Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances pour 1999

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°303 du 31 décembre 1998
Date de publication31 décembre 1998
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000392346

La loi de finances pour 1999, adoptée le 18 décembre 1998, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés ainsi que par plus de soixante sénateurs. Plusieurs dispositions de la loi sont plus particulièrement contestées, par des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

I. - Sur les critiques mettant en cause la sincérité de la loi de finances et le droit d'information et de contrôle du Parlement

Quatre séries de critiques mettent en cause la sincérité de la loi de finances et le droit d'information et de contrôle du Parlement.

1.1. Les premières concernent les « crédits d'articles ».

A. - Selon les députés saisissants, la loi de finances pour 1999 ne respecterait pas pleinement l'obligation qui résulte de la décision no 97-395 DC du 30 décembre 1997 relative à la loi de finances pour 1998, selon laquelle les fonds de concours correspondant à l'article 5 de la loi no 48-1268 du 17 août 1948 et à l'article 6 de la loi no 49-1034 du 31 juillet 1949 doivent être « dûment réintégrés » dans le budget général de l'Etat dès 1999. En particulier, les députés critiquent le rattachement aux recettes non fiscales de l'Etat des recettes correspondant à l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949. Cette imputation aurait une influence sur le calcul des prélèvements obligatoires et affecterait en conséquence la sincérité de la loi de finances.

B. - Ces griefs doivent être écartés.

Il convient de souligner, en premier lieu, que la loi de finances pour 1999 tire toutes les conséquences de la décision précitée, en inscrivant en recettes du budget général 6,7 MdF correspondant à l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949 et en majorant les crédits de divers chapitres des services financiers d'un montant total de 11,1 MdF correspondant aux deux procédures en cause. La rebudgétisation des fonds de concours critiqués est donc effective et complète, comme le font apparaître le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale (rapport général, tome I, volume 2, et annexe no 16) ainsi que celui de la commission des finances du Sénat selon lequel « cet effort de sincérité doit être salué sans réserve » (tome IV, p. 229).

En deuxième lieu, il est exact que les recettes correspondant à l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949, antérieurement rattachées au budget des services financiers par voie de fonds de concours, ont été inscrites sur la ligne 309 des recettes non fiscales au sein de l'état A (évaluation des ressources affectées au budget général).

Cette imputation s'explique par le fait que la ligne 309 comportait jusqu'à présent le montant net des frais d'assiette et de recouvrement des impôts et taxes perçus au profit des collectivités locales, après déduction du prélèvement effectué au titre de l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949, qui ne représentait qu'environ un tiers du total. Il est apparu plus clair que l'opération de rebudgétisation de la loi de finances pour 1999 s'effectue par réintégration des recettes en cause sur la ligne même sur laquelle elles étaient prélevées, sans préjudice d'un reclassement ultérieur tenant compte de la nature juridique exacte des recettes retracées sur cette ligne.

Au demeurant, aucune disposition de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne fixe de règle en ce qui concerne la présentation de l'état A et la répartition des ressources du budget général qu'il évalue. L'essentiel, du point de vue de la clarté et de la sincérité des comptes, est que toutes les ressources qui alimentent le budget général soient identifiées et évaluées avec la précision nécessaire. A cet égard, les développements consacrés aux recettes non fiscales dans l'annexe Evaluation des voies et moyens au projet de loi de finances (p. 61 et suivantes), en particulier en ce qui concerne la ligne 309, montrent que le Parlement a disposé des informations nécessaires à l'exercice de ses prérogatives budgétaires.

Enfin, on rappellera que le montant total des prélèvements obligatoires et le pourcentage du produit intérieur brut qu'il représente ne constituent pas des éléments qu'il appartient à la loi de finances de fixer ou de prévoir en application de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Les prélèvements obligatoires, en effet, recouvrent à plus de 80 % des ressources qui ne sont pas perçues au bénéfice du budget de l'Etat (cotisations sociales, impôts locaux...). Les chiffres fournis sur ce point à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances ont donc pour seul objet de compléter l'information du Parlement sur le contexte dans lequel s'inscrit le budget de l'Etat.

En tout état de cause, la critique émise par les députés manque en fait, car le calcul du niveau des prélèvements obligatoires, par la direction de la prévision ou l'INSEE, est effectué à partir de chiffres tirés de la comptabilité nationale, qui ignorent la distinction de l'état A entre recettes fiscales et non fiscales ; de fait, la majorité de ces dernières, y compris celles de la ligne 309, est incluse dans cet agrégat.

1.2. Les députés requérants mettent également en cause certains fonds extrabudgétaires.

A. - L'article 110 de la loi de finances pour 1996 (no 95-1346 du 30 décembre 1995) a prescrit la réintégration, à compter du projet de loi de finances pour 1997, des recettes et dépenses extrabudgétaires de toutes les administrations de l'Etat. Les saisissants estiment que la loi de finances pour 1999 ne répond pas à cette exigence, car certains comptes de tiers n'ont pas été réintégrés au budget général ; ils considèrent que le maintien de cette pratique porte atteinte aux droits d'information et de contrôle du Parlement.

B. - Ces critiques appellent les observations suivantes :

En premier lieu, le grief tiré de ce que l'article 110 de la loi de finances pour 1996 ne serait pas, à ce stade, complètement appliqué est à l'évidence inopérant, la constitutionnalité d'une loi ne pouvant s'apprécier au regard des dispositions d'une autre loi.

On soulignera, en second lieu, que le Parlement a pu disposer, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 1999, d'informations précises et détaillées sur les « comptes de tiers » des services financiers, grâce notamment aux réponses fournies aux questionnaires des commissions. Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale (annexe no 16), en particulier, comporte des indications qui montrent que le Parlement a été informé et mis à même d'exercer son contrôle.

Enfin, il convient de rappeler, comme le font au demeurant les rapports des commissions des finances, que la réintégration des fonds extrabudgétaires des services financiers est en voie d'achèvement, alors que les dispositifs en cause sont, pour la plupart, anciens et complexes, de sorte qu'il s'agit d'un processus techniquement difficile. Ont ainsi été traités, depuis 1996 :

- la « masse des douanes », organisme chargé du logement des agents des douanes, érigé à compter du 1er janvier 1998 en établissement public ;

- les comptes extrabudgétaires du cadastre et des hypothèques, par incorporation au budget général.

Les deux tiers des recettes du compte 466-171 de la direction générale de la comptabilité publique, soit 850 MF environ, ont été incorporés au budget général et, pour une fraction, par création de rémunérations pour service rendu venant alimenter un fonds de concours (décret no 98-903 du 8 octobre 1998).

S'agissant plus particulièrement du compte de tiers 451, cité par les requérants, les précisions suivantes peuvent être apportées : ce compte enregistre des recettes issues de remises et commissions versées par les établissements financiers (Caisse des dépôts et consignation, Caisse nationale de prévoyance...), pour 90 % des recettes, et de l'activité de gestion des comptes de dépôt, pour 10 % des recettes. Les dépenses du compte portent sur des crédits de rémunération et de fonctionnement du réseau du Trésor public. Le total des ces opérations atteint environ 900 MF.

Les fonds extrabudgétaires (solde du compte 466-171, compte 451) qui n'ont pas encore été réintégrés dans le budget général ne représentent qu'un montant limité (1,2 MdF au total, soit environ 0,07 % des dépenses) et sont par nature équilibrés en recettes et en dépenses. Ils seront intégralement rebudgétisés d'ici à 2001, au fur et à mesure du traitement des difficultés techniques que soulève cette opération.

1.3. Les députés, auteurs de la première saisine, contestent en outre les prélèvements sur recettes.

A. - Ils estiment que certains des prélèvements sur recettes prévus par la loi de finances pour 1999 ne respectent pas les conditions fixées par la décision du Conseil constitutionnel no 82-154 DC du 29 décembre 1982 et devraient en conséquence être traités comme des dépenses budgétaires. Tel serait le cas, en particulier, de la dotation globale de fonctionnement et du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle.

B. - Ces critiques ne sont pas fondées.

1. On rappellera, tout d'abord, que, par la décision no 82-154 DC précitée, le Conseil constitutionnel a admis que les prélèvements sur recettes effectués au profit des collectivités locales et des Communautés européennes ne constituent ni des affectations de recettes à des dépenses venant en contradiction avec l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ni un manquement au principe d'universalité budgétaire : « L'état A énumère et évalue la totalité, avant prélèvement, des recettes de l'Etat, puis désigne et évalue chacun des prélèvements opérés, dont le total est, ensuite, déduit du montant brut de l'ensemble des recettes » ; en conséquence, cette présentation « ne conduit pas à dissimuler une recette ou une fraction de recette de l'Etat non plus qu'à occulter une charge » et elle n'est pas « contraire au principe de non-contraction, alors surtout que l'article d'équilibre renvoie expressément à l'état A. »

Cette décision a ainsi établi que les prélèvements sur...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT