Observations du Gouvernement sur la loi de finances pour 2018

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0305 du 31 décembre 2017
Date de publication31 décembre 2017
Record NumberJORFTEXT000036339780


Le Conseil constitutionnel a été saisi de trois recours, émanant pour les deux premiers de plus de soixante députés chacun et pour le dernier de plus de soixante sénateurs, contre la loi de finances pour 2018.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I/ Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, la loi de finances déférée méconnaîtrait le principe de sincérité de la présentation des ressources et des charges de l'Etat garanti par l'article 32 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Il sera relevé sur ce point que, dans son avis n° HCFP-2017-4 du 24 septembre 2017 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que les hypothèses faites en matière de recettes étaient prudentes et qu'un « effort visant à une budgétisation plus réaliste » avait été fait sur le budget de l'Etat. Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi de finances, le Gouvernement a notamment tiré les conséquences de l'audit conduit par la Cour des comptes au mois de juin 2017, qui avait mis en lumière 4,2 milliards d'euros de sous-budgétisations sous-jacentes à la loi de finances initiale pour 2017. Il n'y a donc eu aucune intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances, selon le critère de la sincérité fixé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-448 DC du 1er août 2001 (cons. 60).
Le recours identifie plus particulièrement un certain nombre de prévisions de recettes et de dépenses comme « trompeuses et faussées » ; ainsi par exemple en matière de lutte contre la fraude, de transition écologique, d'immigration, ou s'agissant du secteur énergétique public. Ces allégations ne sont, cependant, nullement étayées. Comme l'exige l'article 32 de la LOLF, le Gouvernement s'est fondé sur les informations disponibles et a tenu compte des prévisions qui pouvaient raisonnablement en découler. Quant à l'évaluation des effets des réformes fiscales prévues par le projet, et notamment de l'instauration du prélèvement forfaitaire unique et de l'impôt sur la fortune immobilière, elle a reposé sur les méthodes usuelles.
Le grief sera écarté dans ses différentes branches.
II/ Le I, 6° de l'article 5 de la loi déférée rétablit au sein du code général des impôts (CGI) un article 1414 C pour y prévoir que les redevables de la taxe d'habitation dont le montant des revenus retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu n'excède pas le niveau visé au 2 du II bis ajouté à l'article 1417 par le 8° du même paragraphe - soit la somme de 28 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 500 euros pour chacune des deux premières demi-parts et 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième - bénéficient, pour leur résidence principale, d'un dégrèvement d'office. En vertu des dispositions combinées du 2 du I et du 7° du II de l'article 1414 C, le montant de ce dégrèvement sera égal à 30 % en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020, de la cotisation de taxe d'habitation de l'année d'imposition, déterminée, sauf exceptions, en retenant le taux global d'imposition et les taux ou le montant, lorsqu'ils sont fixés en valeur absolue, des abattements appliqués pour les impositions dues au titre de 2017. Un mécanisme de lissage, en fonction du niveau de revenu, accompagne le dispositif au 3 du I de l'article 1414 C.
Les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs requérants soulèvent, à l'encontre de ces dispositions, deux séries de griefs.
1°/ Le produit de la taxe d'habitation étant affecté aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, il est soutenu en premier lieu qu'elles portent atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Mais ce grief est infondé.
Le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution impose que, dans les conditions fixées par une loi organique, les recettes fiscales et les autres ressources propres représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de leurs ressources ; l'article LO 1114-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) a traduit cette exigence par la règle suivant laquelle, pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003, soit 60,8 % pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale. En 2015, le ratio d'autonomie atteignait pour elles 68,6 %.
Or la mesure critiquée prenant la forme d'un dégrèvement, elle est dépourvue de tout effet sur le montant des ressources propres des communes et de leurs groupements : le fait qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1960, 1 et 1641, I-A-c du CGI, l'Etat se substitue au redevable pour le paiement de tout ou partie de la cotisation de taxe d'habitation ne retire pas à cette dernière son caractère de produit d'une imposition au sens de l'article LO 1114-2 du CGCT (cf. notamment la décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, cons. 25, à propos de la prise en charge, par l'Etat, d'un crédit de taxe professionnelle). Il n'en serait allé différemment que si le législateur avait prévu un dispositif d'exonération, même compensé financièrement pour les collectivités. Tel n'est pas le cas de la loi de finances déférée.
Il y a lieu d'observer en outre que, d'une part, il ne résulte ni de l'article 72-2 de la Constitution, ni d'aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d'une autonomie fiscale (décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 64) et en particulier d'un pouvoir de taux et que, d'autre part et en tout état de cause, les bases imposables sur lesquelles s'exerce le pouvoir de décision des collectivités comprennent celles qui font l'objet d'un dégrèvement. Les dispositions litigieuses n'affectent donc en rien les prérogatives des communes en matière de taxe d'habitation, sans qu'il puisse être utilement soutenu que ce pouvoir sera en pratique affaibli du fait de la moindre acceptabilité politique d'une éventuelle hausse des taux.
2°/ a) Les requérants font encore reproche à la mesure, qui bénéficiera à près de 80 % des foyers fiscaux, d'introduire une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration de 1789. Ils se prévalent notamment de la décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 (cons. 77 et suivants) par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution des dispositions instituant une contribution carbone sur certains produits énergétiques, selon un tarif fixé en fonction de la quantité de dioxyde de carbone émis, mais assorties de régimes d'exemption totale d'une ampleur telle qu'ils créaient une rupture d'égalité.
Ce précédent est cependant dépourvu de pertinence. Contrairement à la contribution carbone, qui avait le caractère d'un impôt incitatif poursuivant un objectif de lutte contre le changement climatique à raison duquel la concentration de la charge fiscale sur des produits n'y contribuant que marginalement était de nature à porter atteinte au principe d'égalité, la taxe d'habitation est pour les communes et leurs groupements un impôt de rendement.
Or il est de jurisprudence constante que le législateur est libre de déterminer le champ d'un impôt de rendement pour autant qu'il se fonde sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les objectifs qu'il s'assigne. Le Conseil constitutionnel a, ainsi, tout récemment rappelé qu'il est loisible au législateur, lorsqu'il institue un tel impôt, de ne pas le faire reposer sur l'ensemble des contribuables à la condition de ne pas créer de différence de traitement injustifiée (décision n° 2017-755 DC du 29 novembre 2017, cons. 33) et il sera rappelé que l'impôt sur la fortune, en raison du seuil de montant de patrimoine, ou la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, du fait du dégrèvement dit « barémique » qui est à la charge de l'Etat, pèsent sur une très faible proportion de foyers ou d'entreprises, respectivement.
S'agissant de la taxe d'habitation elle-même, les données relatives à l'année 2016 font ressortir que, pour 28,18 millions de résidences principales imposables, seuls 54,8 % des redevables la payaient alors à taux plein, 17,6 % n'en payant aucune parce qu'ils étaient exonérés ou bénéficiaient d'un dégrèvement total, les 27,6 % restants bénéficiant d'un dégrèvement partiel. En outre, loin que le critère du revenu soit étranger à la taxe d'habitation, il est d'ores et déjà mis en œuvre pour les régimes d'exonération ou de dégrèvement en vigueur, et n'est pas sans liens avec l'assiette de l'imposition, définie par référence à la valeur locative qui est représentative d'une capacité contributive. Les critères mis en œuvre apparaissent ainsi objectifs et rationnels.
b) Il est également soutenu qu'en faisant peser la charge sur un nombre restreint de contribuables, la réforme fait peser sur eux une charge manifestement excessive au regard de leurs facultés contributives. Mais, d'une part, les dispositions critiquées laissent inchangé le montant de leur cotisation de taxe d'habitation, le mécanisme du dégrèvement n'entraînant qu'une substitution de l'Etat à ceux qui en bénéficient. D'autre part, toute éventuelle hausse des taux serait supportée par l'ensemble des redevables, le dégrèvement nouvellement institué étant calculé sur la base des taux et abattements appliqués pour les impositions dues au titre de 2017.
c) Les députés requérants font valoir que le barème fixé pour bénéficier de la mesure serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'ainsi que cela a été rappelé plus haut, le seuil du revenu fiscal de référence est augmenté de 8 000 euros pour les deux premières demi-parts supplémentaires mais de 6 000 euros seulement à compter de la troisième demi-part. Mais outre...

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