Saisine complémentaire à la saisine du 19 décembre 1997, présentée par plus de soixante députés en date du 19 décembre 1997 et visée dans la décision no 97-395 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°303 du 31 décembre 1997
Date de publication31 décembre 1997
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000387220

LOI DE FINANCES POUR 1998

I. - Sur le plafonnement de la restitution

de l'avoir fiscal aux personnes physiques

L'article 19 de la loi de finances pour 1998 a pour objet de limiter le remboursement par le Trésor de l'avoir fiscal aux personnes physiques domiciliées en France à 500 F pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé et 1 000 F pour un couple soumis à imposition commune.

L'avoir fiscal, institué pour éviter une nouvelle imposition entre les mains de l'actionnaire des bénéfices distribués par une société française, représente l'impôt sur les sociétés déjà payé par la société distributrice et vaut crédit d'impôt sur le Trésor qui s'impute sur le revenu dû par l'actionnaire.

Egal à la moitié des sommes effectivement versées par la société, il ne peut être utilisé que s'il est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Ce revenu brut, dont la partie correspondant à l'avoir fiscal est « virtuelle », est taxé selon la tranche marginale d'impôt sur le revenu du contribuable. L'avoir fiscal est ensuite retranché de l'impôt brut.

Il s'agit bien d'éviter un phénomène de double imposition, pour preuve le fait que la société distributrice devra payer le précompte mobilier si les sommes objet de la distribution n'ont pas subi l'impôt sur les sociétés au taux plein ou si elles l'ont subi il y a plus de cinq ans. Les dispositions de l'article déféré conduiraient dans certains cas à faire payer le précompte sur des bénéfices de plus de cinq ans, afin de gager l'avoir fiscal, et à ne pas rembourser l'avoir fiscal au contribuable, le Trésor serait alors doublement gagnant.

Le dispositif aménagé par l'article 19 méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt à plusieurs titres.

En premier lieu, le plafonnement du remboursement de l'avoir fiscal pénalise les titulaires des revenus les plus faibles. En effet, seuls les contribuables payant suffisamment d'impôt sur le revenu pour imputer l'avoir fiscal continueront à se faire restituer la totalité de l'avoir fiscal. Les autres, bien que la société ait acquitté l'impôt sur les bénéfices distribués, ne récupéreront que 500 F, ou 1 000 F pour un couple. Ce sont donc les contribuables modestes qui subissent de plein fouet la mesure.

En deuxième lieu, alors qu'ils n'ont pas les mêmes charges de famille, deux contribuables ayant des revenus de même montant seront traités différemment au regard de ce dispositif. Le contribuable sans charges de famille, dont la cotisation d'impôt est plus forte, conservera le bénéfice du paiement de tout son avoir fiscal et celui chargé de famille, dont la cotisation est plus faible, sera privé d'une partie du crédit ouvert sur le Trésor.

En troisième lieu, le dispositif de l'article 19 laisse intacte dans plusieurs cas la restitution de l'avoir fiscal aux personnes redevables d'un impôt insuffisant pour en obtenir l'imputation intégrale : lorsqu'il s'agit de personnes physiques domiciliées à l'étranger ; lorsqu'il s'agit d'institutions de retraite ; lorsqu'il s'agit de dividendes attachés aux actions détenues dans un plan d'épargne en actions, au travers d'un plan d'épargne d'entreprise ou acquis au moyen des sommes provenant de la participation des salariés - ainsi que dans de nombreuses autres situations.

En quatrième lieu, la correction prévoyant que lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu global, la fraction non restituée est retranchée des revenus des capitaux mobiliers de l'année suivant celle de la perception des dividendes, ne peut jouer que pour les contribuables subissant des déficits supérieurs au montant des dividendes, non pour les autres : ceux-là ne peuvent imputer sur les revenus ultérieurs l'avoir fiscal non remboursé.

Plus généralement, le dispositif de l'article 19 conduit à imposer les contribuables visés sur une somme, l'avoir fiscal non remboursé, qu'ils n'ont pas perçue.

Pour toutes ces raisons, l'article 19 méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt, au respect duquel le Conseil constitutionnel a rappelé le législateur fiscal à plusieurs reprises.

Certes, peuvent être traitées de manière différente des personnes qui sont dans des situations différentes, ou être aménagées des différences de traitement dans un but d'intérêt général, mais c'est à la condition que, dans l'un et l'autre cas, ces différences aient un rapport direct avec l'objet de la loi (en ce sens notamment CC 96-380 DC 23 juillet 1996, Rec. 107, considérant 8).

Mais, d'une part, doivent être retenus des critères objectifs et rationnels en fonction des buts que se propose le législateur (CC 96-385 DC 30 décembre 1996, Rec. 145, considérant 4) ; d'autre part, même si des différences peuvent être admises, le principe d'égalité en toute hypothèse ne peut donner lieu à une rupture caractérisée (CC 85-200 DC 16 janvier 1986, Rec. 9, considérant 17).

En l'espèce, aucun critère objectif et rationnel ne justifie les différences de traitement résultant de l'article 19 ; celui-ci procède à une rupture caractérisée du principe de l'égalité de tous devant les charges publiques.

Il doit donc être déclaré contraire à la Constitution.

II. - La déductibilité de la CSG des bases

de l'impôt sur le revenu

L'article 80, dans le prolongement de l'extension de la CSG et de l'augmentation de son taux, prévoit sa déductibilité, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui pour certains des revenus sur lesquels elle porte, non sur les autres.

Pour l'essentiel, la déductibilité est admise par le législateur pour les salaires et revenus d'activité, les retraites et certains revenus de remplacement (indemnités de chômage) ; elle ne l'est pas pour les revenus et produits du capital (dividendes, revenus fonciers, intérêts, plus-values immobilières).

Pour établir cette différence de traitement, le législateur a sans doute cru pouvoir s'inspirer de l'origine de l'augmentation du taux de CSG qui pèse sur les salariés et autres personnes assimilées : cette augmentation vient en remplacement des cotisations de sécurité sociale auxquelles ils étaient assujettis précédemment. Ces cotisations étaient déductibles. Corrélativement le législateur a voulu également rendre déductible la partie de la CSG qui les remplace. En revanche, les revenus et produits du capital n'étant pas soumis précédemment à des cotisations de sécurité sociale venant en déduction du revenu imposable, le législateur...

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