Saisine du Conseil constitutionnel en date du 17 octobre 2016 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2016-739 DC

JurisdictionFrance
Record NumberJORFTEXT000033419045
Date de publication19 novembre 2016
Publication au Gazette officielJORF n°0269 du 19 novembre 2016
Enactment Date17 octobre 2016


LOI DE MODERNISATION DE LA JUSTICE DU XXIE SIÈCLE


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Les sénateurs requérants considèrent que la procédure d'élaboration du texte ainsi que les articles 2 bis, 4, 4 bis, 4 ter, 17 ter, 18, 18 quater, 18 sexies, 20, 21, 45 ter et 52 sont contraires à la Constitution au titre des exigences de clarté et de sincérité de la loi, des principes de normativité, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ou contraires à l'article 45 de la Constitution ou méconnaissent la compétence du législateur.


1. Sur la procédure d'examen de la loi :
Les sénateurs requérants estiment que la procédure législative a été dévoyée par le Gouvernement.
En effet, alors que la procédure accélérée avait été engagée au dépôt du projet de loi, la première lecture à l'Assemblée nationale a été effectuée plus de six mois après la première lecture au Sénat.
De plus, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit en première lecture des dispositions très importantes et tout à fait nouvelles par rapport à l'objet initial du texte, d'une façon portant atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire : réforme du divorce par consentement mutuel sans juge, réforme de la procédure de changement de sexe à l'état civil et suppression de la collégialité de l'instruction en particulier.
Par leur nombre (1), leur ampleur et la faiblesse du lien avec l'objet du texte, le Gouvernement a détourné la procédure d'élaboration des projets de loi. L'ensemble de ces dispositions additionnelles, véritable second projet de loi inclus dans le projet de loi initial, ont abusivement ignoré l'obligation d'étude d'impact, l'examen par le Conseil d'Etat et la délibération par le conseil des ministres et ont constitué un usage dénaturé du droit d'amendement du Gouvernement.
La procédure d'élaboration de ce texte a donc méconnu les obligations constitutionnelles et organiques relatives à l'élaboration des projets de loi, portant une atteinte manifeste selon les sénateurs aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire et à l'équilibre de la navette parlementaire, tel qu'il résulte de l'article 45 de la Constitution.
2. Sur l'article 2 bis relatif à l'interopérabilité des réseaux privés virtuels des professions du droit :
Le texte prévoit que les professionnels du droit et du chiffre (huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, avocats, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, commissaires aux comptes, experts-comptables, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires) proposent à leurs clients « une relation numérique dans un format garantissant l'interopérabilité de l'ensemble des échanges ».
A l'exception des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, ces professionnels devraient, pour permettre l'interopérabilité des échanges, rendre « librement accessibles les données figurant dans leurs annuaires et tables nationales ».
L'objectif de cette disposition serait de permettre aux différentes professions du droit et du chiffre, qui ont d'ores et déjà mis en place des réseaux privés virtuels, de se connecter les uns aux autres.
Or, en l'absence de définition de ce que serait la « relation numérique » ainsi mise en place, ou encore de la désignation précise des personnes qui auraient accès aux données de ces professions (annuaires, tables nationales), cette disposition, de par son imprécision, est contraire au principe de clarté de la loi et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Elle pose également, selon les requérants, un problème d'incompétence négative du législateur.
3. Sur l'article 4 relatif à l'extension du champ de la médiation administrative :
Cet article prévoit une expérimentation consistant à imposer pour certains contentieux, pour une durée de quatre ans, et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le recours préalable à une médiation avant l'introduction d'un recours contentieux devant les juridictions administratives.
Outre l'imprécision du périmètre des litiges concernés (les recours contentieux formés par « certains agents », l'absence de précision concernant les personnes ou les institutions en charge de cette mission de médiation préalable…), qui...

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