Observations du Gouvernement sur les recours contre la loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0114 du 18 mai 2013
Record NumberJORFTEXT000027414780
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication18 mai 2013



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de deux recours dirigés contre la loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.
Ces recours appellent de la part du Gouvernement les observations suivantes.


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I. ― Sur la procédure :
1. Les députés auteurs du recours estiment que le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires a été méconnu lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale et que l'étude d'impact n'est pas conforme aux exigences de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
2. Le Gouvernement ne partage pas cet avis.
2.1. La sincérité des débats parlementaires n'a, tout d'abord, pas été altérée.
S'agissant de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, il est fait grief à la présidence de cette assemblée d'avoir accordé une suspension de séance alors que le scrutin public avait été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le mardi 19 février 2013, une suspension de séance a effectivement eu lieu, à la demande du président de la commission des lois, à un moment où la présidence de l'Assemblée nationale avait annoncé le vote par scrutin public pour l'article 1er de la loi déférée. Mais, à ce stade, une telle suspension ne posait pas difficulté dès lors que l'ouverture du scrutin n'avait pas été annoncée. C'est seulement dans ce dernier cas que la procédure de vote ne peut plus être interrompue par une suspension de séance. Ainsi qu'il a été rappelé lors d'une réunion de la Conférence des présidents, qui s'est réunie à deux reprises le 6 novembre 2012, après l'annonce du scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, le débat continue normalement ; il est donc logique que des suspensions de séance puissent être demandées. En revanche, les interruptions sont interdites après que les opérations de vote ont commencé ― étant précisé que le scrutin n'est ouvert qu'au moment où la phrase « nous allons maintenant procéder au scrutin » est prononcée.
Pour ce qui est de l'examen du texte en deuxième lecture, sont critiquées les conditions dans lesquelles il a été procédé au vote de la motion de rejet préalable.
Le 26 mars 2013, lors du vote sur cette motion, les mouvements des députés ont obligé la présidence à renoncer à un vote par simple comptage des mains levées et à effectuer un nouveau compte par vote assis et levé. A aucun moment la procédure ne s'est arrêtée : il a été procédé immédiatement au nouveau décompte à la suite de sa demande pour un vote par assis et levé. Le décompte du vote a donc eu lieu sans interruption malgré des conditions difficiles de mise en œuvre en raison de l'arrivée soudaine de nombreux députés de l'opposition et de la majorité.
Le Gouvernement considère que, dans les deux cas, il a été fait application de règles connues et établies, de sorte qu'il ne peut être considéré que des manœuvres ont pu altérer la clarté et la sincérité des débats parlementaires.
2.2. Il estime, par ailleurs, que l'étude d'impact est conforme aux exigences de précision de la loi organique du 15 avril 2009 sur les trois points mis en avant par les recours :
― la modification du seuil d'accès au second tour présenté dans le projet de loi initial du Gouvernement résultait directement et nécessairement de l'abrogation des dispositions relatives au conseiller territorial de la loi du 16 décembre 2010, notamment celle relative à un seuil d'accès au second tour à 12,5 % pour les élections cantonales dans l'attente de l'élection du conseiller territorial. C'est ce qui avait été indiqué dans l'étude d'impact (page 15), qui avait également évalué les conséquences financières de cet abaissement du seuil pour toutes les élections partielles qui auraient lieu d'ici au renouvellement général reporté en 2015 (page 34) ;
― l'étude d'impact a longuement évoqué le seuil du scrutin de liste. Il a d'abord été rappelé les règles actuelles (pages 7, 8 et 9), puis l'objectif de favoriser la parité au sein des conseils municipaux (page 14) avant d'étudier de manière approfondie l'option et les conséquences d'un abaissement du seuil de 3 500 à 1 000 habitants (pages 22, 23, 24 et 25). Le choix a ensuite été exposé (page 29) avec ses impacts juridiques, financiers et d'organisation pour l'Etat (pages 39, 40, 41 et 42). L'impact sur le pluralisme a également été évoqué (page 40) ;
― enfin, l'étude d'impact s'est précisément penchée sur le sujet du report des élections des conseillers à l'assemblée départementale, au regard de l'un des buts poursuivis ― à savoir améliorer la participation électorale en raison d'un nombre trop important de scrutins prévus en 2014. Les différentes options envisageables pour favoriser la participation ont été étudiées (pages 10 à 12). Le report des élections des conseillers à l'assemblée départementale a ensuite été exposé dans la partie relative au nouveau calendrier électoral proposé (pages 15 à 19). Les différentes options ont été étudiées avec les conséquences induites, notamment pour les élections départementales.
Le Gouvernement observe d'ailleurs que la Conférence des présidents du Sénat n'a pas jugé utile de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article 9 de la loi organique du 15 avril 2009.
II. ― Sur les articles 3, 15, 16, 17, 18 et 19 :
1. Les sénateurs et députés auteurs des recours soutiennent que ces articles, qui règlent le mode de scrutin applicable à l'élection des conseillers départementaux, sont contraires à l'article 3 de la Constitution et à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) garantissant la liberté de choix du citoyen et l'égalité devant le suffrage, ainsi qu'aux principes de libre administration des collectivités territoriales, de nécessité et de proportionnalité des peines et enfin d'intelligibilité, de sincérité et de loyauté du scrutin.
2. Ces griefs ne sont pas fondés.
2.1. L'article 3, en premier lieu, est conforme à la Constitution.
A. ― Les élections cantonales se caractérisent par une présence limitée des femmes élues. En 1998, ces dernières ne représentaient que 8,6 % des élues et 10,9 % en 2006. Face à ce constat et afin de favoriser la présence de femmes élues au conseil général, la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 a institué des suppléants, de sexe opposé, aux conseillers généraux. Cette mesure s'est accompagnée d'une présence accrue des femmes au sein des conseils généraux, leur part représentant, en 2009, 13,5 % des assemblées délibérantes départementales. Leur nombre reste cependant encore modeste en comparaison de la place des femmes élues dans les conseils régionaux ou municipaux dans lesquels s'applique le scrutin proportionnel. On note par exemple dans trois départements l'absence totale de femmes élues conseillères générales.
C'est pour remédier à cette situation que le législateur a décidé d'un mode de scrutin de nature à assurer la mise en œuvre, dans les faits, de la parité de représentation entre les hommes et les femmes. L'article 3 de la loi déférée modifie ainsi l'article L. 191 du code électoral pour prévoir que : « Les électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe diffèrent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l'ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection ».
B. ― Un tel dispositif n'est pas contraire à la Constitution dès lors que l'article 1er de cette dernière, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008 (1) ― reprenant la règle introduite à l'article 3 par la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 ― prévoit que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ». Avant ces réformes, le législateur ne pouvait rechercher un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités et aux fonctions politiques électives que dans un cadre non contraignant, ne faisant pas prévaloir la considération du genre (v., pour les fonctions électives : 18 novembre 1982, décision n° 82-146 DC ; 14 janvier 1999, décision n° 98-407 DC ; v. aussi, pour les responsabilités sociales et professionnelles : 19 juin 2001, décision n° 2001-445 DC ; 12 janvier 2002, décision n° 2001-455 DC). Depuis lors, le législateur peut...

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