Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances pour 2014

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0303 du 30 décembre 2013
Date de publication30 décembre 2013
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000028402148



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de finances pour 2014.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. ― Sur l'article 3


A. ― L'article 3 de la loi déférée abaisse de 2 000 euros à 1 500 euros le plafond du montant par demi-part de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial.
Les députés requérants estiment que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques.
B. ― Ce grief ne pourra qu'être écarté.
Saisi d'un premier abaissement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial, le Conseil constitutionnel a relevé « qu'il résulte de l'objet même du mécanisme du quotient familial et de son plafonnement que les contribuables ayant des enfants à charge sont traités différemment, d'une part, des contribuables sans enfant à charge et, d'autre part, selon le nombre d'enfants en charge ; que le plafonnement du quotient familial ne remet pas en cause la prise en compte des facultés contributives qui résulte de cette différence de situation ; qu'en tout état de cause, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'impose pas que la prise en compte des charges de famille pour apprécier les facultés contributives ne puisse résulter que d'un mécanisme de quotient familial » (décision n° 2012-662 du 29 décembre 2012, cons. 26).
Afin d'assurer la pérennité du financement de la politique familiale, le Gouvernement a décidé de préserver l'universalité des allocations familiales mais de diminuer l'avantage en impôt maximal résultant de l'application du quotient familial.
Cette mesure permettra de réaliser un gain budgétaire de plus d'un milliard d'euros. Elle permettra également de renforcer la progressivité de l'impôt, l'avantage du quotient familial croissant avec le montant du revenu.
La réduction de l'avantage fiscal lié au quotient familial ne concernera que 13 % des foyers fiscaux ayant des enfants à charge, les ménages concernés appartenant aux 30 % des ménages les plus aisés. Ainsi, pour les couples mariés avec deux enfants, le plafonnement s'appliquera uniquement à ceux dont le revenu imposable est supérieur à 5 850 euros par mois.
Ainsi, le législateur, en conservant le mécanisme du quotient familial tout en diminuant l'avantage maximal qui peut résulter de son application, n'a pas remis en cause la prise en compte des facultés contributives.


II. ― Sur l'article 13


A. ― L'article 13 de la loi déférée modifie la liste des revenus pris en compte dans le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour y inclure les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment l'assurance vie, pour leur montant retenu au titre de l'assiette des prélèvements sociaux.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que ces dispositions méconnaissent l'exigence de prise en compte des facultés contributives.
B. ― Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
Le Conseil constitutionnel a jugé que ne pouvaient être intégrées « dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la totalité des impôts dus au titre des revenus, des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année » (décision n° 2012-662 du 29 décembre 2012, cons. 95).
Le législateur a souhaité préciser ce qu'il fallait entendre comme « revenus réalisés par le contribuable » pour le calcul du plafonnement de l'impôt sur la solidarité sur la fortune en indiquant que les revenus correspondant aux produits des contrats d'assurance vie en euros devaient être pris en compte.
En effet, à la différence des gains latents des contrats d'assurance vie en unités de compte qui peuvent varier fortement d'une année à l'autre, la valeur des contrats d'assurance vie en euros n'est plus susceptible d'évolution.
Si le contribuable peut décider de ne pas disposer de ces revenus immédiatement, notamment en raison des avantages fiscaux liés à la durée de détention des contrats d'assurance vie, les produits des contrats d'assurance vie en euros doivent bien être regardés comme des revenus réalisés au cours de l'année.
Cette situation est la même pour les compartiments en euros des contrats d'assurance vie multisupports. Les gains enregistrés sur ces compartiments sont certains à la différence des gains latents sur les compartiments en unités de compte.
Il convient de constater qu'une telle solution est d'ailleurs cohérente avec le mécanisme du plafonnement. En effet, l'article 885 V bis du code général des impôts prévoit la prise en compte, au numérateur du dispositif de plafonnement, des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus de l'année précédente. Ces dispositions impliquent la prise en compte des prélèvements sociaux opérés au fil de l'eau sur les produits en euros des contrats d'assurance vie. Il est donc normal de prendre en compte les revenus correspondant au dénominateur pour le calcul du plafonnement.
En précisant cette notion, le législateur a d'ailleurs repris des dispositions qui avaient été introduites pour le dispositif antérieur dit du « bouclier fiscal » prévu à l'article 1649-0 A du code général des impôts par l'article 22 de la dernière loi de finances rectificative pour 2011. Or, le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause cet article dont il a été spécialement saisi.
L'article 13 est donc conforme à la Constitution.


III. ― Sur l'article 15


A. ― L'article 15 de la loi déférée instaure une taxe exceptionnelle de 50 %, acquittée par les entreprises, assise sur la part des rémunérations individuelles supérieure à un million d'euros versée en 2013 et 2014.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que cet article méconnaît le principe de respect des facultés contributives des contribuables ainsi que le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt. Ils estiment également que ces dispositions ont un caractère rétroactif.
Les sénateurs requérants estiment également que la présentation de cet article a méconnu le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires et que cette taxe revêt le caractère d'une sanction.
B. ― Le Gouvernement considère que ces griefs ne sont pas fondés.
1. Sur le principe d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques.
i) La taxe instaurée par l'article 15 porte sur les entreprises et non sur les personnes physiques. Elle est assise sur la charge que représentent pour ces entreprises les rémunérations supérieures à un million d'euros au titre des années 2013 et 2014 et qui sont comptabilisées comme telles dans leurs comptes. Elle saisit ainsi la capacité contributive révélée par la capacité des entreprises à verser des rémunérations très élevées.
Les appointements prélevés par des associés gérants sur les recettes des entreprises n'ayant pas opté pour l'impôt sur les sociétés ne sauraient donc être comparés aux rémunérations soumises à la taxe exceptionnelle pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés.
L'objectif poursuivi par le législateur est de soumettre la charge que représentent des rémunérations exceptionnellement élevées, dans la mesure où cette charge révèle une capacité contributive de l'entreprise, à la taxe de 50 %. Il n'est pas de créer une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu.
Au regard de cet objectif, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité en prévoyant un traitement fiscal différent des rémunérations versées aux dirigeants selon que l'entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu.
ii) Le législateur a également pu prendre en compte l'ensemble des composantes des rémunérations supérieures à un million d'euros qui constituent une charge pour l'entreprise.
On ne saurait ainsi limiter l'assiette de la taxe aux rémunérations dont le salarié aurait la disposition immédiate.
Les plans d'attribution d'actions gratuites ou d'options de souscription d'action ou d'achat d'actions, de même que les versements effectués par l'entreprise en matière de retraites, et non, comme le soutiennent les requérants, les provisions passées en matière de retraites, constituent des charges pour les entreprises.
Le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant l'impôt en soumettant à la taxe l'ensemble des éléments de la rémunération dont l'entreprise gratifie le salarié, sans distinguer entre le salaire stricto sensu et les autres modalités de rémunération des salariés.
iii) On ne saurait pas plus arguer du fait qu'il existerait une différence de traitement suivant qu'un même salarié est rémunéré par une seule entreprise ou plusieurs entreprises.
Le fait qu'un salarié soit rémunéré par deux sociétés est sans incidence sur la capacité contributive de ces entreprises au regard de la taxe additionnelle. Le dispositif fiscal prévu par le législateur n'avait donc pas à prévoir un traitement différent pour ce cas de figure.
On relèvera, à cet égard, que ce dispositif ne peut être regardé comme une incitation à morceler les rémunérations entre plusieurs entreprises d'un même groupe. La déductibilité d'une rémunération qui ne correspondrait pas à un travail effectif ou serait excessive eu égard à l'importance du service pourrait être remise en cause par le contrôle fiscal, en application de l'article 39 du code général des impôts.
iv) Le taux de la taxe ne peut être regardé comme excessif.
Il convient, en premier lieu, de relever que, contrairement à ce que soutiennent les députés et sénateurs auteurs de la saisine, l'appréciation du caractère excessif de la taxe ne saurait prendre en compte les impositions à la charge des salariés, mais doit être examiné du point de vue de l'entreprise.
Le Conseil constitutionnel considère que « il convient, pour apprécier le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, de prendre en compte...

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