Rapport au Président de la République établi par la Commission nationale de contrôle de la campagne pour l'élection présidentielle (scrutins des 21 avril et 5 mai 2002)

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°266 du 15 novembre 2002
Record NumberJORFTEXT000000416894
Date de publication15 novembre 2002




Pour la septième fois depuis sa création (soit une fois tous les cinq ans et trois mois en moyenne), cet organisme spécifique, parce qu'à éclipse, qu'est la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle, a été réuni en 2002 en vue d'exercer sa mission dans les semaines précédant le scrutin.
Bien que ce dernier soit désormais largement encadré par les textes constitutionnels, législatifs et réglementaires et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et que l'expérience des scrutins successifs en rende la pratique plus aisée, la campagne électorale qui le précède n'est pas pour autant un exercice simple et dénué de difficultés. Il revient à la commission, pour l'essentiel, d'assurer l'égalité entre les candidats de telle sorte que les résultats électoraux soient incontestables (à défaut d'être incontestés). Or, comme souvent en la matière, la clarté du principe ne signifie pas que la réalisation en soit évidente. Les difficultés qui ont pu survenir tiennent pour partie, mais pour partie seulement, aux conditions particulières de l'élection de 2002, notamment du nombre de candidats au premier tour et de la configuration particulière du second. Elles proviennent en réalité surtout, d'une part, de la dimension matérielle de l'événement (ainsi chaque candidat doit assurer l'impression de déclarations en quarante-trois millions d'exemplaires ; ou encore avaient été imprimés en 1995 un million de carnets à souches de reçus de dons) ; d'autre part, des délais dans lesquels est enfermé l'ensemble de l'opération ; enfin, de la conciliation de l'égalité avec les nécessités et les moyens contemporains d'informer.
C'est pourquoi il a paru à la commission nécessaire de faire connaître dans son rapport ces difficultés. Toutes n'appellent pas nécessairement des réformes. Mais toutes requièrent des réflexions, et non pas seulement des acteurs publics, sur les comportements, de telle sorte que la compétition électorale puisse à la fois demeurer conforme aux principes qu'inspire notre démocratie et remplir parfaitement son objet - informer chaque électeur sur le programme et la personne des candidats.


PREMIÈRE PARTIE
Le cadre juridique et le fonctionnement
de la Commission nationale de contrôle
A. - Le cadre juridique et le fonctionnement de la commission
1. Les textes
a) Les textes originels


Il est à peine besoin de rappeler que l'élection présidentielle est régie, dans son principe et ses modalités, par les articles 6, 7 et 58 de la Constitution, modifiés à plusieurs reprises et en dernier lieu, pour la détermination de la durée du mandat présidentiel, par la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000. Ces modifications n'ont affecté en rien la mission de la Commission nationale de contrôle. Cette dernière n'apparaît d'ailleurs pas dans le texte constitutionnel.
L'article 6 renvoie à une loi organique les modalités de son application. La loi organique du 6 novembre 1962, dans son article 3, fréquemment modifié lui aussi (par exemple pour énumérer les élus habilités à présenter des candidats ou pour fixer le plafond des dépenses électorales), définit ces modalités. L'article 3.IV prévoit ainsi que « tous les candidats bénéficient, de la part de l'Etat, des mêmes facilités pour la campagne en vue de l'élection présidentielle », le V renvoyant pour sa part à des dispositions réglementaires l'application des prescriptions de la loi organique. Celle-ci définit également très précisément les dispositions législatives du code électoral applicables à l'élection présidentielle : beaucoup de celles en usage pour les campagnes électorales municipales, cantonales ou législatives sont ainsi transposables à l'élection présidentielle (art. L. 47 à L. 52-2 ; L. 52-4 à L. 52-11 ; L. 52-12 et L. 52-16 du code). Comme l'a noté le précédent rapport de la commission (cf. note 1) , elles comprennent ainsi, notamment, les fortes limites, apportées par le législateur en 1990 et en 1995, aux utilisations de procédés commerciaux par les candidats et, plus généralement, les contrôles sévères institués en matière de financement de la campagne.
Le texte d'application de la loi organique du 6 novembre 1962 a été longtemps le décret portant règlement d'administration publique n° 64-231 du 14 mars 1964. Il comportait quatre titres, portant respectivement sur les déclarations (c'est-à-dire les présentations ou « professions de foi » de candidats) et les candidatures, la campagne électorale, les opérations électorales et le contentieux de l'élection. C'est dans le deuxième titre qu'étaient données la composition et la mission de la commission, chargée de veiller au respect du principe d'égalité entre les candidats posé par l'article 3.IV de la loi du 6 novembre 1962, d'une part, et d'assurer des attributions relatives aux réunions publiques, à la campagne par voie de presse, aux affiches et aux déclarations des candidats, d'autre part.
Mais ces attributions - la règle n'a pas varié sur ce point - s'exercent naturellement dans le respect des missions dévolues au Conseil constitutionnel (qui établit la liste de candidats dont l'ordre s'impose ensuite pendant la campagne) ; de même que le rôle que peut jouer la commission en matière de campagne « officielle » sur les canaux des sociétés nationales de programme doit s'accorder avec celui que la loi et le règlement confèrent au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le rôle de la commission s'arrête enfin, selon ces dispositions, non avec la fin de la campagne « officielle » sur les ondes, mais avec la fin du scrutin : il lui revient évidemment de contrôler tout débordement de la campagne électorale sur les jours de scrutin de chaque tour ; toutefois le contrôle des opérations électorales relève entièrement du Conseil constitutionnel.
L'existence de la commission, tel que le gouvernement de 1964 a choisi de l'instituer (et les gouvernements successifs de la reconduire) est compatible avec l'article 58 de la Constitution, lequel réserve au Conseil constitutionnel le soin de veiller à « la régularité de l'élection du Président de la République ». Les documents de 1964 font apparaître deux éléments en faveur de la création de la commission : un argument de texte, selon lequel la régularité de l'élection ne se confond pas avec la régularité de la campagne ; un raisonnement demeuré intact avec le temps, en vertu duquel le juge de l'élection - ici le Conseil constitutionnel - ne saurait être simultanément le garant du bon déroulement de la campagne. Autrement dit, la liberté du garant et la liberté du juge ne s'exercent pleinement que distinctes ; le juge n'est pas lié par les considérations faites durant la campagne ; le garant ne saurait, par ses interventions, préjuger du sort qui sera fait à l'élection. Ou encore, il est légitime que le juge n'ait pas à apprécier ce qu'il a pu antérieurement contrôler. C'était là la motivation du Conseil constitutionnel et du gouvernement en 1964 ; elles sont demeurées constantes sur ce point. Au surplus, dans une décision du 9 avril 1995, Mme Gisèle Néron (rec.p. 53), le Conseil constitutionnel, en réponse à un moyen tiré de l'irrégularité du décret du 14 mars 1964, a rappelé que la loi organisant l'élection du Président de la République au suffrage universel avait été adoptée par référendum et constituait ainsi l'expression directe de la souveraineté nationale ; qu'elle avait entendu conférer au gouvernement « les pouvoirs les plus larges pour prendre l'ensemble des mesures nécessaires pour en assurer l'application ». Le décret du 14 mars 1964, comme celui du 8 mars 2001 qui l'a remplacé, ne sont pas les textes d'application d'une loi « banale ». Ce ne sont pas seulement la composition solennelle de la commission, ni même son objet, relatif à un scrutin central de notre vie démocratique, mais les conditions juridiques de son apparition, qui légitiment une large vision de sa mission. L'expérience montre que cette manière de voir a été la bonne, en 2002 comme au cours des campagnes précédentes, au cours desquelles la commission a joué un rôle très positif.


b) La réforme du décret du 8 mars 2001


Au règlement d'administration publique devenu décret en Conseil d'Etat du 14 mars 1964, qui avait été maintenu avec quelques modifications (destinées à introduire notamment les conséquences à tirer des lois sur le financement des campagnes électorales), a été substitué le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, complété (trop) peu de temps avant l'élection par un décret relatif à l'application des dispositions outre-mer (décret n° 2002-243 du 21 février 2002). Cette modification faisait suite notamment aux observations du Conseil constitutionnel sur l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995 (Journal officiel du 15 décembre 1995, page 18247) et sur celle, alors à venir, de 2002 (Journal officiel du 23 juillet 2000, page 11403).
Le nouveau texte a laissé subsister les principes essentiels du texte précédemment en vigueur.
La composition de la commission reste inchangée : le vice-président du Conseil d'Etat, qui la préside, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, qui désignent deux autres membres de ces corps, en activité ou honoraires, pour siéger avec eux. Des suppléants sont également prévus. La liste des membres ne siégeant pas ès qualités et de leurs suppléants a été publiée par décret n° 2002-204 du 15 février 2002 (Journal officiel du 17, page 3117). Dans la pratique adoptée en 2002, les suppléants ont peu siégé ; dans la très grande généralité des cas, la commission, qui a pu déterminer son calendrier pour l'essentiel dès la réunion du 22 février, a pris soin de veiller à une présence effective des titulaires à ses réunions et elle est largement parvenue à l'assurer.
La mission de la commission demeure identique : veiller, de manière générale, à ce que les candidats bénéficient des mêmes facilités de la part de l'Etat pour la campagne électorale (art. 13 du décret). Plus...

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