Observations du Gouvernement sur les recours contre la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0114 du 18 mai 2013
Record NumberJORFTEXT000027415000
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication18 mai 2013



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de deux recours dirigés contre la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Ces recours appellent de la part du Gouvernement les observations suivantes.


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I. - Sur la procédure


1. Pour les députés auteurs du recours, ont été méconnus, d'une part, les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire et, d'autre part, l'article 49 du règlement de cette assemblée qui, aux termes de l'article 51-1 de la Constitution, reconnaît des droits spécifiques aux groupes parlementaires d'opposition et minoritaire. Ils considèrent également, comme les sénateurs auteurs du recours, que l'étude d'impact n'est pas conforme aux exigences de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
2. Le Gouvernement considère que ces griefs ne sont pas fondés.
2.1. La sincérité des débats parlementaires n'a pas été altérée.
A. ― Les débats sur le projet, lors de la première lecture du texte devant l'Assemblée nationale, ont duré 110 heures. Devant le Sénat, certaines dispositions du texte ― dont l'article 1er qui ouvre le mariage aux couples de même sexe ― ont été votées dans les mêmes termes. Le texte soumis à l'examen de l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture n'était pas profondément remanié par rapport à celui examiné en première lecture.
Dans ces conditions, faisant application de la prérogative qu'il tire du deuxième alinéa de l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement a décidé d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la deuxième lecture du texte dans un délai rapproché. Le vendredi, jour de l'adoption du projet de loi par le Sénat, le Gouvernement a notifié par lettre la décision qu'il avait prise. En conséquence, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a pu, dès ce jour et conformément à l'article 40 du règlement de l'Assemblée nationale, convoquer la commission pour le lundi suivant en fin d'après-midi afin qu'elle examine le texte, la fin du délai de dépôt des amendements étant fixé au lundi en fin de matinée. Les députés ont donc eu le temps nécessaire pour préparer et déposer des amendements en commission, ce qu'ils n'ont pas manqué de faire puisque 736 amendements ont été déposés.
Le Gouvernement a par ailleurs pris soin de n'inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée que le mercredi. La commission a ainsi pu travailler dans de bonnes conditions et, au bout de six heures de débat, conclure lundi dans la soirée. Ayant connaissance du texte de la commission, les députés ont eu la journée de mardi et le mercredi jusqu'à l'appel du texte en séance pour déposer des amendements ― 3 487 amendements ont été déposés.
B. ― Les députés auteurs du recours soulèvent en outre une méconnaissance du règlement de l'Assemblée nationale. Le président du groupe UMP n'aurait pas vu satisfaite sa demande d'allongement exceptionnel de la durée d'examen du texte, qu'il serait en droit d'obtenir en vertu de l'article 49 du règlement.
a) Comme le notent les auteurs des recours, l'article 26 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a introduit un article 51-1 aux termes duquel « le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires ».
Par l'ajout de cet article, le constituant a consacré le rôle respectif de la majorité et de l'opposition et affirmé la nécessité des droits qui doivent être spécifiquement reconnus à l'opposition pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie parlementaire. La seconde phrase de l'article 51-1 doit notamment être lue au regard de la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel qui, en l'absence de définition constitutionnelle de la majorité et de l'opposition, avait censuré une résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale qui introduisait la notion de « majorité » et d'« opposition » (22 juin 2006, décision n° 2006-537 DC, considérants 12 à 14).
Il résulte de cette disposition que le règlement de chaque assemblée doit contenir des dispositions garantissant des droits spécifiques aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires de l'assemblée intéressée. Si de telles dispositions étaient absentes ou insuffisantes, le Conseil constitutionnel pourrait être conduit à déclarer contraire à la Constitution le règlement d'une assemblée.
On ne peut cependant pas considérer que l'emploi du terme « reconnaît » devrait conduire à assimiler le règlement à une loi organique, pour le sujet particulier des droits des groupes d'opposition ou minoritaires, et à attraire ainsi une partie du règlement des assemblées dans le champ du bloc de constitutionnalité. Ne paraît ainsi pas devoir être remise en cause la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel selon laquelle les règlements des assemblées parlementaires n'ont pas par eux-mêmes une valeur constitutionnelle (22 juillet 1980, décision n° 80-117 DC, considérant 3) ― de sorte que la méconnaissance alléguée de l'article 49 du règlement de l'Assemblée nationale ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution (voir entre autres : 9 novembre 2010, décision n° 2010-617 DC ; 18 février 2010, décision n° 2010-602 DC).
On pourrait toutefois considérer que la procédure parlementaire suivie pour le vote d'une loi particulière devrait être regardée comme irrégulière au regard de la seconde phrase de l'article 51-1 de la Constitution si les droits des groupes d'opposition et des groupes minoritaires avaient été manifestement méconnus et si ces groupes avaient été privés de toute possibilité de faire valoir des droits spécifiques au cours de la procédure parlementaire.
En l'espèce, les droits des groupes d'opposition et des groupes minoritaires ont été pleinement respectés et le moyen tiré de ce que l'article 51-1 aurait été méconnu devra en tout état de cause être écarté.
b) Le contrôle du respect des droits des groupes d'opposition ou minoritaires lors de l'examen d'un texte de loi continue en outre à s'effectuer au travers des exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel contrôle déjà le caractère manifestement disproportionné du temps de travail qui a pu être fixé par la Conférence des présidents (25 juin 2009, décision n° 2009-581 DC, considérant 25 ; décision n° 2011-631 DC, considérant 6).
A cette aune, on ne peut pas considérer que le recours en deuxième lecture au temps législatif programmé, et la fixation d'un délai de 25 heures de discussion, aurait privé d'effet les exigences de clarté et de sincérité des débats eu égard au fait que, comme il a été dit plus haut, le débat en première lecture a dépassé les 100 heures et que des dispositions essentielles de la loi ont été votées dans les mêmes termes en première lecture au Sénat.
c) En tout état de cause, les dispositions invoquées du règlement de l'Assemblée nationale n'ont pas été méconnues.
Conformément à l'article 49 du règlement, modifié après la révision constitutionnelle de 2008 par une résolution dont le Conseil constitutionnel a eu à connaître (25 juin 2009, décision n° 2009-581 DC : article 31 de la résolution modifiant l'article 49 du règlement, considérants 22 et suivants), « l'organisation de la discussion des textes soumis à l'Assemblée peut être décidée par la Conférence des présidents » (point 1) et, « selon des modalités définies » par cette dernière « un président de groupe peut obtenir, de droit, que le temps programmé soit égal à une durée minimale » également fixée par cette Conférence (point 9). Il est ajouté qu'« Une fois par session, un président de groupe peut obtenir, de droit, un allongement exceptionnel de cette durée dans une limite maximale fixée par la Conférence des présidents. »
Les modalités d'application de l'article 49 ont été définies, sous la précédente législature, par les Conférences successives des 30 juin et 7 juillet 2009, puis du 7 septembre 2010. La première Conférence a en particulier fixé à 30 heures le temps législatif allongé qu'un président de groupe peut obtenir de droit pour chaque texte et à 50 heures le temps législatif exceptionnel qu'un président de groupe peut obtenir une fois par session. La dernière Conférence a enfin indiqué que « les temps auxquels les groupes ont droit sont fixés, en deuxième lecture, à la moitié de ceux qui sont prévus en première lecture ». Ces règles ont été « reconduites sans modification » sous la présente législature lors de la conférence du 6 novembre 2012, cette même Conférence adoptant un nouveau barème prenant en compte la nouvelle composition de l'Assemblée nationale.
Par conséquent, en deuxième lecture, le temps législatif allongé qu'un président de groupe peut obtenir de droit (point 9 de l'article 49) est de 15 heures et de 25 heures le temps législatif exceptionnel qu'un président de groupe peut obtenir de droit une fois par session (point 10 de l'article 49).
En l'espèce, lors de la Conférence des présidents du 15 avril 2013, il a été demandé par le président du groupe majoritaire l'application, pour une durée de 25 heures, du temps législatif programmé. Compte tenu des règles reconduites en novembre 2012, la demande du président du groupe UMP d'un temps législatif exceptionnel en deuxième lecture était donc déjà satisfaite ― étant précisé que le fait que le temps n'ait pas été programmé lors de la première lecture ne faisait pas obstacle à ce qu'il le soit lors de la deuxième et que, dans ce cas, soient appliquées les durées prévues pour la deuxième lecture.
2.2. Les auteurs des recours soutiennent par ailleurs que l'étude d'impact jointe au projet de loi aurait été insuffisante.
A. ― Le Gouvernement estime, tout d'abord...

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