC, cons. 2 et 4.).
En revanche, le Conseil constitutionnel n'examine pas la succession des votes durant la réunion d'une commission mixte paritaire (décision n° 2010-618 DC, cons. 2, 5 et 10).
Le Conseil constitutionnel ne peut, en effet, s'immiscer dans le fonctionnement de la commission mixte paritaire qui, comme l'a relevé le commentaire sur la décision n° 2001-454 DC précitée, constitue « l'un des organes les plus centraux et les plus “intimes” du Parlement ».
En l'espèce, il ressort clairement du compte-rendu de la commission mixte paritaire et de l'ensemble des interventions de ses membres que la commission mixte ne pouvait s'accorder sur l'adoption d'un texte commun.
Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel ne pourra que constater que la commission doit être regardée comme n'étant pas parvenue, au sens du quatrième alinéa de l'article 45, à l'adoption d'un texte commun et que le président de la commission mixte paritaire n'a méconnu aucune règle constitutionnelle en concluant à l'échec de la commission mixte paritaire sans procéder à un vote.


II. - Sur l'article 1er


A. - Cet article fixe les objectifs de la politique énergétique. Il prévoit notamment, à l'article L. 100-4 du code de l'énergie, que la politique énergétique nationale a pour objectifs de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2050 et de porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030.
Les députés auteurs du recours estiment que cet article méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qu'il porte atteinte à la liberté d'entreprendre de la société Areva et crée, à son égard, un préjudice anormal et spécial, qu'il méconnaît les articles 3 et 6 de la charte de l'environnement et porte atteinte au droit de propriété de l'entreprise EDF protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B. - Ces griefs ne pourront qu'être écartés puisque les dispositions contestées se rattachent à la catégorie des lois de programmation.
Les critiques des députés requérants sont inopérantes à l'encontre de ces dispositions qui revêtent un caractère programmatique sur un sujet majeur à l'approche de la conférence de Paris sur le climat. La représentation nationale, en adoptant ces dispositions, dote la France d'un modèle énergétique équilibré.
L'article 1er fixe les objectifs de l'Etat dans le domaine énergétique. Ces dispositions relèvent donc, en application du vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, du domaine des lois de programmation.
Les lois de programmation ont remplacé les lois de programme dont le Conseil constitutionnel a jugé qu'elles avaient précisément pour objet de faire approuver par le Parlement des dispositions fixant des objectifs à l'action de l'Etat. Les griefs tirés de ce que les objectifs fixés en loi de programme dans le domaine de la politique énergétique étaient insuffisamment précis et normatifs étaient jugés inopérants (décision n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005, cons. 7).
Le Conseil constitutionnel a repris cette jurisprudence applicable aux lois de programmes pour les lois de programmation en jugeant que les dispositions dénuées de portée normative figurant dans les lois de programmation qui mettent en œuvre le vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution ne sont pas contraires à la Constitution (décision n° 2011-625 DC, cons. 4).
Les projets de loi de programmation doivent être soumis pour avis au Conseil économique, social et environnemental, conformément aux dispositions de l'article 70 de la Constitution, ce qui a été le cas du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Dans ce contexte, on ne saurait reprocher aux dispositions contestées, qui fixent des objectifs équilibrés à la politique énergétique dans le cadre d'une loi de programmation, d'être insuffisamment précises et normatives. Et, du fait même qu'elles fixent des objectifs, on ne saurait utilement soutenir qu'elles méconnaissent des principes constitutionnels.
En tout état de cause, les critiques formulées par les députés dirigés contre les objectifs fixés par la loi sont infondées. Au cours des débats, le Gouvernement a maintes fois répété que le modèle énergétique français n'oppose pas les énergies les unes aux autres.
En premier lieu, il n'existe aucune contradiction entre les différents objectifs énoncés par le législateur.
Ainsi, l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % est compatible avec l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1999 et 2030 et le maintien d'un prix de l'énergie compétitif compte tenu de l'objectif de développement de la part des énergies renouvelables mais aussi de la mise en place de budgets carbone permettant de maîtriser la consommation d'énergie et d'encadrer les émissions de gaz à effet de serre. La France reste parmi les premières puissances nucléaires civiles du monde mais s'engage dans le renouvelable notamment avec les grands acteurs du secteur qui se positionnent sur ces nouveaux marchés nationaux et internationaux.
Il convient, à cet égard, de rappeler que, comme l'a relevé la commission de régulation de l'énergie dans son rapport public « Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine », de fortes baisses de coût de production sont attendues pour l'énergie solaire photovoltaïque (- 28 % en 2020 par rapport à 2012, - 41 % en 2030), mais aussi pour l'éolien en mer (- 23 % en 2020, - 36 % en 2030) et, dans une moindre mesure pour l'éolien terrestre (- 5 % en 2020, - 9 % en 2030). La définition d'un programme énergétique clair et prévisible contribue d'ailleurs à assurer la rentabilité des investissements dans les énergies renouvelables.
En augmentant la part des énergies renouvelables à 40 % de la part de la production électrique produite en France tout en diminuant la part du nucléaire à 50 %, les objectifs retenus permettront à la France de posséder une production d'électricité « décarbonnée » à hauteur de 90 % tout en réduisant la part du nucléaire, ce qui améliorera la sécurité des approvisionnements grâce à la diversification.
Et s'il est vrai que la construction d'installations d'exploitation des énergies renouvelables fait appel à différents métaux (gallium, indium, cadmium, tellure, néodyme, dysprosium, etc.) qui interviennent dans la composition des panneaux solaires ou bien dans celle des aimants des alternateurs, ces ressources sont en très grande partie recyclables. Il n'y a donc aucune contradiction entre la volonté de développer massivement les énergies renouvelables et celle de promouvoir une économie sobre en ressources et privilégiant le recyclage.
En deuxième lieu, l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité ne handicape ni les perspectives de développement d'Areva, ni celles d'EDF. Au contraire, il y aura dans les années qui viennent considérablement plus d'investissements dans les énergies renouvelables. La France doit donc se positionner sur ces deux marchés du nucléaire et du renouvelable et il appartient à l'Etat de veiller à la cohérence de la stratégie des acteurs nationaux avec les objectifs que la représentation nationale donne à la politique de l'Etat.
Ces entreprises resteront mobilisées pour moderniser le parc nucléaire. Le Gouvernement s'est plusieurs fois exprimé sur la possibilité d'engager la construction de nouveaux réacteurs et de moderniser les réacteurs existants, y compris en permettant l'utilisation du combustible MOX dans les centrales nucléaires. Il a par ailleurs annoncé le lancement de recherches dans la nouvelle génération de réacteurs, moins consommateurs de combustibles.
Cet article est donc conforme à la Constitution.


III. - Sur l'article 6


A. - Cet article prévoit qu'à partir de 2030 les bâtiments privés résidentiels doivent faire l'objet d'une rénovation énergétique à l'occasion d'une mutation, selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats. Cette obligation sera mise en application de manière progressive en fonction de la...

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