Observations du Gouvernement sur la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0181 du 7 août 2015
Record NumberJORFTEXT000030980969
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication07 août 2015


Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - Sur la procédure d'adoption de la loi


A. - Les députés auteurs du recours considèrent que l'étude d'impact jointe au projet de loi est insuffisante et qu'en utilisant son droit d'amendement pour introduire des articles dans le projet de loi, le Gouvernement s'est dispensé de l'obligation d'étude d'impact. Ils soutiennent également que les temps de parole impartis pour l'examen du projet de loi en séance publique en première lecture étaient insuffisants. Ils font valoir que l'examen du projet de loi en lecture définitive s'est fait sans règles claires en commission. Ils considèrent enfin que l'engagement, par le Premier ministre, de la responsabilité du Gouvernement, en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, avant toute discussion en séance publique a privé les députés de tout débat de fond sur des amendements intégrés au texte en nouvelle lecture et en lecture définitive.
B. - Le Gouvernement estime que ces griefs ne sont pas fondés.
1. Sur les griefs relatifs à l'étude d'impact.
Pour soutenir que l'étude d'impact jointe au projet de loi était insuffisante, les députés requérants se bornent à faire valoir que le Conseil d'Etat a indiqué, dans son avis sur le projet de loi, qu'il avait estimé que l'étude d'impact était encore lacunaire lorsqu'il en a été saisi. Mais, comme l'indique lui-même l'avis du Conseil d'Etat, l'étude d'impact a été complétée avant la saisine du Parlement.
La conformité de l'étude d'impact aux prescriptions de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution doit être contrôlée au moment de l'inscription d'un projet de loi à l'ordre du jour du Parlement. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le législateur organique pouvait subordonner l'inscription d'un projet de loi à l'ordre du jour de la première assemblée saisie au dépôt d'une étude d'impact mais ne pouvait imposer au Gouvernement de justifier de la réalisation de cette étude d'impact dès le début de l'élaboration des projets de loi (décision n° 2009-579 DC, cons. 13).
Il est donc loisible au Gouvernement de compléter l'étude d'impact du projet de loi en tenant compte notamment des remarques du Conseil d'Etat.
Tel a été le cas en l'espèce. Et il n'est d'ailleurs pas contesté que le contenu de l'étude d'impact déposée devant le Parlement répond aux prescriptions de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009.
Ainsi, le grief tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ne pourra qu'être écarté.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel juge que les griefs tirés de la méconnaissance des exigences relatives à la présentation des projets de loi sont inopérants à l'encontre d'articles introduits sur amendement (décision n° 2010-618 DC, cons. 4, 7 et 8).
Ainsi, le grief tiré de ce que le Gouvernement aurait méconnu les exigences relatives à la présentation d'une étude d'impact en déposant des amendements dans l'exercice du droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est inopérant (décision n° 2014-690 DC, cons. 48).
2. En ce qui concerne les temps de parole.
La Conférence des présidents a décidé d'appliquer à la discussion du projet de loi en première lecture la procédure du temps législatif programmé prévue à l'article 49 du règlement de l'Assemblée nationale. Elle a fixé le temps de parole attribué à l'ensemble des groupes à cinquante heures.
Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions sur le temps législatif programmé étaient conformes à la Constitution sous les réserves que cette durée ne soit pas fixée de manière qu'elle prive d'effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire et que le temps décompté aux demandes de suspension de séance et aux rappels au règlement ne privent pas les députés de toute possibilité d'invoquer les dispositions du règlement afin de demander l'application de dispositions constitutionnelles (décision n° 2009-581 DC, cons. 25 et 26). Le Conseil constitutionnel contrôle donc que la fixation du temps législatif programmé n'est pas manifestement disproportionnée au regard des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire (décision n° 2011-631 DC, cons. 6).
Le Gouvernement estime, de manière générale, que l'on ne peut suivre l'argumentation des députés requérants qui estiment que le temps législatif programmé aurait dû être allongé pour tenir compte des amendements adoptés en commission. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, en prévoyant, à l'article 44 de la Constitution, que le droit d'amendement s'exerce « en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées », le constituant a précisément entendu permettre que, dans le cadre de la procédure de temps législatif programmé, des amendements ne puissent être discutés que lors de l'examen du texte en commission (décision n° 2009-579 DC, cons. 40). Il serait donc paradoxal de considérer que le temps de parole en séance publique devrait être allongé pour reprendre des débats qui ont déjà eu lieu en commission.
En l'espèce, la fixation du temps législatif programmé à cinquante heures ne peut être regardée comme étant manifestement disproportionnée au regard des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Il convient, en premier lieu, de rappeler que le temps législatif programmé est classiquement de trente heures, y compris pour des textes comprenant de nombreux articles et abordant de nombreux sujets (projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui a donné lieu à la décision n° 2011-631 DC, projet de loi sur la consommation, projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové).
Il convient, en deuxième lieu, de constater que le temps accordé aux groupes a été augmenté lors de la réunion des Conférences des présidents du 10 février 2015. Pour répondre à une demande des groupes d'opposition, il a, en effet, été décidé que les groupes pourraient utiliser le temps de parole dont disposent ès qualités les présidents de groupe.
Il convient, en troisième lieu, de constater que le temps supplémentaire qui pouvait être demandé au titre des amendements déposés hors délai par le Gouvernement n'a été demandé que dans neuf cas sur les vingt et un possibles.
La discussion en séance publique à l'Assemblée nationale en première lecture a duré 111 heures et 16 minutes, ce qui en fait le septième débat le plus long depuis le début de la Ve République.
Dans ces conditions, il ne peut être soutenu que la clarté ou la sincérité du débat parlementaire aurait été méconnue.
3. En ce qui concerne le déroulement de la lecture définitive.
Le dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution prévoit qu'en cas d'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale peut reprendre, lors de la lecture définitive, « soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ».
Le Conseil constitutionnel, dans une récente décision, a eu l'occasion de rappeler sa jurisprudence suivant laquelle le droit d'amendement est soumis à des limitations particulières lorsque le Gouvernement invite l'Assemblée nationale, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, à statuer définitivement. Dans l'hypothèse où l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle, ne peuvent être adoptés que des amendements votés par le Sénat lors de la dernière lecture par lui du texte en discussion (décision n° 91-290 DC, cons. 11, décision n° 2015-709 DC, cons. 11).
Il a également précisé que, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les amendements adoptés par le Sénat qui pouvaient être repris par amendement devant l'Assemblée nationale étaient aussi bien les amendements adoptés par la commission au Sénat et non supprimés en séance publique que les amendements adoptés en séance publique.
Néanmoins, comme le relève la saisine, cette décision ne tranche pas la question de savoir si les amendements repris par l'Assemblée nationale doivent être intégrés dans un projet élaboré par la commission ou bien être déposés en séance publique.
Le Gouvernement ne peut, sur ce point, que souscrire à l'interprétation retenue lors de la séance de la commission spéciale chargée d'examiner le projet en vue de sa lecture définitive, en application de l'article 114 du règlement de l'Assemblée nationale, et qui n'a pas fait l'objet de contestation. Compte tenu du cadre particulier de la lecture définitive, les amendements reprenant des amendements adoptés par le Sénat doivent être déposés en séance publique.
En effet, en application du dernier alinéa de l'article 45, en lecture définitive, la discussion s'engage sur le texte élaboré par la commission mixte ou sur le dernier texte voté par l'Assemblée nationale. Elle ne s'engage pas sur un texte qui serait élaboré et adopté par la commission en application de l'article 42 de la Constitution. L'élaboration d'un texte par la commission à partir des amendements adoptés au Sénat serait d'ailleurs de nature à nuire à la clarté des débats parlementaires en séance publique.
De plus, comme l'a relevé le président de la commission spéciale, la possibilité de déposer les amendements en séance publique est de nature à pleinement garantir le droit d'amendement des parlementaires.
Au demeurant, à supposer que le Conseil constitutionnel estime que la discussion d'un projet de loi en lecture définitive devrait porter sur un texte adopté par la commission, cette question serait sans incidence sur la...

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