Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°193 du 22 août 2007
Record NumberJORFTEXT000000613664
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication22 août 2007


Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, adoptée le 1er août 2007.
Le recours fait, d'une part, grief aux dispositions de la loi qui affectent les recettes fiscales de méconnaître les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et les modalités d'utilisation des surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat. Il critique, d'autre part, les articles 1er, 11 et 16 de la loi en formulant différentes critiques.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - Sur les règles relatives aux modalités d'utilisation
des surplus de recettes fiscales


A. - Les auteurs du recours soutiennent que, compte tenu de l'impact de la loi déférée sur les recettes fiscales de l'année 2007, les mesures qu'elle institue auraient dû faire l'objet d'une loi de finances rectificative. Ils font valoir que les dispositions de l'article 52 de la loi de finances pour 2007, selon lesquelles les éventuels surplus de recettes fiscales constatés en 2007 par rapport aux prévisions initiales seront affectés en totalité à la réduction du déficit, auraient dû, à tout le moins, être modifiées. Ils estiment, enfin, qu'une interprétation extensive des articles 34 et 35 de la loi organique relative aux lois de finances pourrait conduire à prohiber l'intervention de mesures fiscales nouvelles en cours d'année dès lors que l'utilisation à cette fin d'éventuels surplus de recettes fiscales n'aurait pas été inscrite dans la loi de finances.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
En premier lieu, il ne fait pas de doute que, conformément à l'article 34 de la Constitution, une loi ordinaire peut comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux ou aux modalités de recouvrement d'impositions à caractère fiscal, alors même qu'elles affecteraient l'équilibre défini par la dernière loi de finances. La fiscalité relève en effet du domaine facultatif et partagé des lois de finances et non de leur domaine exclusif (voir en particulier la décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001), sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les dispositions en cause affectent ou non l'exécution du budget de l'exercice en cours (voir par exemple la décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991).
En deuxième lieu, s'il a été jugé qu'une loi de finances rectificative doit être présentée par le Gouvernement dans le cas où il apparaît que les grandes lignes de l'équilibre économique et financier définies par la loi de finances initiale de l'année se trouveraient, en cours d'exercice, bouleversées (voir la décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991), on doit observer au cas présent que le coût des mesures nouvelles instituées par la loi déférée pour l'année 2007 peut être évalué à environ 1,6 milliard d'euros. Ce montant ne traduit pas un bouleversement des grandes lignes de l'équilibre économique et financier tel qu'il résulte de la loi de finances pour 2007 qui aurait imposé au Gouvernement de déposer un projet de loi de finances rectificative avant l'adoption des dispositions déférées.
En troisième lieu, on doit remarquer, en tout état de cause, que le législateur n'était nullement tenu de modifier les dispositions de l'article 52 de la loi de finances pour 2007 qui ont énoncé les modalités d'utilisation des surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat, dans la mesure où cet article a expressément réservé l'hypothèse des modifications susceptibles d'être apportées à la législation fiscale en cours d'année et hors loi de finances.
Dans ces conditions, l'argumentation des auteurs du recours se prévalant des règles résultant de la loi organique relative aux lois de finances ne pourra qu'être écartée.


II. - Sur l'article 1er


A. - L'article 1er de la loi déférée prévoit une exonération d'impôt sur le revenu de la rémunération versée au titre des heures supplémentaires. Cette exonération d'impôt sur le revenu bénéficie à l'ensemble des salariés du secteur privé, y compris à ceux du secteur agricole, ainsi qu'aux agents publics, titulaires ou non. Elle concerne les salaires versés au titre de l'ensemble des heures supplémentaires, c'est-à-dire de toutes les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail telle que déterminée par la législation relative au travail. Ainsi, quelle que soit l'organisation de la durée du travail collective, les heures considérées par la législation du travail comme des heures supplémentaires ouvrent droit au bénéfice du dispositif. L'article 1er de la loi déférée comprend également dans son champ les salaires versés au titre des heures complémentaires, c'est-à-dire les heures effectuées par les salariés à temps partiel au-delà de la durée contractuelle du travail. L'exonération fiscale est accordée sous conditions et dans certaines limites. L'article 1er de la loi déférée comporte aussi plusieurs dispositions destinées à prévenir les risques d'optimisation ou de fraude.
L'article 1er dispose, en outre, que, pour l'ensemble des salariés concernés par le dispositif, toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ de l'exonération fiscale, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées pour l'exonération fiscale, à une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à la rémunération dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction. L'article 1er instaure, enfin, une déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les salaires perçus à raison des heures supplémentaires de travail incluses dans le champ de l'exonération fiscale et accomplies par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale à hauteur d'un montant fixé par décret.
Les députés auteurs du recours soutiennent, en premier lieu, que l'article 1er de la loi déférée, en favorisant le recours aux heures supplémentaires au détriment de l'embauche de salariés, porterait atteinte au droit à l'emploi. Ils font valoir, en deuxième lieu, que le dispositif organisé par le législateur méconnaîtrait le principe constitutionnel d'égalité. Ils dénoncent, en troisième lieu, l'exonération indirecte de la contribution sociale généralisée qui serait contenue dans les dispositions critiquées en ce qu'elle serait contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
B. - Le Gouvernement estime que les différentes critiques adressées à l'article 1er de la loi déférée ne sont pas fondées.
1. En premier lieu, il considère que les dispositions critiquées ne peuvent être jugées contraires au droit d'obtenir un emploi mentionné au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Le Conseil constitutionnel reconnaît qu'il revient au législateur de poser les règles propres à assurer, au mieux, le « droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en ouvrant le bénéfice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés » (décision n° 83-156 DC du 28 mai 1983 ; décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998). Le législateur dispose, à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation pour adopter, dans l'exercice de sa compétence, les mesures qui lui paraissent le plus appropriées.
Au cas présent, l'article 1er de la loi déférée vise à permettre aux employeurs d'avoir davantage recours à des ressources en main-d'oeuvre immédiatement disponibles, en réduisant l'obstacle que peut constituer le coût des heures supplémentaires. En soi, cette mesure ne peut être jugée manifestement contraire au droit d'obtenir un emploi.
En premier lieu, elle n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de dissuader les employeurs d'embaucher s'ils étaient disposés à le faire. Le recours aux heures supplémentaires permet de faire appel à une main-d'oeuvre immédiatement opérationnelle et apte à répondre tout de suite aux besoins de l'entreprise ; l'embauche de salariés supplémentaires s'inscrit dans une perspective différente.
On peut remarquer que la loi déférée ne modifie nullement les règles du droit du travail qui encadrent le recours aux heures supplémentaires. Le recours à ces heures relève du pouvoir de direction de l'employeur et les garanties destinées à protéger les salariés continuent pleinement de s'appliquer. Si l'article 1er de la loi déférée entend inciter au recours aux heures supplémentaires, il ne remet pas en cause les règles applicables. Il prévoit aussi différents mécanismes pour prévenir les risques de fraude ou les effets d'optimisation. Le dispositif adopté par le législateur ne peut ainsi être regardé comme conduisant les employeurs à recourir aux heures supplémentaires au détriment de recrutements.
En second lieu, et on y reviendra, il faut souligner que l'objectif poursuivi par le législateur vise à augmenter la croissance par l'élévation du nombre d'heures travaillées, en jouant à la fois sur les capacités de production et sur le revenu des consommateurs. Cet objectif vise à favoriser la création d'emplois dans l'ensemble de l'économie française. En effet, les études internationales montrent qu'il existe une corrélation entre, d'une part, un volume total d'heures travaillées et une durée moyenne de travail par actif élevés et, d'autre part, un faible taux de chômage. Le législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, a ainsi considéré que la mesure critiquée, loin de restreindre le droit pour chacun d'obtenir un emploi et le nombre de personnes qui bénéficient de ce droit, tend au contraire à stimuler la création d'emplois.
Dans ces conditions, le grief adressé à l'article 1er de la loi déférée sur le terrain du cinquième alinéa du Préambule de 1946 ne saurait être accueilli.
2. En ce qui...

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