Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances initiale pour 2013

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0304 du 30 décembre 2012
Date de publication30 décembre 2012
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000026858779



Le Conseil constitutionnel a été saisi de trois recours dirigés contre la loi de finances initiale pour 2013, présentés, pour deux d'entre eux, par plus de soixante députés et, pour le troisième, par plus de soixante sénateurs.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


*
* *
I. ― Sur la procédure d'adoption de la loi


Les sénateurs auteurs du recours considèrent qu'a constitué un détournement de procédure le vote au Sénat d'une question préalable. Elle aurait empêché les sénateurs de se prononcer sur la loi déférée et d'exercer le droit d'amendement qu'ils tirent de l'article 44 de la Constitution.
Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue.
Il a été fait application de l'article 44 du Règlement du Sénat ― déclaré conforme à la Constitution (Conseil constitutionnel, 15 janvier 1992, décision n° 91-301 DC) ― qui assigne comme objet à la question préalable, notamment, de faire décider par le Sénat qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. Aucun motif particulier n'est mentionné dans l'article pour fonder le vote des sénateurs en ce sens.
Le vote de la question préalable est intervenu non en première lecture devant le Sénat, lors de laquelle les sénateurs ont pu utilement présenter des amendements et discuter de la loi ― même si le projet a été au final rejeté ― mais lors d'une nouvelle lecture avant que l'Assemblée nationale ne statue de manière définitive. Le rejet du texte présenté étant certain, compte tenu des prises de position publiques des sénateurs, les amendements qui auraient pu être présentés et, le cas échéant, votés n'auraient de toute manière pas pu être repris dans le texte final. A ce stade de la procédure, seuls les amendements repris dans un texte lui-même adopté par le Sénat auraient pu être retenus par l'Assemblée nationale au cours de la lecture définitive. Dans ces conditions, le vote de la question préalable, lors de cette phase finale d'examen de la loi et alors que les délais d'adoption d'une loi de finances sont contraints, n'a pas eu d'effet sur la loi qui devait être votée.
Par suite, l'adoption de la question préalable, dans ces circonstances particulières, n'a pas constitué un détournement de procédure et n'a pas méconnu les droits de l'opposition, ou le droit d'amendement garanti par l'article 44 de la Constitution.


II. ― Sur la sincérité de la loi


La loi déférée repose sur des hypothèses macroéconomiques raisonnables, s'inscrivant dans le cadre du consensus des économistes et qui ont, au demeurant, été révisées à la baisse avant le dépôt du projet de la loi de finances afin de prendre en compte les évolutions attendues.
Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques de juillet 2012, le Gouvernement indiquait que la croissance ne devrait s'établir qu'à 0,3 % en 2012, « hypothèse prudente retenue pour l'élaboration du projet de loi de finances rectificative et conforme au consensus des économistes, et proche de celle anticipée aujourd'hui par l'INSEE (0,4 %) ». Il indiquait par ailleurs que la croissance « atteindrait 1,2 % en moyenne annuelle en 2013 » et ajoutait que « cette hypothèse ― en ligne avec les prévisions des institutions internationales » était « prudente » et reposait « sur un scénario de dissipation très progressive des tensions financières ».
Pour tenir compte de la réduction des perspectives de croissance mondiales observées depuis l'été 2012, le Gouvernement a, pour l'élaboration des lois financières de fin d'année, abaissé de 0,4 point sa prévision de croissance pour 2013, à + 0,8%, tout en soulignant les aléas entourant cette prévision : le rythme de résolution des tensions de la zone euro, le comportement des agents économiques (notamment le niveau d'épargne), le marché du travail (notamment l'évolution de la productivité).
La prévision macroéconomique de la loi déférée repose sur un scénario de reprise progressive et raisonnable de l'activité en France en 2013. La demande mondiale serait plus dynamique qu'en 2012 et permettrait une accélération des exportations. La prévision reste prudente sur l'investissement des entreprises, qui repartirait progressivement, et sur les comportements de stockage, qui ne contribueraient pas à la croissance. La consommation augmenterait un peu, le taux d'épargne retrouvant sa moyenne de long terme après avoir atteint un niveau élevé.
Le dernier consensus des économistes, en décembre 2012, fait apparaître pour 2013 une prévision de croissance du produit intérieur brut de + 0,1 %. Cette moyenne résulte d'estimations hétérogènes comprises entre ― 0,5 % et + 0,9 %, qui témoignent d'un environnement économique international particulièrement incertain et volatile, et d'un contexte européen en voie de stabilisation. La prévision de croissance sur laquelle est bâtie le projet de loi de finances du Gouvernement, à + 0,8 %, s'inscrit donc à l'intérieur de la fourchette de prévision des économistes. Par comparaison, en septembre 2011, l'écart entre la prévision du Gouvernement pour la croissance en 2012 et celle du consensus des économistes était du même ordre (+ 1,75 % pour le Gouvernement au titre de 2012 ; + 1,2 % pour les économistes).
Les révisions des perspectives économiques auxquelles les organismes internationaux et instituts de conjoncture ont pu procéder récemment n'ont pas été suffisamment significatives pour justifier une modification des hypothèses macroéconomiques au cours de la discussion de la loi déférée au Parlement. Globalement, la Commission européenne, l'OCDE et le FMI partagent le diagnostic d'une résistance de la demande interne, notamment du fait du niveau élevé du taux d'épargne des ménages ainsi qu'en raison du ciblage des mesures de recettes du PLF. En outre, depuis le dépôt du projet de loi, le taux de change de l'euro et les prix du pétrole ont très légèrement évolué, dans un sens globalement plus favorable à l'activité. De même, les tensions sur les dettes souveraines dans la zone euro ont eu tendance à s'estomper tandis que les marchés actions en France et en Allemagne atteignent des plus hauts niveaux depuis l'été 2011. Enfin, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi devrait jouer favorablement sur les anticipations et les comportements des entreprises dès 2013.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement considère que le grief d'insincérité de la loi déférée ne peut pas être retenu.


III. ― Sur l'article 3


A. ― Les députés auteurs du recours considèrent que la création d'une tranche supplémentaire au barème de l'impôt sur le revenu, au taux de 45 % pour la fraction de revenus excédant 150 000 euros par part, méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt en ce que sont soumises les retraites d'entreprise dites « retraites chapeau ». Ces dernières seraient soumises à un taux de prélèvement global de 77,1 % (21 % de cotisation spécifique, 7,1 % de prélèvements sociaux, 4 % au titre de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus) ― et même de 108 % si l'on compte la contribution additionnelle de 30 % à la charge de l'employeur. Un tel taux serait confiscatoire et justifierait que soit également déclarée contraire à la Constitution l'article L. 137-1-1 du code de la sécurité sociale qui a créé la taxe spécifique, au taux actuel de 21 %.
B. ― Le Gouvernement ne partage pas cette approche du dispositif.
B-1. Le Gouvernement entend, à titre liminaire, rappeler le cadre dans lequel s'apprécie le respect du principe d'égalité devant les charges publiques et le respect de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, duquel découle le contrôle du caractère « confiscatoire » d'une imposition (voir décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007).
a) Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel (voir, en dernier lieu, le 9 août 2012, décision n° 2012-654 DC), le respect tant du principe d'égalité que de l'article 13 de la Déclaration est apprécié au regard de « chaque imposition prise isolément » ― en fonction des caractéristiques propres de cet impôt, de l'objectif du législateur et des facultés contributives au titre de la ressource taxée.
Il n'y a donc en principe pas lieu, pour procéder à l'examen du respect du principe d'égalité devant l'impôt et au contrôle de l'existence d'une charge excessive au regard de leurs facultés contributives, de tenir compte d'autres impositions ou d'autres prélèvements obligatoires, que celui qui fait l'objet du contrôle (voir notamment, en ce sens : Conseil constitutionnel, 18 décembre 1997, n° 97-393 DC, LFSS pour 1998). A cet égard, on notera que, s'agissant précisément de la question de la taxation des retraites chapeau qui fait l'objet de la critique des auteurs du recours, le Conseil constitutionnel n'a pas tenu compte du prélèvement pesant sur l'employeur au titre de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale pour déclarer conforme à la Constitution l'article L. 137-11-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, qui régit la contribution pesant sur le bénéficiaire (Conseil constitutionnel, 13 octobre 2011, décision n° 2011-180 QPC).
Si, dans la décision du 16 janvier 1986 concernant la loi limitant le cumul emploi retraite (décision n° 85-200 DC du 16 janvier 1986 à propos de la « contribution de solidarité »), une méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration a été retenue, c'est au regard des seules caractéristiques particulières de la contribution en cause et non en prenant en compte l'ensemble des impositions susceptibles de porter sur la même catégorie de revenus.
b) Il est vrai que, dans la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, l'appréciation tant du principe d'égalité devant l'impôt que du caractère « confiscatoire » de la contribution exceptionnelle sur la fortune exigible au titre de la seule année 2012 a pris en compte l'imposition distincte au titre de l'impôt sur la fortune. Cette approche s'explique par les caractéristiques propres de cette imposition dont la détermination reposait sur un calcul différentiel...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT