Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative aux organismes génétiquement modifiés

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0148 du 26 juin 2008
Record NumberJORFTEXT000019066288
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication26 juin 2008


Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), adoptée le 22 mai 2008.
Les recours mettent en cause la régularité de la procédure législative et adressent, sur le fond, différentes critiques aux articles 2, 6, 7, 8, 10, 11 et 14 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

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I. ― Sur la procédure législative

A. ― Les députés saisissants soutiennent, en premier lieu, que la convocation de la commission mixte paritaire le jour même du vote par l'Assemblée nationale de la question préalable aurait eu pour effet de méconnaître les droits du Parlement et que les dispositions du premier alinéa de l'article 42 du règlement de l'Assemblée nationale auraient été méconnues. Ils critiquent, en second lieu, les conditions dans lesquelles la commission mixte paritaire a adopté le texte. Au soutien de ce grief, les députés font valoir que la commission n'aurait pas délibéré sur les dispositions restant en discussion au sens de l'article 45 de la Constitution et en déduisent que la procédure d'adoption de la loi déférée les aurait privés du droit d'amendement en méconnaissance de l'article 44 de la Constitution.
Les sénateurs, pour leur part, mettent en cause la conformité de la loi déférée aux dispositions du 4° de l'article 91 et du 3° de l'article 84 du règlement de l'Assemblée nationale et font valoir que la saisine de la commission mixte paritaire serait constitutive d'un détournement de procédure dès lors que les conditions de sa réunion, fixées par l'article 45 de la Constitution, n'étaient pas remplies.
Les auteurs des deux recours soutiennent enfin qu'auraient été méconnues les dispositions du 4° de l'article 151 du règlement de l'Assemblée nationale qui seraient le prolongement nécessaire » de l'article 88-4 de la Constitution.
B. ― Pour sa part, le Gouvernement considère que la loi adoptée ne s'expose à aucune de ces critiques.
1. En premier lieu, il relève que l'argumentation qui se prévaut de diverses dispositions du règlement de l'Assemblée nationale est inopérante.
En effet, les règlements des assemblées n'ont pas, par eux-mêmes, valeur constitutionnelle. Leur éventuelle méconnaissance n'est, par suite, pas de nature à conduire le Conseil constitutionnel à juger que la loi aurait été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution. Cette solution est constante ; elle a été notamment rappelée par la décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, à propos précisément des dispositions du 4° de l'article 91 et du 3° de l'article 84 du règlement de l'Assemblée nationale invoquées par les parlementaires requérants.
2. En deuxième lieu, le Gouvernement estime que les conditions auxquelles l'article 45 de la Constitution subordonne la faculté du Premier ministre de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire étaient, en l'espèce, réunies.
On doit rappeler que le projet de loi a fait l'objet d'une première lecture au Sénat puis à l'Assemblée nationale avant que le Sénat, en deuxième lecture, adopte un texte conforme à celui voté par l'Assemblée nationale en première lecture sauf sur une partie des dispositions de ce qui est devenu l'article 2 de la loi déférée. Par un vote en deuxième lecture le 13 mai 2008, l'Assemblée nationale a cependant adopté une question préalable sur le texte. Selon le 4° de l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale, la question préalable a pour objet de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer » et que son adoption entraîne le rejet du texte à l'encontre duquel elle a été soulevée ».
Dans ces conditions, il n'apparaît pas douteux que demeurait un désaccord entre les deux assemblées » au sens de l'article 45 de la Constitution, dès lors que l'Assemblée nationale n'adoptait pas le même texte que celui qui avait été adopté en deuxième lecture par le Sénat. Il est clair, en outre, qu'il a été procédé à deux lectures par chaque assemblée » au sens de l'article 45 : l'adoption d'une motion de procédure constitue un examen et, par suite, une lecture du texte en débat.
On peut relever, d'ailleurs, que le 1° de l'article 109 du règlement de l'Assemblée nationale prévoit que le rejet de l'ensemble d'un texte au cours de ses examens successifs devant les deux assemblées du Parlement n'interrompt pas les procédures fixées par l'article 45 de la Constitution.
Faute d'adoption d'un texte identique à l'issue de deux examens par chacune des assemblées, le Premier ministre pouvait régulièrement provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire en application du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution.
3. En troisième lieu, on ne peut considérer que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, selon lesquelles la commission mixte paritaire est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » auraient été au cas d'espèce méconnues.
Au cas présent, sans doute peut-on s'interroger sur l'étendue des dispositions restant en discussion » qui devaient impérativement être soumises à la commission mixte paritaire. Certaines indications données par la jurisprudence du Conseil constitutionnel incitent à considérer que les dispositions identiquement votées par les deux assemblées à un stade antérieur de la navette ne devaient pas être discutées par la commission mixte paritaire (a). La position des deux assemblées est néanmoins que, dans le cas spécifique de l'adoption d'une question préalable en deuxième lecture, l'ensemble du texte devait être remis en discussion (b). En toute hypothèse, le Gouvernement estime, au cas particulier, compte tenu du texte élaboré par la commission mixte paritaire, que les dispositions de l'article 45 de la Constitution n'ont pas été méconnues (c).
a) La jurisprudence du Conseil constitutionnel peut donner à penser que la commission mixte paritaire ne devait être saisie, au cas présent, que des dispositions qui n'avaient pas été votées en termes identiques par les deux assemblées à une étape antérieure de la navette.
Dans ce sens, on peut faire valoir qu'il résulte de l'article 45 de la Constitution que le rôle et l'objet de la commission mixte paritaire sont de permettre d'aboutir à un compromis sur les points où se manifeste encore un désaccord entre les deux assemblées.C'est pourquoi les dispositions de l'article 45 sont interprétées par le Conseil constitutionnel dans le sens que la commission ne peut proposer un texte que si celui-ci porte sur des dispositions restant en discussion, c'est-à-dire qui n'ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblée » (voir les décisions n° 76-74 DC du 28 décembre 1976 et n° 2004-501 DC du 5 août 2004).
Il faut relever, en outre, que la jurisprudence dite de l'entonnoir » (voir notamment la décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006) plaide également dans le sens d'une cristallisation des débats au rythme des lectures successives dans les deux assemblées. Cette jurisprudence donne à penser que la discussion des dispositions au sein de la commission mixte paritaire ne devrait porter que sur celles des dispositions que les deux assemblées n'ont pas adoptées en termes identiques par des votes conformes au cours des deux premières lectures.
b) Toutefois, pour le cas particulier où est adoptée une motion de procédure par une assemblée, il faut indiquer que les assemblées parlementaires considèrent traditionnellement que l'ensemble du texte, y compris celles de ses dispositions votées identiquement par les deux assemblées à un stade antérieur, doit être regardé comme restant en discussion » au sens de l'article 45 de la Constitution.
Deux séries de considérations...

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