Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi de finances pour 2005

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°304 du 31 décembre 2004
Date de publication31 décembre 2004
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000423969


La loi de finances pour 2005, adoptée le 22 décembre 2004, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de 60 députés. A l'encontre de ce texte, les auteurs des recours invoquent différents griefs dirigés, en particulier, contre ses articles 22, 28, 47, 48, 49, 52, 87 et 112.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - Sur la sincérité de la loi de finances


A. - Les auteurs du recours mettent en cause la sincérité de la loi de finances. Ils font valoir que les prévisions de recettes auraient été surestimées par le Gouvernement, en ce qu'auraient été retenues des hypothèses de croissance, d'évolution du prix du pétrole, de taux de change ou d'élasticité des recettes fiscales irréalistes. En particulier, ils soutiennent que la réalité de l'évaluation des recettes produites par la taxe intérieure sur les produits pétroliers aurait été dissimulée au Parlement. Ils estiment également que la détermination des plafonds de dépenses ne serait pas sincère, notamment parce que le Gouvernement a annoncé qu'une réserve de précaution serait constituée dès le mois de janvier 2005 à hauteur de 4 milliards d'euros.
B. - Ces différentes critiques ne sont pas fondées.
1. A titre liminaire, le Gouvernement se doit de rappeler, comme il l'avait déjà indiqué à propos de lois de finances antérieures, que la mise en cause de la conformité à la Constitution de la loi de finances, au regard du principe de sincérité, ne saurait résulter d'éventuelles divergences d'appréciation d'ordre technique ou politique. En termes juridiques, ne sont susceptibles de donner prise à un contrôle de constitutionnalité qu'une surévaluation manifeste et volontaire des prévisions de recettes ou une sous-estimation analogue des dépenses, dans une mesure telle que l'on puisse penser que les termes du débat parlementaire auraient été faussés par des prévisions manifestement et sciemment inexactes.
Le Conseil constitutionnel n'exerce qu'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, en se fondant sur les informations disponibles à la date du dépôt et de l'adoption de la loi de finances et en prenant en considération les aléas inhérents à l'évaluation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses (décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ; décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000 ; décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 ; décision n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002 ; décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003).
En l'espèce, les hypothèses sur lesquelles ont été établies les prévisions de recettes et de dépenses pour la loi de finances pour 2005 ne peuvent être regardées comme entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Elles ne manquent pas au principe de sincérité.
2. Les hypothèses macroéconomiques retenues pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2005 tablent sur une croissance de 2,5 % en 2004 et de 2,5 % pour 2005. Ces prévisions rejoignent celles des instituts de conjoncture publics et privés qui prévalaient lors de l'élaboration de la loi de finances.
Pour 2004, l'hypothèse retenue correspond exactement à la moyenne du groupe technique de la commission économique de la Nation réunie en octobre. Les dernières informations conjoncturelles disponibles indiquent que cette prévision est en passe d'être atteinte : en effet, selon la dernière note de conjoncture de l'INSEE, l'activité aurait rebondi à l'automne après le léger tassement de l'été, ce qui assurerait une croissance de 2,4 % sur l'ensemble de l'année 2004 ; l'enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France se montre même plus favorable, en ce qu'elle anticipe une progression du PIB au 4e trimestre de 0,8 % contre 0,6 % pour l'INSEE, ce qui porterait le rythme annuel de la croissance à 2,5 % en 2004.
Pour 2005, le scénario macroéconomique prolonge, de façon réaliste, les tendances observées à la fin de l'année 2004 : les ménages devraient continuer à consommer à un rythme dynamique, comparable à celui enregistré en 2004 (2,5 %) en raison de l'accélération de leur pouvoir d'achat. Ce dynamisme de la consommation devrait être conforté par une légère baisse du taux d'épargne des ménages, même si la prévision sur ce point pour 2005 est demeurée prudente en maintenant le taux d'épargne à un niveau élevé (14,9 %) au regard de ses déterminants usuels (revenu, inflation, taux d'intérêt). L'année 2005 devrait également enregistrer une poursuite de l'investissement des entreprises : à ce titre, on peut indiquer que la situation financière des sociétés s'est améliorée en 2004 et que les indicateurs de confiance des entrepreneurs semblent bien orientés ; selon la dernière enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France, l'indice synthétique du climat des affaires dans l'industrie s'est nettement redressé en novembre.
De façon générale, la prévision pour 2005 sur laquelle a été construit le projet de loi de finances n'est pas très éloignée du consensus établi à la date du dépôt du projet au Parlement. La moyenne des estimations du groupe technique de la commission économique de la Nation situait la croissance du PIB pour 2005 à 2,2 % ; l'écart entre les prévisions du groupe technique et les prévisions du Gouvernement tenait essentiellement à des divergences d'appréciation sur l'ampleur de certains aléas (croissance aux Etats-Unis, prix du pétrole, parité euro-dollar), qu'il est difficile d'anticiper avec certitude. On doit relever de ce point de vue que les indicateurs les plus récents semblent conforter le scénario retenu par le Gouvernement : la bonne tenue de l'économie américaine, qui a continué à progresser de l'ordre de 4 % au 3e trimestre 2004 et le repli récent des cours du pétrole, redescendu entre 36 et 40 dollars le baril au cours des derniers jours - ce qui correspond au niveau retenu par le Gouvernement pour l'année 2005 - pourraient continuer de stimuler le commerce international en 2005 ; en outre, les anticipations des entrepreneurs se sont redressées en fin d'année 2004, ce qui s'est traduit par une bonne orientation de leurs carnets de commande permettant de prévoir une accélération des investissements dans les prochains mois.
3. Les critiques portées à l'évaluation des recettes de l'Etat pour 2005 seront écartées.
a) On doit relever, tout d'abord, que la prévision de recettes pour 2005 a été coordonnée avec la révision des recettes 2004, les surplus de recettes escomptés du fait de l'amélioration de la conjoncture ayant été intégralement pris en compte au moment de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2005 sans attendre la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2004. Les recettes fiscales nettes 2004 ont ainsi été revues à la hausse de 6 milliards d'euros par rapport aux estimations de la loi de finances initiale pour 2004, dont 5 milliards au titre des plus-values de recettes fiscales liées au rebond de la croissance et 1 milliard au titre de la réduction du prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des Communautés européennes. Ce montant révisé de recettes constitue la base sur laquelle ont été fondées les projections de recettes pour 2005.
Il faut souligner que les autres ajustements de recettes 2004 qui ont été effectués à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2004 n'affectent pas les prévisions de recettes pour 2005. L'ajustement à hauteur de 1,5 milliard d'euros de recettes supplémentaires en 2004 dans la loi de finances rectificative ne reflète en effet pas une modification des déterminants de la conjoncture macroéconomique mais résulte entièrement de facteurs techniques affectant certaines recettes de l'Etat : il s'agit en particulier du contentieux relatif à la taxe d'achat sur les viandes, provisionné initialement à hauteur de 1,4 milliard d'euros, mais dont l'impact a été finalement révisé à la baisse à 400 MEUR, soit une différence de 1 milliard d'euros, au vu de l'analyse précise de la décision rendue par le Conseil d'Etat ; de même, le surcroît de recettes intègre 560 millions d'euros au titre du reversement par la SOFARIS d'excédents de subventions. Ces divers ajustements sont dépourvus d'incidence sur le montant des recettes prévues pour 2005.
On peut, enfin, indiquer que la prévision des recettes pour 2005 apparaît raisonnable compte tenu des prévisions macroéconomiques. En effet, l'élasticité des recettes fiscales s'est révélée particulièrement faible en 2003 (0,1) au regard de la tendance unitaire de long terme. En 2004 et 2005, elle devrait se redresser nettement et devenir supérieure à la valeur unitaire, phénomène qui s'observe généralement en phase de reprise conjoncturelle. Le dynamisme des recettes résulterait notamment d'une croissance soutenue des recettes provenant de l'impôt sur les sociétés, compte tenu de l'amélioration sensible des résultats des entreprises observée en 2004.
Les dernières informations fournies par l'exécution budgétaire confortent les hypothèses techniques qui ont conduit à l'estimation des recettes du projet de loi de finances. Les recettes sur lesquelles se concentrent habituellement les principaux aléas, à ce stade de l'année, sont la TVA, l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu. Les derniers résultats disponibles pour chacun de ces impôts montrent que les recettes sont en phase avec les prévisions techniques. A la fin novembre, les recettes de TVA nette se sont élevées à 110,5 milliards d'euros, soit un résultat conforme au profil de prévision ; les recettes d'impôt sur les sociétés ont atteint 30,3 milliards d'euros fin novembre, ce qui pourrait annoncer une légère plus-value d'ici la fin de l'année sur cet agrégat ; les recettes d'impôt sur le revenu ont enregistré en novembre un flux de 50,8 milliards d'euros, en ligne avec la prévision. Au total, ces informations corroborent les hypothèses techniques qui ont été retenues pour la révision des recettes 2004, recettes qui constituent la base à partir de laquelle ont été estimées les recettes 2005 figurant dans la loi...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT