Saisine du Conseil constitutionnel en date du 13 juillet 2005 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2005-522 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°173 du 27 juillet 2005
Record NumberJORFTEXT000000452047
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication27 juillet 2005



LOI DE SAUVEGARDE DES ENTREPRISES


Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi de sauvegarde des entreprises telle que définitivement adoptée par le Parlement le 13 juillet 2005.


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A titre liminaire, les auteurs de la saisine observent que les nouvelles dispositions en faveur des créanciers bancaires dans le cadre de la loi déférée s'ajoutent à d'autres, déjà adoptées ou en cours d'adoption, qui relèvent du même esprit.
Aussi, il importe de relever, au préalable, le caractère fallacieux de l'argumentation selon laquelle les défaillances d'entreprises feraient courir des risques pour l'équilibre du système bancaire.
En réalité, force est de constater que les principaux groupes bancaires français affichent en 2004 des bénéfices record alors que parallèlement le nombre de défaillances d'entreprises, sur cette même période, continuait sa progression (cf. La Tribune, 11 février 2005, p. 2 ; Le Figaro économie, 1er juillet 2005). Cela est d'autant plus intéressant que, dans la même période, le législateur a écarté l'application de la notion du taux d'usure afin de maximiser la rémunération du risque.
Les auteurs de la saisine ont souhaité rappeler ces différentes données afin d'éclairer le texte soumis à votre examen.


I. - Sur les articles 8, 33 et 108 de la loi


L'article 8 dispose qu'« en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire subséquente, les personnes qui consentent, dans l'accord homologué mentionné au II de l'article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes créances nées antérieurement à l'ouverture de la conciliation, selon le rang prévu au II de l'article L. 622-15 et au II de l'article L. 641-13 ».
Par les articles 33 et 108, respectivement aux II des articles L. 622-15 et L. 641-13, la loi définit le nouvel ordre de paiement des créances dans le cadre tant des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire que de la procédure de liquidation judiciaire.
Si ces dispositions ne modifient pas le rang prioritaire des créances salariales par rapport au droit en vigueur, nul ne peut contester qu'elles bouleversent l'ordre de paiement des autres créances, assurant un rang de « super-privilège » exorbitant du droit commun aux créances résultant d'un « nouvel apport en trésorerie ».
Ainsi, en vertu de l'alinéa premier de l'article L. 611-11 tel que rédigé par l'article 8, des personnes privées, qui font un apport en « argent frais » à une entreprise en difficulté, bénéficieront d'une priorité de paiement de leur créance par rapport à celle de l'Etat ou des organismes sociaux au moment de l'apurement du passif de l'entreprise.
Certes, le bénéfice de ce privilège a été réduit au cours des débats, puisqu'il ne peut profiter ni aux « actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital », ni « directement ou indirectement » aux créanciers antérieurs à l'ouverture d'une procédure de conciliation au titre de leurs concours passés.
I-1. Mais cela n'est pas suffisant pour rendre ce dispositif compatible avec votre jurisprudence aux termes de laquelle le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (pour exemple notamment : décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, cons. 26 ; décision n° 99-405 DC du 29 décembre 1998, p. 326, cons. 20).
I-1.1. Or, en l'espèce, le législateur fait le choix de régler de façons différentes des situations objectivement semblables au regard de l'objet de la loi et de l'intérêt général poursuivi, c'est-à-dire, au cas présent, l'aide aux entreprises en difficulté.
En reconnaissant de manière systématique un rang prioritaire aux créances découlant « d'un nouvel apport en trésorerie » par rapport aux créances de l'Etat, des organismes de sécurité sociale, comme des institutions gérant le régime d'assurance chômage, sans distinguer si ces derniers ont concédé ou non à des abandons partiels de leurs créances pour « sauvegarder l'entreprise », abandons que favorisent les articles 6 et 63, la loi instaure une...

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