Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°252 du 30 octobre 2007
Date de publication30 octobre 2007
Record NumberJORFTEXT000000467267



Une Ve République plus démocratique



Introduction


La Constitution du 4 octobre 1958 est entrée dans sa cinquantième année ; elle a traversé bien des épreuves, dont celle, à trois reprises, de la « cohabitation » ; elle a fait montre de sa souplesse et de sa solidité ; elle a doté notre pays d'institutions stables et efficaces ; elle a élargi l'assise du régime républicain en démontrant, à la faveur de cinq alternances, sa capacité à fonctionner au service de tendances politiques différentes qui toutes se sont bien trouvé des moyens qu'elle a mis à leur disposition.
Pour autant, force est de constater que les institutions de la Ve République ne fonctionnent pas de manière pleinement satisfaisante. En dépit des nombreuses révisions constitutionnelles intervenues ces dernières années - la Constitution a été révisée vingt-deux fois depuis 1958, dont quinze fois au cours des douze dernières années - les institutions peinent à s'adapter aux exigences actuelles de la démocratie.
Surtout, la présidentialisation du régime, entamée en 1962 avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, s'est développée sans que la loi fondamentale évolue de telle manière que des contrepoids au pouvoir présidentiel soient mis en place. Certes, la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires, intervenue en 1974, a tempéré la toute-puissance du pouvoir politique. Mais le Parlement demeure enfermé dans les règles d'un « parlementarisme rationalisé », caractérisé par la quasi-tutelle du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, dont il n'est pas contestable qu'il avait son utilité en 1958, au sortir de douze années de régime d'assemblée, mais qui participe, aujourd'hui, d'une singularité française peu enviable au regard des principes mêmes de la démocratie.
L'acception présidentialiste du régime a été définie par le général de Gaulle lors de sa célèbre conférence de presse du 31 janvier 1964. La pratique suivie par ses successeurs n'a guère démenti cette lecture des institutions, à la notable exception des périodes de cohabitation, au cours desquelles la lettre de la Constitution a prévalu sur son esprit et la réalité du pouvoir exécutif est passée, pour l'essentiel, entre les mains du Premier ministre.
L'adoption du quinquennat et ce qu'il est convenu d'appeler l'« inversion du calendrier électoral » qui, depuis 2002, a pour effet de lier étroitement le scrutin présidentiel et les élections législatives, ont accentué la présidentialisation du régime. Même si cette évolution semble rencontrer l'adhésion de l'opinion publique, elle demeure fragile et porte la marque d'un déséquilibre institutionnel préoccupant. Elle est fragile car la concordance des scrutins qui favorise celle des majorités, présidentielle et parlementaire, ne la garantit pas et demeure tributaire du décès ou de la démission du Président de la République comme de l'exercice de son droit de dissolution de l'Assemblée nationale. Elle est déséquilibrée dans la mesure où les attributions du Président de la République s'exercent sans contrepouvoirs suffisants et sans que la responsabilité politique de celui que les Français ont élu pour décider de la politique de la nation puisse être engagée.
Il s'en déduit que le rééquilibrage des institutions passe d'abord, dans le cadre du régime tel qu'il fonctionne aujourd'hui, par un accroissement des attributions et du rôle du Parlement.
Telle a été la première constatation du Comité.
La deuxième est relative à la nécessité, apparue du fait de la survenance des expériences dites de « cohabitation », de clarifier les attributions respectives du Président de la République et du Premier ministre. La présidentialisation de la Ve République s'est traduite, dans les temps ordinaires, par une double responsabilité du Premier ministre, devant l'Assemblée nationale, comme le prévoient les articles 20 et 49 de la Constitution, mais aussi devant le Président de la République, comme ne le prévoit pas l'article 8 de la même Constitution. De même, chacun sait qu'en dehors des périodes de « cohabitation », ce n'est pas le Gouvernement qui, comme en dispose l'article 20 de la Constitution, « détermine (...) la politique de la nation » mais le Président de la République. Dans ces conditions, il est apparu au Comité que sa réflexion devait porter sur la clarification des rôles au sein du pouvoir exécutif. Les travaux qu'il a conduits sur cette question se situent - c'est l'hypothèse qui recueille un large accord en son sein - dans le cadre du régime actuel, caractérisé par la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale. Mais le Comité ne s'est pas interdit, dans ses discussions, d'envisager l'hypothèse d'une évolution vers un régime nettement présidentiel, dans lequel la responsabilité gouvernementale devant le Parlement n'a plus sa place.
Troisième constatation du Comité : les institutions de la Ve République ne reconnaissent pas aux citoyens des droits suffisants ni suffisamment garantis. L'impossibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité d'une loi déjà promulguée à la Constitution, la difficulté à saisir le Médiateur de la République des différends qui opposent les citoyens aux administrations publiques, la prolifération de normes législatives et réglementaires, parfois rétroactives, l'instabilité de la règle de droit, la place de la justice dans le fonctionnement des institutions, les modes de scrutin par le biais desquels s'expriment les choix du peuple souverain sont autant de sujets sur lesquels le Comité s'est penché. Les propositions qu'il formule à ce titre portent la marque d'une volonté de modernisation et de démocratisation de nos institutions.


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Le Comité s'est attaché, dans un premier temps, à prendre la mesure de sa tâche en passant en revue les quelque trente sujets découlant de sa mission de réflexion et de proposition. Il y a consacré de nombreuses séances de travail. Pour autant, le Comité ne s'est pas interdit, comme le lui suggérait d'ailleurs le Président de la République, de se saisir d'autres sujets sur lesquels il a estimé qu'il était de son devoir d'appeler l'attention.
Puis, le Comité a procédé à l'audition d'une trentaine de personnalités afin d'éclairer sa réflexion compte tenu soit de leur expérience et de leur rôle au service de l'Etat, soit de leur place dans la vie politique de notre pays. Soucieux de témoigner de la volonté de transparence qui l'anime, le Comité a tenu à ce que ces auditions fussent publiques et télévisées, sauf souhait contraire des personnalités entendues.
Ainsi, le Comité a reçu les présidents des assemblées parlementaires et de leurs commissions des lois, le président du Conseil constitutionnel, le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette Cour, le premier président de la Cour des comptes, le président du Conseil économique et social et le chef d'état-major des armées ainsi que ceux des membres du Gouvernement dont les attributions justifiaient plus particulièrement qu'ils fussent consultés. Il a également entendu les dirigeants et présidents des groupes parlementaires des partis politiques représentés soit au Parlement national, soit au Parlement européen.
Dans le même souci de transparence, le Comité a ouvert un site internet sur lequel ont été diffusés les documents qui ont guidé et alimenté sa réflexion. Le public a été invité à formuler des remarques sur la base de ces documents. Le Comité a pu constater que la question des institutions n'est pas le monopole de quelques spécialistes et que les Français dans leur ensemble sont, contrairement aux idées reçues, soucieux de mieux s'approprier la Constitution.
Une fois collationnés les enseignements retirés des auditions, dont la liste est publiée en annexe au présent rapport, ainsi que des contributions, souvent éclairantes, envoyées par le biais de son site internet, le Comité s'est attaché à dégager les propositions de modernisation et de rééquilibrage des institutions qu'il avait reçu mission de mettre au jour.
Trois séries d'observations doivent être formulées sur cette partie du travail accompli par le Comité.
En premier lieu, le Comité s'est efforcé de présenter celles de ses propositions qui relèvent de la matière constitutionnelle en la forme d'articles de la Constitution révisée. Il doit être clair que, ce faisant, le Comité n'a nullement entendu se substituer au pouvoir constituant. Son désir était uniquement celui de la clarté de l'exposé, tant il est vrai que seul l'exercice de l'écriture garantit le sérieux des propositions.
En deuxième lieu, le Comité a réservé une large place à l'explication des motifs qui justifient, à ses yeux, les solutions qu'il propose et la rédaction qui les précise. A ce titre, le Comité a pu se borner à ne formuler, dans le texte même de la révision constitutionnelle qu'il suggère, que les règles essentielles et à renvoyer pour le surplus à la loi organique, voire à la loi simple, son commentaire indiquant alors les points les plus importants que le législateur serait invité à trancher le moment venu. Au demeurant, certains des sujets sur lesquels le Comité a reçu mission de se pencher ne sont pas d'ordre constitutionnel et le Comité s'est alors borné à fixer les grandes lignes des textes législatifs qu'il appelle de ses voeux.
En troisième et dernier lieu, le Comité s'est efforcé de formuler des propositions qui fassent en son sein l'objet d'un accord. Il y est parvenu au terme de discussions approfondies, parfois empreintes d'une certaine vivacité. Sans doute les membres du Comité ont-ils chacun une lecture personnelle des institutions de la Ve République et le débat a-t-il souvent confronté des points de vue opposés, mais la discussion contradictoire a porté ses fruits et les propositions qui émanent des travaux du Comité portent la marque de la cohérence.


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Le présent rapport obéit à une logique qui s'est affirmée...

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