Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°109 du 12 mai 1998
Record NumberJORFTEXT000000374400
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication12 mai 1998

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'une requête dirigée contre la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, adoptée le 8 avril 1998. Les auteurs de la saisine estiment non conformes à la Constitution trois dispositions de la loi, figurant respectivement à l'article 1er, à l'article 13 et à l'article 29.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

I. - Sur l'article 1er :

A. - En vertu de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'entrée en France est subordonnée, sauf cas particuliers, à la possession par l'étranger d'un visa. Les visas font l'objet de décisions de délivrance ou de refus émanant des consuls de France à l'étranger.

La loi du 9 septembre 1986, dans son article 16, a disposé que, par exception aux prescriptions générales de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France n'avaient pas à être motivées.

Tout en introduisant, pour plus de clarté, cette exception dans le texte de l'article 5 de l'ordonnance de 1945, la loi déférée a entendu apporter des dérogations au principe retenu par le législateur en 1986 : doivent être néanmoins motivés les refus de visas opposés à des étrangers relevant de catégories qu'énumère la nouvelle loi. Au nombre de ces catégories figure notamment celle des « conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, et ascendants de ressortissants français ».

Les auteurs de la saisine font grief à la loi de séparer, sans justification, le cas des enfants de moins de vingt et un ans de celui des autres enfants. Ils estiment que seule une limite d'âge de dix-huit ans aurait eu un sens, tandis que celle de vingt et un ans ne serait fondée sur aucune considération particulière. A leurs yeux, cette inégalité de traitement ne repose sur aucun motif d'intérêt général. Elle serait donc contraire au principe d'égalité.

B. - Cette argumentation ne peut être retenue.

1. En premier lieu, il convient de souligner que le choix des catégories énumérées à l'article 1er de la loi est parfaitement rationnel : pour l'essentiel, il s'agit des catégories d'étrangers susceptibles, en vertu de l'article 15 de l'ordonnance, de bénéficier de plein droit d'une carte de résident de dix ans.

Le législateur a en effet estimé que, dès lors que, en principe, rien ne peut s'opposer à la présence des étrangers ainsi visés en France, il était opportun de contraindre l'autorité consulaire à motiver un refus normalement très exceptionnel. On rappellera en effet qu'en droit il est toujours possible de refuser un visa, alors même que l'étranger aurait de plein droit le bénéfice d'une carte de résident en France, ainsi que le Conseil d'Etat vient de le rappeler dans une décision du 18 février 1998, M'Bock-Peytavin, no 182 249.

Dans ces conditions, le choix du législateur de faire coïncider la catégorie des étrangers dont le refus qui est opposé à leur demande de visa doit faire l'objet d'une motivation avec celle des étrangers pouvant prétendre à une carte de résident de plein droit ne pouvait conduire à prendre une autre limite que celle de l'âge de vingt et un ans.

En effet, le 2o de l'article 15 de l'ordonnance dispose que la carte de plein droit est attribuée, avec les réserves définies à cet article, « à l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française, si cet enfant a moins de vingt et un ans ». Il n'aurait guère été cohérent de retenir un âge de dix-huit ans, comme le préconisent les auteurs de la saisine, alors que la situation des enfants de moins de dix-huit ans et de ceux de dix-huit à vingt et un ans est identique au regard de l'ordonnance de 1945.

2. En second lieu, et de manière plus générale, le choix d'un âge de vingt et un ans à l'article 15 et, désormais, à l'article 5 est le plus pertinent au regard de l'objet de la loi.

A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que la limite d'âge de dix-huit ans n'est pas la seule qui puisse être prise en considération pour les enfants.

Ainsi l'article 9 de l'ordonnance de 1945 établit une première limite à seize ans (rendue nécessaire par les dispositions de l'article L. 211-1 du code du travail relatif à l'âge d'admission au travail) : tout étranger salarié à seize ans doit être titulaire d'une carte de séjour. Il existe d'autres limites, inférieures ou supérieures à dix-huit ans, en droit français : le mineur peut être porté sur le passeport d'une personne qui l'accompagne jusqu'à quinze ans ; l'ouverture du droit aux prestations familiales, résultant des articles L. 512-3 et R. 512-2 du code de la sécurité sociale ; ou l'âge d'éligibilité au conseil régional (art. L. 339 du code électoral), etc.

En outre, et surtout, l'invocation d'un « seuil traditionnel de dix-huit ans » est, en l'espèce, dépourvue de pertinence. Il ne s'agit pas en l'occurrence d'appliquer à une population française, dans un domaine qui ne la concerne pas, les règles qui découlent de l'article 488 du code civil relatif à l'âge de la majorité légale. Il s'agit au contraire de déterminer l'âge auquel des enfants de nationalité étrangère doivent, en matière d'entrée et de séjour sur le territoire, être regardés comme à charge ou non. En ce domaine, la référence à l'âge de la majorité en France ne peut être une référence. Si le législateur de 1984 (loi no 84-622 du 17 juillet) a fixé unanimement à vingt et un ans l'âge jusqu'auquel les enfants étrangers doivent être regardés comme à charge de leurs parents, c'est parce qu'il a constaté la diversité de l'âge des majorités légales dans les pays étrangers. C'est notamment pour tenir compte de l'âge le plus élevé dans un certain nombre de pays proches qu'il a retenu ce choix. Il est par conséquent contestable de soutenir, comme le font les auteurs de la saisine, que cette limite ne serait pas fondée sur des considérations particulières.

Au regard de l'objectif de la loi relative à l'entrée et le séjour des étrangers et au droit d'asile, on ne saurait contester que les Français et les étrangers se trouvent bien dans une situation différente. Rien n'interdisait donc de prévoir ici un régime distinct de motivation selon un âge différent de l'âge de la majorité civile en France. Et puisqu'il ne saurait être question d'adapter une loi générale à la situation de chaque législation étrangère, c'est fort logiquement que le législateur a retenu une seule limite.

II. - Sur l'article 13 :

A. - L'ordonnance du 2 novembre 1945, dans son article 21, prévoit des peines délictuelles pour ceux qui, en France, auront facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou le séjour irrégulier d'un étranger. Ces infractions sont également passibles de sanctions pénales, définies à l'article 21 ter, lorsqu'elles sont le fait de personnes morales, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal.

L'article 25 de la loi du 22 juillet 1996 relative à la répression du terrorisme a toutefois complété l'article 21, pour y introduire une immunité pénale en faveur des proches parents de l'étranger. Cette immunité a été prévue au bénéfice du conjoint, d'un ascendant ou d'un descendant.

Dans le prolongement de ce dernier texte, l'article 13 de la loi contestée a, d'une part, élargi le cercle des personnes physiques qui, à l'article 21, sont susceptibles de bénéficier de l'immunité pénale, d'autre part, introduit, à l'article 21 ter, une immunité de même nature pour les associations à but non lucratif à vocation humanitaire, ainsi que les fondations, lorsqu'elles apportent, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger en séjour irrégulier. Les associations concernées sont énumérées dans un arrêté du ministre de l'intérieur.

Pour contester cette dernière disposition, les auteurs de la saisine font valoir qu'elle porte atteinte au principe de la liberté d'association. Ce principe ferait obstacle, selon eux, à ce que la liste des associations ainsi visées soit déterminée par le pouvoir réglementaire. L'article 34 de la Constitution se trouverait, par là même, méconnu. Les requérants considèrent également que la discrimination ainsi opérée entre associations est contraire au principe d'égalité.

B. - Les critiques des requérants appellent les...

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