Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°71 du 24 mars 2006
Record NumberJORFTEXT000000456743
Date de publication24 mars 2006
CourtMINISTERE DE LA JUSTICE
ELIhttps://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2006/3/24/JUSX0600032P/jo/texte


Monsieur le Président,
Moderniser les sûretés afin de les rendre lisibles et efficaces tant pour les acteurs économiques que pour les citoyens tout en préservant l'équilibre des intérêts en présence, tels sont les objectifs de la présente ordonnance.
En insérant l'ensemble des textes consacrés aux sûretés dans un livre quatrième du code civil, l'ordonnance est dans la tradition juridique française de codification et oeuvre pour une meilleure lisibilité du droit.
De même, en proposant des règles innovantes qui d'une part simplifient la constitution des sûretés, élargissent leur assiette, et facilitent leur mode de réalisation, tout en prévoyant d'autre part des règles protectrices en faveur de ceux qui ont recours au crédit, les objectifs d'efficacité et de protection sont atteints.
C'est à la lumière de ces objectifs, sur la base du rapport remis au garde des sceaux le 31 mars 2005 par le groupe de travail présidé par le professeur M. Grimaldi et dans le cadre du champ d'habilitation déterminé par l'article 24 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, que cette ordonnance a été élaborée.
L'ordonnance est divisée en cinq titres :
Titre Ier. - Dispositions relatives au livre IV du code civil ;
Titre II. - Dispositions modifiant le code de la consommation ;
Titre III. - Dispositions modifiant le code de commerce ;
Titres IV et V. - Dispositions diverses, transitoires et finales.


1. LE TITRE Ier : DISPOSITIONS RELATIVES
AU LIVRE QUATRIÈME DU CODE CIVIL


Le titre Ier de l'ordonnance porte création du livre IV consacré aux sûretés, puis détaille les règles relatives aux sûretés personnelles et mobilières d'une part, et aux sûretés immobilières d'autre part.


1.1. La création d'un livre quatrième consacré aux sûretés
1.1.1. Le plan du livre IV


Les articles 1er et 2 de l'ordonnance modifient l'architecture du code civil en remplaçant l'actuel livre IV consacré aux dispositions applicables à Mayotte (lesquelles seront insérées dans un livre V), par un livre consacré exclusivement aux sûretés. Ce livre est divisé en deux titres. Le premier, intitulé « Des sûretés personnelles », a vocation à accueillir les règles régissant le cautionnement et à recevoir dans le code civil deux sûretés personnelles élaborées par la pratique, la garantie autonome et la lettre d'intention. Le titre second, intitulé « Des sûretés réelles », est subdivisé en trois sous-titres, l'un consacré aux dispositions générales, l'autre consacré aux sûretés mobilières, et un dernier aux sûretés immobilières. Le sous-titre II fait l'objet d'une division en quatre chapitres consacrés respectivement aux « privilèges mobiliers » (chapitre Ier), au « gage de meubles corporels » (chapitre II), au « nantissement des meubles incorporels » (chapitre III) et à la « propriété retenue à titre de garantie » (chapitre IV). Le sous-titre III accueille les règles régissant les sûretés sur les immeubles et comprend un chapitre Ier consacré aux « Privilèges immobiliers », un chapitre II relatif à « l'antichrèse », un chapitre III relatif aux « hypothèques », un chapitre IV relatif à « l'inscription des privilèges et des hypothèques », un chapitre V relatif à « l'effet des privilèges et hypothèques », un chapitre VI relatif à la « purge des privilèges et hypothèques » et un chapitre VII relatif à « l'extinction des privilèges et hypothèques ».


1.1.2. Les dispositions générales du livre IV


Les dispositions générales qui figureront en tête du livre IV du code civil sont prévues à l'article 3 de l'ordonnance.
Elles reprennent les actuels articles 2092 et 2093 du code civil (relatifs au principe du droit de gage général), qui deviennent respectivement les articles 2284 et 2285 du présent livre.
Elles contiennent un article 2286 consacré au droit de rétention. Ce texte reprend de manière synthétique les hypothèses dans lesquelles un créancier peut être amené à se prévaloir d'un droit de rétention. Il est également précisé que ce droit « se perd par le dessaisissement volontaire ».
Enfin, afin de ne pas remettre en cause les règles d'ordre public applicables en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire, ou encore de traitement des situations de surendettement, l'article 2287 précise que les dispositions du livre IV ne « font pas obstacle » à leur application.


1.2. La réforme des sûretés personnelles et mobilières
1.2.1. Les sûretés personnelles


L'article 4 de l'ordonnance précise que les sûretés personnelles régies par le titre Ier du livre IV sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d'intention et décrit le plan de ce titre.


1.2.1.1. La renumérotation des textes
relatifs au cautionnement


L'article 5 est consacré aux dispositions relatives au cautionnement. La loi d'habilitation du 26 juillet 2005 n'a pas autorisé le Gouvernement à légiférer en cette matière. Les dispositions qui concernent cette sûreté ont donc pour seul objet de transférer les textes relatifs au cautionnement qui forment le titre XIV du livre III de l'actuel code civil dans le livre IV du même code. Les articles 2011 à 2043 sont repris in extenso et deviennent respectivement les articles 2288 à 2320. Seule l'architecture de l'actuel titre XIV a été modifiée pour tenir compte de la création du livre IV (ainsi les chapitres ont été remplacés par des sections, et les sections par des sous-sections).


1.2.1.2. La consécration de la garantie autonome
et de la lettre d'intention


Les articles 6 et 7 ont vocation à consacrer deux nouvelles sûretés personnelles dans le code civil : la garantie autonome et la lettre d'intention, chacune de ces sûretés faisant l'objet d'un article dans le nouveau livre.
La garantie autonome est définie comme étant « l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande soit suivant des modalités convenues » (article 2321).
En cela, la garantie autonome se distingue nettement du cautionnement dès lors que le garant doit payer « une somme » et non exécuter la dette du débiteur principal. Toutefois, afin de satisfaire aux termes de la loi d'habilitation, l'hypothèse de l'abus ou de la fraude manifestes est expressément réservée dans le deuxième alinéa de cet article de telle sorte que le garant pourra, le cas échéant, s'en prévaloir pour refuser de payer.
Dans le souci de protéger les consommateurs contre le développement de cette sûreté à laquelle ils ne sont pas habitués et qui ne bénéficie pas des règles protectrices applicables au cautionnement, l'ordonnance propose, dans son article 39, d'interdire sa souscription à l'occasion d'un crédit relevant des chapitres Ier et II du titre Ier du livre III du code de la consommation. De même, l'article 53 prévoit que la garantie autonome ne pourra être souscrite en matière de baux à usage d'habitation « qu'en lieu et place du dépôt de garantie » et « dans la limite du montant fixé » par l'article 22, alinéa 1er, de la loi du 6 juillet 1989 (soit deux mois de loyer). La garantie autonome ne pourra donc être exigée en sus du dépôt de garantie, ce qui aurait eu pour effet d'imposer au locataire la constitution de garanties trop importantes au regard de ses revenus. Elle ne pourra pas non plus être substituée au cautionnement dont le régime est fixé par l'article 22-1 de cette même loi.
La lettre d'intention fait également l'objet d'une définition suffisamment large pour permettre d'envisager les différentes applications en pratique de cette sûreté puisqu'elle est définie comme étant « l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier. » (article 2322).


1.2.2. Les sûretés réelles mobilières


L'article 8 détaille l'architecture du titre II du livre IV du code civil consacré aux sûretés réelles. Il reprend notamment dans un sous-titre Ier intitulé « Dispositions générales » les actuels articles 2094 à 2099 du code civil, qui deviennent respectivement les articles 2323 à 2328.
L'article 9 présente l'architecture du sous-titre II consacré aux sûretés sur les meubles.
L'article 10 comprend le nouvel article 2329 du code civil qui annonce les différentes sûretés sur les meubles qui sont traitées par ce sous-titre. Font ainsi successivement l'objet de dispositions, les privilèges mobiliers, le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles incorporels et la propriété retenue à titre de garantie.


1.2.2.1. Les privilèges mobiliers


Ils sont évoqués dans l'article 9. Les articles 2100 à 2102 du code civil sont repris sans modification respectivement dans les articles 2330 à 2332. Des règles de classement des privilèges font l'objet d'une section 3 du chapitre Ier du sous-titre II consacré aux sûretés réelles mobilières qui comprend les articles 2332-1 à 2332-3.
L'article 2332-1 nouveau du code civil règle le conflit entre les privilèges généraux et spéciaux en reprenant une solution dégagée par la jurisprudence et en affirmant que : « Sauf dispositions contraires, les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux ». Cet article réserve cependant le cas de dispositions législatives dérogatoires et fait ainsi notamment référence au bouleversement du classement en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou encore en cas d'exercice des privilèges accordés au Trésor public.
L'article 2332-2 règle le conflit entre les privilèges généraux en précisant que ceux-ci « s'exercent dans l'ordre de l'article 2331 à l'exception du privilège du Trésor public, dont le rang est déterminé par les lois qui le concernent, et du privilège des caisses de sécurité sociale, qui vient au même rang que le privilège des salariés ».
Enfin, l'article 2332-3 synthétise les règles de classement entre les privilèges mobiliers spéciaux telles que dégagées par la jurisprudence sur le fondement de l'ancien article 2096 du code civil.
Ces dispositions sont conformes au...

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