Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la bioéthique

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°182 du 7 août 2004
Record NumberJORFTEXT000000625759
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication07 août 2004


Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à la bioéthique, adoptée le 8 juillet 2004.
Ces recours mettent en cause la conformité à la Constitution de l'article 17 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - L'article 17 de la loi déférée modifie le code de la propriété intellectuelle pour préciser notamment les conditions dans lesquelles les inventions biotechnologiques peuvent faire l'objet d'une protection par brevet. Ces dispositions ont pour objet de transposer en droit français certaines dispositions de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.
L'article L. 611-17 modifié et le nouvel article L. 611-18 assurent ainsi la transposition des articles 5 et 6 de la directive. Les nouveaux articles L. 611-19 et L. 611-20 assurent, pour leur part, la transposition de l'article 4 alors que le nouvel article L. 613-2-1 précise, sur des aspects qui ne sont pas expressément régis par la directive mais qui en sont le corollaire, la portée d'un brevet incluant une séquence génique.
Les auteurs des recours critiquent essentiellement les dispositions du nouvel article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où il admet que des brevets peuvent couvrir des éléments isolés du corps humain, et contestent en conséquence l'article L. 613-2-1 qui précise la portée des brevets en cause. Ils soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient les termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sans pouvoir se recommander de l'exigence constitutionnelle de transposition des directives communautaires.
II. - Le Gouvernement estime qu'une telle argumentation n'est pas fondée.
1. Il apparaît d'abord nécessaire de mesurer précisément la portée des dispositions contestées par rapport au droit en vigueur résultant de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994.
L'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction actuellement en vigueur, prévoit notamment que « le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet de brevets ». Des dispositions de portée équivalente sont reprises à l'article L. 611-18 ajouté au code de la propriété intellectuelle par la loi déférée, qui prévoit que : « Le corps humain aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence totale ou partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables. (...) Ne sont notamment pas brevetables (...) d) Les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles. » Ces nouvelles dispositions ne remettent donc pas en cause le principe de non-brevetabilité des éléments du corps humain en tant que tels. Elles ne font que reprendre à cet égard les termes de la loi du 29 juillet 1994, qui avait été jugée conforme à la Constitution par la décision n°s 94-343/344 DC du 27 juillet 1994.
La loi déférée ajoute, certes, qu'« une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain peut être protégée par le brevet » et précise que « cette protection ne couvre l'élément du corps humain que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l'exploitation de cette application particulière ». Cette disposition admet ainsi explicitement que, dans certaines conditions, un brevet puisse porter sur un élément du corps humain. Mais on doit souligner qu'elle ne l'admet pas pour un élément « en tant que tel » du corps humain et ne permet de viser un tel élément que sous une forme qui n'existe pas à l'état naturel - c'est-à-dire qui a été isolé du corps humain par un procédé technique - et dans la seule mesure nécessaire à la réalisation et à l'exploitation d'une application industrielle, laquelle doit avoir été concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet.
Contrairement à ce qu'énoncent les auteurs des recours, qui soutiennent catégoriquement que la loi déférée, en permettant qu'un brevet porte, dans certaines conditions, sur un...

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