Saisine du Conseil constitutionnel en date du 5 décembre 2012 présentée par au moins soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2012-659 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0294 du 18 décembre 2012
Date de publication18 décembre 2012
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000026786197




LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2013


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Les députés soussignés ont l'honneur de vous déférer, en application du second alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et notamment ses articles 11, 25, 28, 55, 57, 58, 60 et 61.
I. ― Sur la sincérité des prévisions et de la loi de financement de la sécurité sociale :
De manière générale, les auteurs de la saisine contestent la sincérité des prévisions et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et, pour ce motif, vous demandent de la déclarer contraire à la Constitution.
Résultant des alinéas 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de sincérité suppose, aux termes du 2° du B du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, que la loi de financement de la sécurité sociale « détermine, pour l'année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible ». Or la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 est budgétairement insincère, car fondée sur des hypothèses de croissance, donc de ressources, qui apparaissent clairement irréalistes au regard de la situation économique et sociale actuelle. Il en résulte une inadéquation manifeste entre les prévisions de dépenses et les prévisions de recettes qui lui sont affectées.
Ces hypothèses ont déjà été démenties par plusieurs organismes internationaux autant que nationaux, L'hypothèse de croissance retenue est de 0,8 % du PIB en 2013, alors que le FMI table sur 0,4 %. De même, le texte fixe un objectif de hausse des dépenses de l'assurance maladie de 2,7 %, alors que la Cour des comptes recommandait 2,5 % ; cette dernière argumente sur la fuite en avant déficitaire qu'entraînera le taux retenu par le Gouvernement en affirmant qu'un « taux de croissance annuel de 2,4 % assure un retour à l'équilibre en 2017. Le taux de 2,7 % le repousse à 2019 ». Ces raisons ont conduit la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse nationale d'assurance vieillesse et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale à formuler des avis défavorables sur le projet.
Par ailleurs, les auteurs de la saisine estiment que l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 est en contradiction avec les engagements de maîtrise des dépenses publiques et des déficits pris par la France et confirmés, spécialement, par la signature et la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire du 2 mars 2012. S'ils ne méconnaissent pas la jurisprudence constante par laquelle vous vous refusez à contrôler la conformité des lois aux conventions internationales, les auteurs de la saisine notent que vous avez considéré, dans la décision relative audit traité, « que le Conseil constitutionnel est chargé de contrôler la conformité à la Constitution des lois des programmations relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ; que saisi dans le cadre de l'article 61 de la Constitution il doit notamment s'assurer de la sincérité de ces lois ; qu'il aura à exercer ce contrôle en prenant en compte l'avis des institutions indépendantes préalablement mises en place » (Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, cons. 27). Le contrôle de la sincérité ne saurait donc à l'évidence plus se limiter à celui de « l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre » (Conseil constitutionnel, décision n° 2009-585 DC du 6 août 2009, cons. 2). C'est pour cette raison qu'ils vous demandent de conclure à l'inconstitutionnalité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 au motif de son insincérité dans la mesure ou, déjà manifeste au vu des prévisions sur lesquelles le Gouvernement s'est fondé, elle ne saurait résister à l'analyse plus approfondie que désormais vous estimez devoir mener en prenant en compte les avis formulés par tes instances préalablement consultées.
II. ― Sur le domaine des lois de financement de la sécurité sociale :
Les auteurs de la saisine rappellent leur attachement au respect de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. A cet égard, il vous appartient d'exercer une vigilance particulière sur les dispositions de la loi qui n'entreraient pas dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale afin qu'elles ne deviennent pas des lois portant diverses dispositions d'ordre social. Ils vous demandent donc de déclarer contraires à la Constitution toutes les dispositions de la loi déférée qui n'entrent pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini, pour l'application de l'article 34, alinéa 5, de la Constitution, par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale et, spécialement, ses articles 55, 57, 58 et 61.
Sur l'article 55 :
L'article 55 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution au motif qu'il n'entre pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Tout d'abord, cette disposition ne concerne que les médicaments non remboursables qui ne sauraient, par conséquent, être concernés par l'objectif de maîtrise des dépenses.
Ensuite, on ne peut raisonnablement soutenir, comme le fait l'étude d'impact, que l'interdiction de la publicité des « spécialités non remboursables dont la dénomination rappelle celle d'une spécialité remboursable » aurait un impact direct sur l'équilibre des finances de la sécurité sociale. L'éventuelle confusion entretenue par des dénominations proches entre un médicament non remboursable et un médicament remboursable ne pourrait concerner, le cas échéant, que les patients et en aucun cas les prescripteurs, or il n'a jamais été démontré qu'une publicité grand public telle que celle qui est interdite par l'article 55 puisse accroître la prescription et donc la consommation des spécialités remboursables. Au contraire, la publicité est un levier nécessaire au développement du marché des médicaments non remboursables (marché de « l'automédication »).
Enfin, les motifs de l'article 55 indiquent clairement que, pour le Gouvernement, l'objet de cette disposition est de renforcer l'encadrement de la publicité des spécialités non remboursables, ce qui démontre bien que ces dispositions n'ont pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale puisqu'elles ont trait à la politique du médicament.
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne pouvez que conclure à l'inconstitutionnalité de l'article 55.
Sur l'article 57 :
L'article 57 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution au motif qu'il n'entre pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Cette disposition prévoit que, « en présence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché, une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation ». Elle étend ainsi le dispositif exceptionnel de recommandation temporaire d'utilisation (RTU) mis en place par la loi du 29 décembre 2011, qui n'était pas de financement de la sécurité sociale (loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, art. 18). Ce faisant, elle s'inscrit clairement dans le cadre de la politique du médicament et n'a pas sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Certes, l'objectif d'« éviter des dépenses ayant un impact significatif sur les finances de l'assurance maladie » est expressément visé par l'article 57 comme permettant la délivrance d'une RTU. Toutefois, ce motif économique n'est qu'alternatif d'un autre relatif à l'existence d'« un risque avéré pour la santé publique ». L'incidence de cette disposition sur l'équilibre des finances de la sécurité sociale n'est donc, au mieux, qu'éventuelle, ce qui en fait indéniablement un cavalier social.
De plus, en s'en tenant à l'unique branche prétendument « économique » de l'alternative, on voit mal qu'un dispositif par nature temporaire et exceptionnel puisse concourir de « façon significative » aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale. Cette contradiction traduit bien le caractère incantatoire de l'objectif financier artificiellement affiché dans le texte. Il ne suffit pas que le législateur ait pour « objectif » subjectif de réaliser des économies sur les dépenses d'assurance maladie pour que la disposition en cause puisse trouver sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Il est nécessaire que la disposition ait objectivement pour effet d'affecter directement et significativement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base, ce qui n'a jamais été démontré et est plus qu'improbable.
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne pouvez que conclure à l'inconstitutionnalité de l'article 57.
Sur l'article 58 :
L'article 58 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution au motif qu'il n'entre pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
L'article 58 porte sur les conditions dans lesquelles « l'information par démarchage ou la prospection pour les produits de santé » est « effectuée dans les établissements de santé ». Cette disposition vise à pérenniser une solution retenue à titre expérimental et pour une période ne pouvant excéder deux ans par une loi du 29 décembre 2011, qui n'était pas de financement de la sécurité sociale (loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des...

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