Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la réduction négociée du temps de travail

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°16 du 20 janvier 2000
Date de publication20 janvier 2000
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000386145

Observations du gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la réduction négociée du temps de travail
I - Sur l'exercice de sa compétence par le législateur
A. - Les sénateurs et députés requérants mettent en cause l'exercice de sa compétence par le législateur. Un certain nombre de dispositions de la loi seraient entachées d'imprécision (ainsi, le IV de l'article 1, l'article 17 et l'article 19). En outre, le I et le XI de l'article 19 dessaisissent le Parlement de son pouvoir budgétaire en laissant aux partenaires sociaux la possibilité de faire varier les dépenses publiques. Les articles 3, 4 et 11 modifieraient implicitement les règles relatives aux jours fériés qui sont obligatoirement chômés, dans des conditions incompatibles avec les exigences de clarté de la loi. Enfin, les requérants font également valoir qu'en enjoignant au Gouvernement de revaloriser le SMIC dans un délai maximum de cinq ans (article 32), le législateur a excédé ses pouvoirs.
B - Le Gouvernement considère que le législateur a exercé sa compétence en conformité avec l'article 34 de la Constitution. En premier lieu, la compétence du législateur se limite à la détermination des seuls "principes fondamentaux" dans les matières délimitées par l'article 34 de la Constitution. Et selon la décision n° 98-401 DC du 10/06/1998, la Constitution n'impose pas au législateur de fixer lui-même, dans les moindres détails, les règles dont il pose les principes. Ainsi, une large place est laissée à l'exercice du pouvoir réglementaire. De plus, les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 rendent possible, pour les partenaires sociaux, de déterminer eux-mêmes, par voie de négociation, certaines des règles relatives aux conditions de travail, et notamment à sa durée.
Au regard de l'ensemble de ces principes, la loi n'encourt aucune des critiques qui lui sont adressées.
1° Concernant le IV de l'article 1, précisant le caractère "loyal et sérieux" que devaient revêtir les négociations préalables à la présentation d'un plan social. La loi entend donner au juge, s'il est saisi, la possibilité de faire échec à des comportements abusifs qui consisteraient à faire de cette obligation une simple formalité accomplie sans aucune volonté d'aboutir. De plus, le moyen relatif à l'incidence du seuil de 1600 heures sur le chômage des jours fériés manque en fait. La loi déférée n'ayant ni pour objet, ni pour effet de modifier les règles relatives au chômage des jours fériés. En outre, la notion d ' "adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois" figurant à l'article 17 ne s'expose pas davantage aux critiques des requérants. Cette notion est issue de la jurisprudence qui l ' a érigée en devoir de l'employeur à partir de l'obligation générale de loyauté dans l'exécution des contrats issue de l'article 1134 du code civil. Le législateur l'a inscrite dans le droit positif ce qui permet ainsi le partage entre les formations qui sont assimilées par la loi à du temps de travail effectif parce qu'elles découlent des obligations contractuelles de l'employeur à l'égard de ses salariés, et les autres types de formation qui dépassent le cadre de ces obligations.
2° Concernant les critères d'attribution et de suspension des aides posés par l'article 19 ne sont entachés d'aucune imprécision. En premier lieu, il appartenait seulement à la loi de poser le principe de l'allégement ainsi que la nature des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de cette aide. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la loi satisfait pleinement aux exigences de l'article 34 de la Constitution.
- Sur les motifs se rapportant aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement : Le bénéfice de l'allégement est ouvert sur la base d'une déclaration de l'employeur adressée aux organismes de recouvrement des cotisations sociales (XI de l'article 19), d'où la suppression dudit bénéfice lorsque la déclaration n'est pas conforme (XV de l'article 19). De la même façon, le bénéfice de l'allégement étant soumis à la conclusion d'un accord (II de l'article 19) dont les conditions sont prévues par l'article 19 (paragraphes V à VIII), il pourra être supprimé en cas de non-conformité de l'accord (XVI de l'article 19).
- Sur les motifs relatifs au non- respect des engagements souscrits dans l'accord en matière de durée du travail : La remise en cause de l'allégement peut provenir du non- respect des engagements souscrits en matière d'emploi (III de l'article 19), entraînant une suspension de l'allégement. Ou par ailleurs, du non- respect des engagements souscrits en matière de durée du travail (XV et I de l'article 19).Dès lors, les critères de suspension du bénéfice de l'allégement sont de deux ordres. Premièrement, l'entreprise doit assurer le respect des limites fixées au I de l'article 19 en confrontant la ou les durées de travail fixées dans l'accord et les durées et horaires de travail collectifs pratiqués effectivement dans l'entreprise ou l'établissement. Le décret en Conseil d 'Etat prévu au XVII de l'article 19 précisera que la notion d'incompatibilité doit s'apprécier dans ce sens. Le second critère a trait aux durées du travail des salariés pris individuellement (XV de l'article 19).
Les motifs autres que ceux susvisés ne sont pas de nature à fonder une décision de suspension ou de suppression, sauf dénonciation de l'accord par les organisations syndicales et si les conditions posées par le quatrième alinéa du XV de l'article 19 sont remplies. Enfin la loi définit de manière précise la procédure à laquelle sont soumises les décisions de suspension ou de suppression de l'allégement.
3° Le moyen tiré du prétendu dessaisissement du pouvoir budgétaire du Parlement. L'allégement de cotisations sociales n'a aucune incidence sur le budget de l'Etat. De plus il est de la nature même d'un régime d'aide de se traduire par un coût plus ou moins important, suivant le nombre des candidats qui satisferont aux conditions prévues par la loi. Enfin, le moyen tiré de ce que le Parlement aurait excédé ses pouvoirs (au V de l'article 32) n'est pas davantage fondé. En effet, rien n'interdit à celui-ci de décider, afin d'assurer l'équilibre du mécanisme prévu à l'article 32, que celui-ci deviendra sans objet avant le 1/1/2005.
II - Sur le respect de la liberté contractuelle
A - Les requérants soutiennent que la loi porterait une atteinte excessive à la liberté contractuelle, en remettant en cause les accords conclus sur le fondement de la loi du 13/06/1998. Tel serait le cas pour les articles 5, 8, 11, 17, 28 et 32 de la loi.
B - Il s'agit d'une interprétation erronée du dispositif contesté mais aussi du cadre constitutionnel s'imposant au législateur. S'agissant de ce dernier point, la liberté contractuelle n'a pas elle-même valeur constitutionnelle. La décision n° 98-401 DC du 10/06/1998 précise que la loi ne peut porter une atteinte d'une telle gravité qu'elle méconnaisse manifestement la liberté contractuelle. En l'espèce, non seulement la loi ne porte aucune atteinte d'une telle gravité aux accords antérieurement conclus mais elle les respecte.
1° La loi respecte les accords négociés dans le cadre de la loi du 13/06/1998 et les conforte, empêchant leur remise en cause devant les tribunaux. En premier lieu, elle leur donne une base juridique à travers plusieurs dispositions (notamment aux articles 11, 8, 17 et 16). De plus, la loi valide et pérennise les accords organisant la réduction du temps de travail sous forme de jours, sur le mois ou l'année (article 9). Elle sécurise les clauses des conventions et accords collectifs relatives, au temps de travail à temps partiel (IX de l'article 12) et à la formation (article 17). Enfin, le I de l'article 28 comporte une disposition générale permettant de valider les accords qui ont été conclus.
2° Les paramètres fondamentaux négociés par les partenaires sociaux sont respectés. Tel est la cas, en premier lieu, pour le niveau du contingent au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise pour faire effectuer des heures supplémentaires. Un seul accord a explicitement visé le contingent au-delà duquel se déclenche le repos compensateur, et doit, à ce titre, faire l'objet d'une exclusion dans le cadre de la procédure d'extension qui est en cours. S'agissant en deuxième lieu, de la durée annuelle du travail, la loi ne fait que reprendre le seuil de 1600 heures retenu pour la plupart des accords d'entreprise. Le V de l'article 8 prévoit expressément le maintien en vigueur des stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L.212-2-1 et L.212-8 du code du travail antérieurement applicables. Pour les heures qui dépasseront le seuil annuel de 1600 heures, elles seront soumises au régime des heures supplémentaires. Enfin, la loi confirme également les dispositions spécifiques aux cadres.
3° En fait, le législateur n'a simplement pas validé trois types de clauses, parmi celles qui étaient contraires à l'ordre public social lorsqu'elles ont été conclues, et le demeureront après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi : Il s'agit des clauses relatives au repos dominical incluses dans certains accords et des clauses excluant du temps de travail toute la formation, y compris la formation au poste de travail et à la sécurité. S'agissant enfin des forfaits "tous horaires", la jurisprudence de la Cour de cassation les limites aux cadres dirigeants, ce que la loi traduit dans le code du travail par le critère d'indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps.
4° Les critiques adressées au II de l'article 28 se méprennent sur sa portée exacte. En effet par dérogation aux règles d'application immédiate issues de la jurisprudence de la Cour de cassation qui auraient prévalu si cette disposition n'avait pas été adoptée, les partenaires sociaux disposeront ainsi d'un délai suffisant pour procéder aux ajustements nécessaires.
III. Sur les autres moyens tirés de...

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