Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 1998

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°303 du 31 décembre 1998
Record NumberJORFTEXT000000758577
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication31 décembre 1998

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante sénateurs, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 1998, adoptée le 22 décembre 1998. Les requérants contestent, d'une part, les articles 1er, 2 et 3, d'autre part, l'article 12, par des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - Sur la conformité des articles 1er, 2 et 3

aux principes de l'annualité et de la sincérité budgétaires

A. - Les sénateurs auteurs de la saisine affirment que la loi de finances rectificative pour 1998 « ouvre de nombreux crédits destinés à être reportés sur l'exercice 1999 ou sur des exercices ultérieurs », ce qui la rendrait « manifestement contraire tant au principe fondamental de l'annualité budgétaire qu'à l'obligation de sincérité dont le Conseil constitutionnel a déjà reconnu la nécessité impérieuse ».

B. - Cette critique n'est pas pertinente.

1. S'agissant en premier lieu des principes invoqués par les saisissants, on soulignera que l'annualité budgétaire ne peut être mise sur le même plan que les autres principes énoncés par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Aux termes mêmes de l'ordonnance, cette règle connaît d'importants et nombreux aménagements ou atténuations, qui s'expliquent par les nécessités de l'action de l'Etat et de la gestion efficace des finances publiques : engagements par anticipation (art. 11), autorisations de programme (art. 12), reports de crédits (art. 17), services votés (art. 33)....

La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne mentionne que très rarement l'annualité budgétaire, qui n'a, au demeurant, jamais été qualifiée de « règle fondamentale » à la différence de l'unité et de l'universalité budgétaires (no 94-351 DC du 29 décembre 1994). C'est d'ailleurs assez logique, l'annualité ne pouvant, quant à elle, se réclamer des mêmes fondements, issus des articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789, qui consacrent le droit essentiel du Parlement de consentir aux contributions nécessaires à la couverture des charges publiques et d'autoriser les dépenses correspondantes.

Au surplus, la règle de l'annualité budgétaire n'a pas la portée que semblent lui prêter les saisissants. En effet, en matière de charges de l'Etat, l'annualité recouvre en réalité deux éléments :

- le vote annuel par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances initiale, modifiée le cas échéant par des lois de finances rectificatives, des crédits ouverts au titre du budget général, des comptes spéciaux du Trésor et des budgets annexes ;

- l'établissement pour chaque année civile d'un ensemble de comptes dénommé budget, sur lequel sont imputées toutes les dépenses pour lesquelles les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires au cours de l'année considérée (art. 16 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959).

La règle d'annualité n'a en revanche pas pour objet, ni pour conséquence, d'imposer aux lois de finances initiales ou rectificatives de n'ouvrir que des crédits qui seront effectivement et en totalité dépensés au cours de l'exercice considéré.

On rappellera, au demeurant, qu'en matière de dépense, le vote des crédits par le Parlement a valeur d'autorisation, non de prévision comme en matière de recettes, et encore moins d'obligation (no 76-73 DC du 28 décembre 1976) : l'autorisation parlementaire d'engager des dépenses ne saurait être comprise comme une obligation de dépenser et à fortiori de dépenser au cours de l'année même de l'autorisation. Ceci est vrai aussi bien des lois de finances initiales que des lois de finances rectificatives et ne s'applique pas seulement aux autorisations de programme ouvertes pour les dépenses d'investissement.

Ainsi, si la majorité des crédits ouverts est dépensée en cours d'année, une partie peut être annulée en application des règles posées par l'article 13 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; une partie peut ne pas être dépensée sans être annulée (la moindre dépense étant constatée en loi de règlement) ; une partie, enfin, peut être reportée selon les règles prévues par l'ordonnance organique.

C'est ainsi que, chaque année, le niveau des reports constatés trouve son origine à la fois dans les crédits de la loi de finances initiale et de la loi de finances rectificative. Il représente moins de 4 % du total des crédits ouverts et reste relativement stable depuis le début des années 1990.

S'agissant enfin du principe de sincérité budgétaire, on observera qu'il a été jusqu'à présent invoqué par le Conseil constitutionnel en matière d'évaluations de recettes (no 93-320 DC du 21 juin 1993, no 94-351 DC du 29 décembre 1994) ou de débudgétisation ou omissions en matière de dépenses (no 94-369 DC du 28 décembre 1995, no 97-395 DC du 30 décembre 1997). Pour les raisons qui ont été indiquées, et qui tiennent à la portée même du vote du Parlement en matière d'ouverture de crédits, il paraît moins aisé de confronter à ce principe des crédits qui figurent dans la loi de finances.

2. Au regard des règles qui viennent d'être rappelées, la loi de finances rectificative pour 1998 ne comporte aucun élément qui pourrait en affecter la conformité aux principes constitutionnels et organiques.

a) Les crédits supplémentaires qui sont ouverts, pour un montant brut de 77,8 MdF, seront utilisés conformément aux règles de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

En particulier, aucun crédit voté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998 ne pourra donner lieu à des dépenses effectuées en 1999 en dehors des cas expressément prévus par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 (art. 17). En effet, et afin de faciliter la continuité de l'action des pouvoirs publics, l'ordonnance a...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT