Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2000

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°303 du 31 décembre 2000
Record NumberJORFTEXT000000587170
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication31 décembre 2000

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, de recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2000, adoptée le 21 décembre 2000. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - Sur la sincérité des prévisions

de recettes et du déficit

A. - Le recours présenté par les députés adresse à la loi de finances rectificative pour 2000 un certain nombre de critiques tirées du principe de sincérité budgétaire.

Ils estiment que ce texte comporterait une prévision de recettes fiscales « manifestement sous-évaluée » et fixerait le niveau du déficit budgétaire de l'exercice 2000 à un niveau « manifestement erroné ».

B. - Cette critique est mal fondée, en droit comme en fait.

A titre liminaire, on rappellera d'abord qu'il convient de bien distinguer ce qui relève des débats d'experts ou de l'appréciation politique sur la gestion des finances publiques de ce qui peut mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de finances au regard du principe de sincérité du budget.

Ce principe, en effet, s'applique ici à un exercice de prévision marqué par des aléas importants. Il porte sur des masses telles qu'un faible écart par rapport à la prévision initiale déplace plusieurs milliards ou dizaines de milliards de francs. En outre, impôt par impôt, les effets de calendrier, les modes de recouvrement et les modifications de la législation compliquent encore l'exercice.

Dans ces conditions, les chiffres retenus par le Gouvernement peuvent évidemment faire l'objet de débats, et il s'avère au demeurant que les recettes finalement enregistrées font toujours apparaître des écarts avec les prévisions de la loi de finances initiale et même avec celles de la loi de finances rectificative de fin d'année. Mais, au plan juridique, seule une sous-évaluation manifeste, dénaturant la signification du contrôle parlementaire sur ces prévisions, pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité.

C'est au demeurant ce que le Conseil constitutionnel a expressément jugé, en réponse à des griefs analogues à ceux qui sont soulevés en l'espèce, dans ses décisions relatives à la loi de finances rectificative pour 1999 (no 99-425 DC du 29 décembre 1999) et à la loi de finances pour 2000 (no 99-424 DC du 29 décembre 1999), qui se réfèrent à la notion « d'erreur manifeste » pour marquer les limites du contrôle de constitutionnalité dans ce domaine.

C'est compte tenu de ces considérations préalables que les précisions suivantes peuvent être apportées.

1. S'agissant des évaluations de recettes, et contrairement à ce qu'affirme le recours des députés, les chiffres définitifs d'encaissements de recettes fiscales à fin septembre ne remettent pas en cause les évaluations de recettes présentées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

a) En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, plusieurs éléments méritent d'être soulignés.

Compte tenu du niveau atteint à la fin septembre (186,2 MdsF), l'évaluation présentée (255,7 MdsF) suppose 69,5 MdsF d'encaissements nets au dernier trimestre, soit un niveau proche de celui de l'an dernier (70,5 MdsF). Cette prévision tient compte de la suppression de la contribution supplémentaire temporaire instituée en 1997, qui devrait se traduire par une perte de recettes en décembre de 10,5 MdsF, correspondant au flux de recettes constatées en décembre 1999 à ce titre. Elle intègre donc près de 10 MdsF de plus-values « tendancielles » par rapport à 1999.

Les plus-values constatées sur le flux d'encaissements de septembre ne s'élevant qu'à 5,2 MdsF (45,6 MdsF contre 40,4 MdsF), on voit que la prévision associée au projet de loi de finances rectificative n'est nullement pessimiste, puisqu'elle suppose un ressaut en décembre, supérieur de 5 MdsF au ressaut constaté en septembre sur le troisième acompte 2000. L'effet de la suppression de la contribution temporaire étant concentré sur le mois de décembre, il existe bien une raison objective pour que la progression des recettes d'impôt sur les sociétés constatée à fin septembre ne soit pas extrapolée au résultat d'exécution.

De fait, l'aléa inévitable, à ce stade de l'année, sur les recouvrements d'impôt sur les sociétés, est plutôt légèrement à la baisse, puisque le mois de décembre 1999 bénéficiait pleinement de l'effet accélérateur qu'induit le mode de recouvrement par acomptes et solde : les encaissements de décembre 1999 reflétaient la forte accélération de l'assiette, c'est-à-dire du bénéfice fiscal en 1998. Une telle accélération ne paraît pas devoir être observée sur le bénéfice fiscal 1999.

b) S'agissant en deuxième lieu de l'impôt sur le revenu, l'écart de 6 milliards de francs mentionné dans la saisine entre dans la marge d'incertitude affectant la prévision, puisque cet écart ne représente que 1,7 % du montant total d'encaissements attendu.

Par ailleurs, pas plus que pour l'impôt sur les sociétés, la progression observée à fin septembre n'est extrapolable à l'ensemble de l'année. En effet, la progression observée sur les premiers mois de l'année 2000 est liée au mécanisme de recouvrement par acomptes et solde : le dynamisme du revenu des ménages en 1998 s'est traduit par un montant élevé de versements au titre du solde 1999 et, par voie de conséquence, des acomptes 2000, qui s'inscrivent en forte progression par rapport aux acomptes 1999. Cette progression ne devrait pas se retrouver dans le solde 2000.

On peut d'ailleurs remarquer que selon les chiffres même cités dans le recours, les rentrées d'impôt sur le revenu ont fortement ralenti entre juillet et septembre, leur progression annuelle passant de 9 % à 6,7 %. Ce ralentissement s'est confirmé depuis lors, ce qui conforte la prudence de l'évaluation associée au projet de loi de finances rectificative.

De manière générale, il convient de souligner que les éventuelles plus-values qui pourraient être constatées en exécution sur certains impôts sont compensées par de probables moins-values sur d'autres impôts, notamment l'impôt sur les sociétés, pour les raisons mentionnées plus haut, et la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), compte tenu de la faiblesse des rentrées enregistrées à fin novembre (- 0,9 % par rapport à novembre 1999, contre + 1,3 % à fin septembre).

Au total, rien ne permet d'affirmer que l'évaluation des recettes fiscales présentée soit entachée d'un biais négatif.

c) Quant aux recettes non fiscales, il convient de souligner que le Gouvernement dispose d'un pouvoir d'appréciation pour le choix du moment de leur perception, laquelle nécessite généralement un acte juridique qui relève de son initiative. Les choix faits à cet égard ont été portés à la connaissance du Parlement, ainsi qu'il ressort notamment de l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative.

Ainsi le Gouvernement a proposé, en ce qui concerne le compte Etat à la COFACE et les fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, de renoncer à prélever la totalité des sommes qui avaient été inscrites, à titre prévisionnel, dans la loi de finances rectificative votée en juillet. Cette proposition avait déjà été explicitée dans le fascicule voies et moyens associée au projet de loi de finances 2001.

2. Les recettes n'étant pas sous-évaluées, le solde du collectif de 209,7 milliards de francs ne peut être « ramené à 190 milliards de francs », comme le soutiennent les auteurs de la saisine.

L'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2000 précise que le « solde du collectif devrait ensuite s'accompagner d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs ». Cette prévision d'exécution, qui figure pour la première fois dans un projet de loi de finances rectificative, est un gage de sincérité et de transparence vis-à-vis du Parlement. Elle intègre les économies qui seront constatées ex post sur un certain nombre de dépenses, non encore identifiables à ce stade mais statistiquement probables au vu de l'exécution des années passées.

Le solde constaté en exécution diffère en général du solde prévu par la loi de finances rectificative, pour plusieurs raisons :

La loi de finances ne fixe que des plafonds de dépenses. Par rapport à ces plafonds, des économies sont régulièrement constatées en fin d'année sur la consommation des crédits de certains chapitres, sans qu'il soit possible de les identifier à l'avance au stade du collectif budgétaire. Ces économies se traduisent par des annulations en loi de règlement ou par des reports de crédits sur l'exercice suivant.

Les reports de crédits ne sont pas retracés en loi de finances. Ainsi, 75,4 MdsF de crédits ont été reportés de 1999 à 2000 ; une partie sera consommée en exécution, tandis qu'une partie des crédits ouverts en 2000 sera reportée sur 2001. Ceci est vrai, en particulier, des dépenses en capital ouvertes par la loi de finances rectificative, compte tenu de sa date de publication.

Les fonds de concours influent également sur la comparaison entre loi de finances et exécution. Conformément à l'article 19 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, les recettes de fonds de concours donnent lieu, après constatation de la recette, à ouverture d'un même montant de crédits en cours de gestion, sur un chapitre d'affectation donné.

Or, certains crédits correspondant à des fonds de concours peuvent être rattachés tardivement sans qu'il soit possible de les dépenser, et se trouver ainsi reportés sur l'exercice suivant. Le rythme de versement des fonds de concours et sa modification éventuelle d'une année sur l'autre n'est pas neutre sur le solde d'exécution budgétaire d'un exercice donné.

Au vu de ces éléments, la prévision d'un solde d'exécution inférieur à 200 MdsF n'entraîne nullement l'insincérité du solde de 209,5 MdsF de la loi de finances rectificative. La communication de cette prévision au Parlement était au contraire destinée...

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