Observations du Gouvernement sur les recours contre la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0089 du 16 avril 2013
Record NumberJORFTEXT000027310165
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication16 avril 2013



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de deux recours dirigés contre la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
Ces recours appellent de la part du Gouvernement les observations suivantes.


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I. ― Sur l'article 2 :
Les auteurs des saisines soulèvent plusieurs griefs à l'encontre de cet article qui institue, à compter du 1er janvier 2015, un dispositif de bonus-malus portant sur les consommations domestiques d'énergies de réseau.
1. Le premier grief porte sur une méconnaissance de l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires, l'article ayant fait l'objet d'une réécriture intégrale en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
L'article voté est issu d'un amendement du rapporteur de la proposition de loi devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire. Il tire les conséquences, d'une part, de l'avis du Conseil d'Etat formulé à la demande du Gouvernement, et d'autre part des débats qui ont eu lieu au Sénat. Ainsi, bien que le Sénat n'ait pas adopté de texte, le législateur a souhaité intégrer deux propositions des sénateurs : une fixation statistique du volume de base et un élargissement de la deuxième tranche du barème du bonus-malus. Ce projet a été transmis bien en amont de la réunion de commission à tous les commissaires, respectant ainsi l'exigence de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
S'agissant de la recevabilité de cet amendement, en nouvelle lecture, si des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte, des amendements sont possibles s'ils sont en relation directe avec une disposition encore en discussion (v. nt. décision n° 98-402 DC, 25 juin 1998, cons. 2 et 3, Rec. p. 269). Tel a été le cas en l'espèce, puisque le dispositif voté répond à la même logique et s'inscrit dans le même cadre que l'article qui restait en discussion. Du fait de l'échec de la commission mixte paritaire et du rejet du texte en première lecture par le Sénat, l'ensemble des dispositions votées en première lecture à l'Assemblée nationale restait en discussion. Le fait que la réécriture ait été d'ampleur est sans incidence sur le respect des exigences constitutionnelles, aucune limite inhérente au droit d'amendement ne pouvant être opposée dès lors que l'amendement est en relation directe avec la disposition du texte en discussion.
Ce premier grief ne peut donc être retenu.
2. Les auteurs des saisines estiment ensuite que le dispositif, qui créerait une imposition, méconnaîtrait l'article 34 de la Constitution, faute pour la loi d'avoir suffisamment encadré les compétences du pouvoir réglementaire pour fixer des éléments de l'assiette et les taux de cet impôt ; il aurait dû, par ailleurs, être voté dans le cadre d'une loi de finances et faire l'objet d'un compte d'affectation spéciale.
Ces griefs ne sont pas fondés.
A. ― En premier lieu, même si le malus institué par la loi doit être regardé comme revêtant le caractère d'une imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution, il est en tout état de cause loisible à une loi autre qu'une loi de finances d'instituer, de modifier ou de supprimer un impôt (v. nt décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, Rec. p. 83, cons. 3 à 6). En revanche, une loi ordinaire ne peut pas ouvrir un compte d'affectation spéciale. Aux termes de l'article 19 de la loi organique relative aux lois de finances, il s'agit d'une compétence exclusive de la loi de finances. Ainsi, en tout état de cause, la loi déférée ne pouvait en disposer. Au demeurant, un tel compte n'est pas nécessaire car le produit du malus ne constitue pas une recette de l'Etat ― sa collecte est assurée par les fournisseurs d'énergies de réseau sous le contrôle de l'État et non pour son compte. Il ne s'agit pas d'une opération budgétaire devant être retracée dans un compte d'affectation spéciale, comme le prévoit l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances.
B. ― En second lieu, le législateur a pleinement exercé la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution en encadrant et en limitant le renvoi au pouvoir réglementaire pour définir des éléments de l'assiette et les taux du bonus et du malus.
Le malus est calculé, pour chaque site de consommation résidentiel, par rapport à un volume de base qui correspond, pour chaque énergie de réseau, au premier quartile de consommation de cette énergie par unité de consommation, multiplié par le nombre d'unités de consommation du site considéré et tempéré par un coefficient représentatif de l'effet de sa localisation. Les différents éléments qui permettent de déterminer le volume de base attribué à chaque site de consommation sont strictement encadrés par la loi.
Le premier quartile de la consommation auquel renvoie la loi est une donnée objective qui est calculée sur la base de la consommation constatée. Les conditions de prise en compte du nombre de personnes habitant le logement raccordé au réseau sont précisément définies au 3° de l'article L. 230-2. Quant au coefficient représentatif de l'effet de localisation, le renvoi prévu par la loi à un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et de l'économie est encadré par des critères précis : la fixation doit avoir lieu au niveau communal et tenir compte des conditions climatiques et de l'altitude de la commune. Par ailleurs, le coefficient doit être compris entre 0,8 et 1,5. L'encadrement du renvoi au pouvoir réglementaire par la loi est donc précis.
Les taux du bonus et du malus sont également fixés par un arrêté des ministres chargés de l'énergie et de l'économie, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Sur ce point, la situation n'est pas comparable à celle du dispositif de malus automobile (art. 1011 bis du code général des impôts). Ce dernier n'est destiné à être perçu qu'une seule fois, au moment de l'immatriculation du véhicule concerné, et est calculé en fonction d'un taux d'émission de dioxyde de carbone par kilomètre connu à l'avance puisque cette donnée du constructeur fait partie de l'homologation des véhicules. En l'espèce, la loi ne pouvait pas fixer elle-même le taux, de manière définitive, puisque, dans le dispositif tel qu'il a été conçu, ce taux doit permettre d'assurer l'équilibre entre le bonus et le malus, compte tenu d'une valeur des volumes de base nécessairement évolutive puisqu'elle dépend notamment de la consommation effective du premier quartile. Mais l'article 34 n'exige pas que le législateur définisse lui-même le taux de chaque impôt (v. décisions n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, cons. 32, et n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013) si l'encadrement du renvoi au pouvoir réglementaire est suffisant.
Or la détermination des taux de bonus et de malus est encadrée par une série de contraintes qui limitent la marge d'appréciation du pouvoir réglementaire et s'opposent à ce qu'il puisse dénaturer le dispositif législatif.
Les taux doivent d'abord être compris entre des valeurs définies au V de l'article L. 230-6. Le législateur a ainsi déterminé « les limites à l'intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d'une imposition » (décision n° 2000-442 DC précitée). On notera que dans cette dernière décision a été validée une taxe uniquement limitée par un plafond, le seuil minimal étant implicitement fixé à zéro (cons. 32). Il n'a pas été jugé que, de ce seul fait, le législateur n'avait pas exercé sa compétence. Il ne peut donc être reproché à la loi contestée de fixer un seuil minimal de bonus ou maximal de malus à zéro euro par mégawatheure (MWh) en 2015, puis à partir de 2016 sauf pour la troisième tranche (au-delà de 300 % de consommation du volume de base). En tout état de cause, le législateur, en fixant ces valeurs, a simplement entendu autoriser le pouvoir réglementaire à moduler la répartition de l'effort entre les deux tranches auxquelles le malus est applicable. A cette fin, l'article L. 230-10 précise que les taux « tiennent compte des effets, incitatifs du bonus-malus sur les consommations domestiques d'énergie de réseau ». Au regard de cette exigence, il est certain que le législateur n'a pas entendu permettre au pouvoir réglementaire de dénaturer le dispositif en ne prévoyant ni malus ni bonus, ce qui serait contraire à l'objectif même de la loi.
Une certaine souplesse était toutefois nécessaire. Elle l'était d'abord pour permettre d'adapter le montant du bonus et du malus au prix de l'énergie concernée (électricité, gaz, chaleur). Les valeurs prévues par la loi s'appliquent en effet à l'ensemble des énergies de réseau. Or, en fonction des énergies, les ordres de prix sont différents ; l'importance de la fourchette fixée par le législateur en valeur absolue doit ainsi être ramenée à la part relative du montant du malus par rapport aux prix de l'énergie concernée. De la souplesse était également requise pour permettre une mise en œuvre graduelle et progressive du dispositif, conformément à la volonté du législateur de favoriser l'évolution des comportements par une montée en charge du dispositif qui permette de donner un caractère durable aux effets incitatifs.
Si une marge d'appréciation est ainsi laissée au pouvoir réglementaire, elle ne conduit cependant pas à des variations de taux importantes. Au contraire, ces variations seront limitées tant en valeur absolue que...

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