Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 2013 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2013-684 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0303 du 30 décembre 2013
Date de publication30 décembre 2013
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000028402253




LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2013


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés (1) ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de finances rectificative pour 2013 aux fins de déclarer contraires à la Constitution certaines de ses dispositions (2).
I. ― S'agissant de l'article 7 bis :
Introduit par voie d'amendement, cet article a pour objet de modifier l'article 1649 AA du code général des impôts en imposant aux souscripteurs des contrats de capitalisation ou des placements de même nature : « de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références des contrats ou placements concernés, la date d'effet et la durée de ces contrats ou placements, les opérations de remboursement et de versement des primes effectuées au cours de l'année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, au 1er janvier de l'année de la déclaration ».
Les sénateurs requérants estiment que l'article 7 bis de la présente loi est contraire au principe constitutionnel de respect de la vie privée.
Ce principe constitutionnel tire son origine de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à travers « les droits naturels et imprescriptibles de l'homme ».
Votre conseil, à travers une jurisprudence constante, a signalé la nécessité de protéger la vie privée, tout en admettant que cette protection pouvait connaître des limites pour un motif d'intérêt général.
Le contrôle de constitutionnalité afférant à la vie privée a donc été rationalisé au fil des décisions, notamment en utilisant deux prismes : la justification de cette atteinte à la vie privée par un motif d'intérêt général et la proportionnalité des dispositions contestées à l'objectif qui leur est assigné.
Cette démarche fut renouvelée dans une jurisprudence récente du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l'identité, où votre conseil a été amené à se prononcer sur la création d'un fichier biométrique de la population française. Dans un de ses considérants, votre conseil précise que : « Eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions de l'article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi » (3).
Cette approche de votre conseil est très proche des préconisations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en matière de respect des principes en matière de constitution de fichiers. En effet, l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que les données « sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ». Ce même article dispose ensuite que les données doivent être : « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ».
En d'autres termes, un fichier chargé de collecter des données personnelles doit, à la vue du corpus constitutionnel et législatif, avoir une finalité précise et ne pas être excessif.
Au cas présent, les requérants estiment que les informations collectées à l'article 7 bis ne sont pas justifiées et excessives au regard du but poursuivi.
Parce qu'adoptées par voie d'amendement, les dispositions de l'article 7 bis n'ont fait l'objet d'aucune évaluation préalable ni d'aucune justification. L'exposé sommaire de l'amendement qui a introduit cet article ne révèle rien sur le but poursuivi par ces dispositions puisqu'il y est écrit : « Les moyens de l'administration fiscale pour connaître l'encours des contrats d'assurance vie sont limités. En l'absence de versement de revenus, il n'existe aucun moyen de recoupement fondé sur des déclarations de tiers. Afin de renforcer la capacité de contrôle de l'administration sur ce type de placement, il est proposé d'instituer de nouvelles obligations déclaratives à la charge de l'assureur ou du souscripteur, si le contrat est souscrit auprès d'un organisme établi hors de France. »
Ainsi, le législateur reste muet en ce qui concerne l'utilisation de ces informations personnelles. En effet, il ressort de l'analyse de ces dispositions et des justifications qui leur sont apportées que ces contrôles supplémentaires en prise directe avec la...

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